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Est-il vrai qu'on ne peut désirer ce qu'on ne connaît pas ?

Publié le 25/02/2004

Extrait du document

DÉSIR (lat. de-siderare, regretter l'absence d'un astre -sidus)

Désirer, c'est tendre consciemment vers ce que l'on aimerait posséder. Le désir est conscience d'un manque. Comme conscience, il est le propre de l'homme dans la mesure où seul celui-ci est capable de représentations intellectuelles (l'animal a des besoins»). « Le désir est l'idée d'un bien que l'on ne possède pas mais que l'on espère posséder » (Malebranche). Comme manque, il est aussi spécifiquement humain dans la mesure où ne manque jamais que ce qu'on a le souvenir d'avoir possédé et le regret d'avoir perdu. Le désir se définit donc paradoxalement comme nostalgie, en son essence insatisfait; impossible espoir de retrouver ce qui appartient à un passé révolu. Le désir, en définitive, se nourrit du fantasme de ressusciter le bonheur enfui : il est une impuissante révolte contre l'irréversible.

CONNAISSANCE (lat. cognoscere, chercher à savoir)

Le terme de connaissance désigne d'abord l'acte par lequel la pensée s'efforce de saisir et de définir un objet qui se présente à elle. Il désigne ensuite le savoir résultant de cette action. On oppose principalement croyance et connaissance, non par le degré de certitude éprouvé soit par le sujet qui croit, soit par le sujet qui connaît, mais par le fait que la croyance n'est pas nécessairement fondée en raison, autrement dit n'implique pas nécessairement l'idée de vérité.

« II.

Désirer l'inconnaissable est l'essence même du désir a.

Le désir est intrinsèquement infini, c'est à dire inconnaissable Cependant, nous nous demanderons dans ce nouveau temps de notre réflexion si le désir ne porterait pasuniquement, à proprement parler, sur des objets inconnaissables.

En effet, désirer, ce n'est pas la même chose quevouloir.

La volonté porte sur des objets clairement identifiés et en nombre limité vers lesquels nous tendons parcequ'ils servent de moyens aux fins qui sont les nôtres.

En revanche, il y a dans le désir une dimension beaucoup plusvaste, qui répugne à tracer des contours étroits à l'objet du désir.

Une représentation bien connue du désir estd'ailleurs celle du tonneau des Danaïdes, qui ne cesse de se vider à mesure qu'il se remplit.

Par conséquent, nousdirons que le désir porte sur l'infini beaucoup plus que sur le déterminé, ce qui fait de lui une tension versl'inconnaissable beaucoup plus clairement que vers le connu.

Par conséquent, nous commencerons à revenir sur lathèse que nous avons initialement défendue : le désir porte sur une totalité souvent vague, c'est à dire sur del'inconnaissable beaucoup plus que sur du connu.

B.

Le désir amoureux, cas particulier du désir de l'inconnaissable Le cas du désir amoureux est un exemple fondamental pour soutenir la thèse que le désir est intrinsèquement désirde l'inconnaissable.

En effet, le mythe romantique tout entier repose sur l'idée que le désir amoureux a besoin del'inconnu pour être entretenu.

Le héros romantique tombe précisément amoureux de femmes mystérieuses, commec'est le cas de Dorian Gray dans "Le portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde.

Ce dernier tombe amoureux d'une actricede théâtre parce qu'elle incarne le mystère de l'éternel féminin en prenant chaque fois un visage différent.

Mais dèsque cette femme entre dans le quotidien, la banalité, Dorian cesse de la désirer ce qui conduit l'ancien objet de saflamme au suicide.

Cet exemple montre bien qu'il en va de l'essence même du désir d'avoir pour objetl'inconnaissable, car toutes les formes du connu (le banal, l'habituel, le déjà vu...) font retomber notre désir jusqu'àl'étouffer.

III.

L'œuvre d'art, cas particulier d'une diffusion du désir de l'inconnaissable a.

L'effet propre de l'œuvre d'art : donner le désir de ce que le lecteur ne connait pas A présent que nous avons répondu par l'affirmative à la question qui nous a été posée, nous développeronsl'exemple de l'expérience artistique parce qu'elle est précisément une expérience du désir de l'inconnaissable, aussibien chez l'auteur, que chez le lecteur (point que nous développerons dans le prochain développement de cetravail).

En effet, l'œuvre d'art répond a un désir difficile à nommer pour celui qui le ressent, un désir d'ailleurs etd'étrangeté que résume prodigieusement bien le petit poème en prose de Baudelaire : « Anywhere out the world ». Ce texte montre bien qu'il est de l'essence de l'œuvre d'art, pour celui qui la crée, d'incarner une recherche del'altérité et de l'inconnaissable.

Il y a dans ce que recherche l'artiste une tension vers un but qu'il ne peut connaître,car si tel était le cas, son activité serait celle de l'artisan : elle consisterait à appliquer des recettes pré conçuespour atteindre une fin.

L'artiste éprouve le désir de l'inconnaissable, se meut parmi des formes encore inachevées,des couleurs imprécises, ou des idées floues, qu'il s'efforce précisément de rendre connaissables par son activitécréatrice.

b.

L'inconnaissable rendu désirable par l'œuvre d'art : l'expérience de la nécessité Dans « L'Homme révolté » Albert Camus écrit des pages brillantes qui peuvent nous aider à résoudre le problème qui nous occupe.

En effet, il décrit l'œuvre d'art comme ce qui substitue à l'expérience humaine de la discontinuité,de l'incompréhension du monde et des lois qui le régissent, une vision ordonnée de la réalité.

La représentationromanesque, par exemple, est une œuvre d'art dont les lois et le fonctionnement sont plus aisément interprétablesque ceux de la réalité.

Allant plus loin nous pouvons même dire que nous attendons d'une œuvre d'art qu'elle nousfasse exercer notre puissance heuristique (notre capacité à déchiffrer les signes pour atteindre un degré importantde compréhension) puissance que nous pourrons utiliser dans la réalité après l'avoir formée dans le monde de l'art.Le plaisir que ressent donc le spectateur de la représentation est lié à la capacité d'ordonnancement du monde parl'art.

Comme l'écrit Camus : « Religion ou crime, tout effort humain obéit, finalement, à ce désir déraisonnable et prétend donner à la vie la. »

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