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Éthique, IV, proposition 20, démonstration et scolie. Aristote

Publié le 24/03/2015

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Proposition XX

Plus chacun s'efforce [conatur] de rechercher ce qui lui est utile, c'est-à-dire de conserver son être, et le peut, plus il est doté de vertu ; et, au contraire, en tant que chacun néglige ce qui lui est utile, c'est-à-dire de conserver son être, en cela il est impuissant.

Démonstration

La vertu est la puissance même de l'homme, qui est définie par la seule essence de l'homme (par la Déf. 8 de cette partie), c'est-à-dire (par la Prop. 7, p. 3) qui est définie par le seul effort [conatu], par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans son être. Plus donc chacun s'efforce de conserver son être, et le peut, plus il est doté de vertu, et par conséquent (par Prop. 4 et 6, p. 3), en tant que quelqu'un néglige de conserver son être, en cela il est impuissant. CQFD.

Scolie

Personne donc, à moins d'être vaincu par des causes extérieures et contraires à sa propre nature, ne néglige d'avoir en appétit ce qui lui est utile, autrement dit, de conserver son être. Personne, dis-je, à partir de la nécessité de sa nature et sans y être contraint [coactus] par des causes extérieures, n'a d'aversion pour les aliments, ou bien ne se suicide, ce qui peut se faire de bien des manières ; à savoir, l'un se suicide en étant contraint [coactus] par un autre, qui lui tord la main qui avait saisi par hasard une épée, et le contraint [cogit] à diriger son propre glaive contre son coeur ; ou bien, c'est qu'à partir de l'ordre d'un Tyran, on est contraint [cogatur], comme Sénèque, à s'ouvrir les veines, c'est-à-dire qu'on désire éviter par un moindre mal un plus grand ; ou bien enfin, cela se fait à partir de causes extérieures cachées, qui disposent l'imagination, et affectent le Corps, de telle sorte que celui-ci revêt une autre nature contraire à la première, et dont l'idée ne peut être donnée dans l'Esprit (par la Prop. 10, p. 3). Mais que l'homme à partir de la nécessité de sa propre nature s'efforce de ne pas exister, ou bien d'échanger sa forme contre une autre, cela est aussi impossible qu'à partir de rien quelque chose se fasse, comme chacun peut le voir par un peu de méditation.

Éthique, IV, proposition 20, démonstration et scolie.

 

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« Textes commentés 43 Comment expliquer les comportements auto-destructeurs, et principalement le suicide, dans la mesure où toute chose fait nécessairement effort pour persévérer dans son être ? Avec IV, 20, Spinoza commence une explication de ce que signifie être vertueux, et montre que ce n'est pas autre chose que vivre selon son propre conatus (cf.

IV, 20 à 24).

Mais avant même de développer cette thèse, il traite une objection qui ne peut manquer d'être soulevée : l'expérience de la destruction de sui ne contredit-elle pas le principe fondamental de la conservation de soi ? La première partie de la proposition 20 s'appuie sur l'identité posée par la définition 8 (partie IV) entre puissance et vertu : celle-ci y est définie comme « l'essence ou la nature de l'homme, en tant qu'il a le pouvoir d'effectuer certaines choses qui peuvent être comprises à travers les seules lois de sa nature ».

Autrement dit, est vertueux l'homme capable d'être cause adéquate, ou d'être actif (déf.

l et 2, partie III).

La vertu n'est donc pas autre chose que l'essence s'auto-affectant, c'est-à-dire l'essence déterminée à désirer par une affection produite par elle-même.

Vivre vertueusement, c'est vivre en régime d'autonomie.

Toutefois, ce que précise la proposition 20, c'est que la vertu n'est pas un idéal qui obéirait à la loi du tout ou rien (selon les Anciens, par le sage, la vertu est tout entière réalisée ; par l'amant de la sagesse, il n'y a qu'effort vers la vertu).

La construction de la proposition montre au contraire que la vertu elle-même reconnaît des degrés de quantité, et qu'il y a une proportionnalité entre la vertu et la puissance de l'effort pour se conserver : plus nous nous efforçons, plus nous sommes vertueux ( « quo magis ...

, eo magis ...

»).

Un problème se pose cependant: ne peut-on pas s'efforcer beaucoup tout en s'efforçant très mal ? Celui qui, par exemple, désire repousser une grande tristesse (qu'il imagine être causée par un autre) par une grande colère, c'est-à­ dire par un grand désir de faire du mal à celui qu'il hait (III, déf.

des Affects, 36), peut-on le dire doté d'une grande vertu? En vérité, lorsqu'on est mû par la passion, la force du désir ne s'explique qu'en très faible partie par la force du conatus (IV, 24).

Lorsque ce n'est pas l'essence qui s'auto-affecte, on peut la dire impuissante : non qu'il y ait en elle quelque défaut, mais parce que sa puissance propre est limitée par la puissance de la cause qui la détermine (IV, 5).

Ainsi, « négliger ce qui nous est utile », c'est non pas faire effort pour nous désintéresser de nous-mêmes, mais faire effort pour nous conserver tout en en étant empêchés par des affections dont la puissance surpasse de beaucoup la. »

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