Devoir de Philosophie

Est-ce un devoir de travailler ?

Publié le 14/02/2005

Extrait du document

Les mains blanches, qui n'avaient pas à toucher à la terre, ni à se salir, étaient celles des possédants capables de ne pas éreinter leur existence dans l'effort. Le marxisme utilise l'idée autrement, considérant que le travail obligatoire est une forme moderne de l'esclavage : « Le domaine de la liberté commence là où cesse le travail. » Marx, Karl. Il est certain que les démocraties contemporaines ont érigé la valeur du travail en une espèce d'universel incontournable, d'abord parce qu'elles en avaient besoin d'un point de vue économique, ensuite parce qu'elles en avaient besoin d'un point de vue social, comme facteur d'équilibre du tout (« Le travail constitue la meilleure des polices. » Nietzsche). Roger Caillois dans Les jeux et les hommes insiste sur cette réprobation qui pèse sur le jeu, et montre par exemple que le travail est seul présenté comme une forme de la justice, tout autre accumulation d'argent étant regardée avec suspicion (la loterie est notamment réprouvée en ce qu'elle est par essence « injuste » : « Le travail fourni est la mesure de la justice. ») Il ne faut bafouer ni l'égalité, ni l'effort.     Deuxième partie : Les limites de l'oisiveté Pourtant, l'impression d'un être livré à une pure gratuité ressemble à une espèce de sommeil improductif, non pas seulement, du point de vue de la nécessaire transformation des choses naturelles en objets de consommation manufacturés ou finis, mais encore du point de vue de l'esprit, qui a besoin de s'attacher à des buts, des projets constructifs, afin de se dépasser lui-même. « Le travail est l'aliment des âmes nobles. »  Lettres à Lucilius, XXXI, Sénèque.

On pourrait penser que le travail est un devoir au sens où il nous faut travailler pour vivre, et même pour survivre. En ce sens, travailler, c'est transformer la nature pour assurer la satisfaction des besoins naturels ou primaires, et des besoins artificiels ou secondaires. Mais dans ce cas, on parlera de nécessité : celui qui ne travaille pas - que ce travail soit salarié ou non - n'est pas en mesure de sauvegarder sa vie. Or la notion de devoir est avant tout une notion morale. Il faut donc vous demander en quoi le travail peut m'aider à améliorer l'être moral que je suis. Or vous apercevez vite que le travail, en même temps qu'il transforme la nature, transforme ma nature, mon identité la plus essentielle en ce qu'il permet à ma conscience de s'extérioriser, à mon intelligence de se développer et à ma liberté de se manifester. Le travail me permet alors de m'accomplir comme être humain. A vous de montrer comment.

« « Pour échapper à l'ennui, l'homme, ou bien travaille au-delà de ce qu'exigentses besoins normaux, ou bien il invente le jeu, c'est-à-dire le travail qui n'estplus destiné à satisfaire aucun autre besoin que celui du travail pour lui-même.

» Nietzsche, Humain, trop humain , 1878.

Un monde sans travail est impossible à imaginer, et des hommes sans travail se réduiraient à l'état debrutes réduites à la pulsion et au désir.

L'exercice d'une activité suivie estune forme de la sublimation collective. Troisième partie : Quel travail ? "A la vérité, le règne de la liberté commence seulement à partir du moment où cesse le travail dicté par la nécessité...

La réduction de la journée de travail est la condition fondamentale de cette libération." Marx , Le Capital . Marx a décrit dans son oeuvre lesmécanismes d'exploitation de l'hommepar l'homme.

Il a dénoncé l'aliénation de l'homme par le travail, car à ses yeux le but de la vie humaine n'est pas letravail.

Il analyse ici en termes hégéliens le renversement dialectique quis'opère dans l'exercice du travail.

Si les hommes travaillent, c'est en vue desubsister, d'assurer leur existence matérielle.

En d'autres termes, le travailtraduit notre dépendance biologique.

Mais par la prise de conscience de sontravail, l'individu donne une signification à son activité qui échappe alors à lalogique du seul besoin. On retient donc que le devoir travailler ne doit pas signifier aller chaque jourpeiner dans des conditions de souffrance extrême et qu'il est bien facile defaire l'éloge du travail lorsque l'on occupe des fonctions tertiaires ou decommandement.

Il est clair que l'encouragement au travail émane d'instancesqui se convainquent depuis longtemps que la productivité d'autrui est à la foisl'assurance de la puissance d'un pays et un ciment social. « Ne rien faire est la première et la plus forte passion de l'homme après celle de se conserver.

Si l'on y regardaitbien, l'on verrait que, même parmi nous, c'est pour parvenir au repos que chacun travaille; c'est encore la paressequi nous rend laborieux.

» Rousseau, Sur l'origine des langues , 1781 (posth.).

On doit donc se garder de faire du travail une impulsion, une tendance naturelle et spontanée, mais conserver l'impression d'une nécessité à laquellechacun se range. Il y a donc travail et travail : celui forcé, douloureux auquel tant d'hommes sont soumis, et celui, délié, passionnant,auquel les hommes aspirent.

Mais, peut-être cette deuxième représentation est-elle purement mythique, car letravail suppose institution, régularité, contraintes, et l'épanouissement qu'on y trouve va de pair avec le sentimentd'une aliénation.

« L'Homme est un être de désir.

Le travail ne peut qu'assouvir des besoins.

Rares sont lesprivilégiés qui réussissent à satisfaire les seconds en répondant au premier.

Ceux-là ne travaillent jamais.

» HenriLABORIT : Éloge de la fuite . Conclusion : "Le propre du travail, c'est d'être forcé." Alain, Les Arts et les dieux , 1943. L'idée morale du devoir participe donc d'une idéologie un peu réductrice, et si à l'évidence le travail est un extraordinaire moyen de réalisation de soi il est simultanément le pire moyen de destruction de soi.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles