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État, Nation, Patrie. Quelle distinction établir entre ces termes ? Quelles attitudes l'individu peut-il et doit-il avoir devant les réalités qu'elles désignent ?

Publié le 20/06/2009

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Au seuil de sa morale, Aristote proclamait déjà que l'homme est un être social : « Anthropos zoon politikon. «. Affirmation pleine de bon sens qu'après le maître antique, philosophes et moralistes ne devaient jamais oublier au cours des siècles. Mais aucune époque sans doute plus que la nôtre ne s'est intéressée à la philosophie du social, multipliant précisions et distinctions, non seulement dans le domaine de la morale pratique, mais jusque dans le domaine de la morale appliquée. C'est ce que nous allons constater, puis juger, en étudiant successivement : — d'une part, les trois concepts voisins d'État, de Nation, de Patrie, et ce qui les distingue; — d'autre part, l'attitude courante en face de cette distinction nécessaire, attitude légitime dans une certaine mesure, mais à laquelle nous opposerons l'attitude idéale de l'individu en face des réalités représentées par ces termes différents.

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« notre littérature, notre patrimoine artistique : les cathédrales, les toiles de nos musées, les monuments de Paris, s'ilssont issus d'une âme commune, contribuent, tout comme les paysages qui nous sont familiers, à nous donner unemême façon de penser et de sentir qui nous distingue de nos voisins.

Est-il besoin de souligner que ces « talents »que nous avons reçus en commun ne doivent pas être furtivement enfouis ou égoïstement dépensés, mais que nousdevons les faire valoir pour les transmettre encore accrus à nos neveux ? De même que l'amour de la «petitepatrie», loin de s'opposer au véritable patriotisme, contribue normalement à l'entretenir et à le développer, ainsi lesdifférences et les inégalités entre nations, en spécifiant autant de patries distinctes, confèrent à chacune unevocation qui lui est propre au service de l'humanité tout entière. II.

— Attitude de l'individu devant les réalités désignées. Il serait trop long, de détailler les attitudes de l'individu en face de chacune des réalités que nous venons dedécrire.

On trouverait toujours deux excès opposés entre lesquels se situe généralement le devoir bien compris.

Parrapport à l'État, fanatisme des doctrines totalitaires d'une part; de l'autre, indiscipline ou même révolte del'individualisme.

Par rapport à la Patrie — et à la Nation — nationalisme outrancier du «chauvin», internationalismedésincarné.Nous nous bornerons à décrire un comportement fréquent en face de la distinction que nous avons faite et à luiopposer une attitude plus saine. A.

Attitude qu'on peut avoir. — Pour beaucoup, en effet, aucun devoir ne s'impose vis-à-vis de l'État.

Sans doute, dans la mesure où l'on use des services publics dont il a la charge, on est tenu de contribuer à leurfinancement.

Mais comme chacun sait que l'État pressure ses contribuables, qu'il abuse de ses pouvoirs audétriment des droits de l'individu, on fraude sans scrupule avec lui..., à charge de purger sa peine si l'on a lamaladresse de se faire « pincer ».

Il y a à respecter une règle du jeu, mais le jeu, purement juridique, ne relèveaucunement de l'obligation morale.En face de la Nation, au contraire, on perçoit déjà un ensemble de devoirs vis-à-vis d'une communauté depersonnes dont nous sommes membres, partant solidaires.

Ainsi, par exemple, le pacifique méridional acceptera dese battre pour défendre l'intégrité de l'Alsace et les habitants de Clermont hébergeront volontiers les réfugiés deStrasbourg.Mais si l'on veut susciter des générosités, c'est de Patrie qu'il faut parler.

Alors, les emprunts de la défensenationale seront largement couverts, la mobilisation s'effectuera dans l'ordre, et l'on verra même affluer au bureaude recrutement nombre d'engagés volontaires.Si cette attitude est si fréquente, c'est que, avant d'être un devoir, le patriotisme est un fait.

Spontanément,l'individu sent et vibre avec la communauté à laquelle il appartient.

Au contraire, en face de l'État moderne, dont leschefs sont souvent désignés par le suffrage universel, mais qui resté lointain et impersonnel, l'individu éprouved'abord le sentiment d'une limitation de sa liberté.

Pour peu que des lois injustes mi aient donné occasion de sedresser contre un État qui violente sa conscience, tout en respectant une Patrie qu'il aime, il tend à adopter commemaxime de vie cette distinction qui, si elle est indispensable dans le domaine de la spéculation, doit demeurerexceptionnelle dans la morale appliquée. B.

Altitude qu'il faut avoir.

— En effet, dans l'hypothèse normale où l'État, par l'organe d'un gouvernement légitime, promulgue des lois qui ne sont pas injustes, la discipline est le premier devoir du citoyen.

Il doit, enconscience, non seulement se soumettre aux graves devoirs de l'impôt, du vote et du service militaire, mais encoreobéir aux lois ordinaires.

Si le salut de la Patrie, si le service de la Nation, ne dépendent absolument d'aucune d'ellesen particulier, l'observation de leur ensemble est nécessaire à la vie de la communauté.A des lois manifestement injustes, il a évidemment le droit et même le devoir d'opposer les « lois non écrites quetout homme porte en son cœur ».

A des lois qui ne le satisfont pas, il a toujours le droit d'opposer les moyenslégaux.Si c'est en vertu d'un mandat public qu'il présente cette opposition, il endosse par le fait même de nouvellesresponsabilités : il doit alors, en effet, ne jamais sacrifier l'intérêt général à des avantages personnels, ce quisuppose une intégrité bien rare. Conclusion : Valeur de la distinction.

— Ainsi, État, Nation, Patrie, sont bien trois termes propres spécifiant trois plans distincts.

Mais il importe en conclusion de les unir autour de la réalité la plus riche : celle de Patrie, quienglobe les deux autres.

Par réaction contre le totalitarisme de l'État — dont une double expérience nous montre lesrésultats tragiques pour la personne — beaucoup de nos contemporains se ferment dans un individualisme qui estlui-même un excès.

Servir sa Patrie — on semble l'oublier trop souvent — c'est se mettre concrètement au servicede la Nation, c'est-à-dire des personnes qui constituent avec nous notre pays, en commençant par les plusproches.

Mais, pour être efficace, ce service doit être intégral et continu.

C'est précisément dans ce but que laNation organise la Patrie en un État, et une bonne volonté qui délibérément se refuse à en tenir compte risque biende ne pas être pleinement sincère.. »

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