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Est-il contradictoire d'affirmer qu'il faut contraindre pour libérer ?

Publié le 04/09/2005

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       Contraindre pour libérer d'une soumission au désir Nous ne raisonnerons plus ici en termes de logique mais en termes pragmatiques, c'est-à-dire en jugeant de la validité des moyens à l'aune des fins qu'ils nous permettent ou non d'atteindre. Pragmatiquement, contraindre pour libérer cesse d'être contradictoire, car il se peut que la contrainte soit l'unique moyen par lequel nous parvenions à libérer. Citons un extrait du Traité théologico-politique de Spinoza : « l'esclave est celui qui agit par commandement, et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir [...] c'est le pire esclavage ».  Ceci nous permet de voir qu'il peut être nécessaire d'exercer la contrainte sur quelqu'un pour le libérer de son esclavage au désir : pensons à un homme victime d'une grave addiction, seule la contrainte peut servir valablement de moyen à la fin qu'est cette libération de la soumission au désir. b.      Contraindre pour libérer d'un asservissement politique Dans le même ordre d'idées, nous prendrons l'exemple de l'asservissement politique. Pour certains théoriciens, il peut être nécessaire de pratiquer la contrainte pour libérer d'un tel asservissement. Pensons aux Jacobins durant la Convention, qui ont décidé d'envoyer des troupes en Vendée pour libérer les habitants de cette région de ce qu'ils nommaient leur asservissement à la tyrannie catholique. L'exemple montre toute l'ambigüité, et le danger, de cette démarche, car elle présuppose l'établissement de normes : pour les Jacobins, la liberté était incarnée par la révolution, la tyrannie par les monarchistes, et seule la contrainte pouvait libérer ceux qui, à leur sens, se trouvaient dans l'erreur.

Est contradictoire un raisonnement lorsqu’il affirme simultanément et sous les mêmes rapports deux idées opposées (« il fait grand beau et orage aujourd’hui, par exemple «). Est contradictoire dans le domaine des faits, une action qui présente une incompatibilité entre les fins qu’elle recherche et les moyens qu’elle adopte, entre les principes qui président à l’action et l’action elle-même (chercher la paix et ne semer que le désordre, par exemple).

Contraindre signifie exercer une autorité sur quelqu’un, de sorte que l’action de celui que nous contraignons est déterminée par notre volonté et non par la sienne. La contrainte implique l’idée de force, physique ou morale, force exercée sur l’individu pour déterminer son action et les fins de son action.

Le terme « libérer « signifie que nous exerçons une activité sur nous-mêmes ou sur quelqu’un d’autre dont la fin est de faire disparaître une contrainte qui s’exerçait auparavant. Cette contrainte pouvait être d’ordre physique (nous libérons un individu enfermé dans une cage) ou morale (nous libérons un individu sous l’emprise d’une autorité toute puissante, celle d’un mentor, par exemple).

A première vue, il parait effectivement contradictoire d’affirmer qu’il faut contraindre pour libérer, dans la mesure où contrainte et liberté s’opposent radicalement, où un sens de la liberté peut être de vivre « sans contraintes «. Cependant, nous verrons qu’il existe une distinction entre contradiction logique et contradiction pragmatique (si l’on raisonne en termes de but à atteindre, alors il n’est pas contradictoire d’affirmer qu’il faut contraindre pour libérer, dans la mesure où la contrainte peut être le seul moyen de cette fin qu’est la libération).

Nous nous demanderons donc s’il est contradictoire, logiquement et pragmatiquement, de contraindre pour libérer.

 

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