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Etre heureux, est-ce satisfaire tous ses désirs?

Publié le 10/01/2005

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Etre heureux semble définit un état ressenti et vécu de bonheur. Or le bonheur est un état stable. Or si comme le note Kant dans la Critique de raison pratique : « Etre heureux est nécessairement ce que réclame tout être raisonnable mais fini ; c’est donc aussi un motif déterminant inévitable de la faculté de désirer «[1]. Le bonheur semble donc lier à la faculté de désirer. Dans ce cas, pour savoir ce qui ferait notre bonheur, il nous faudrait faire la liste des choses que nous désirons et chercher à les réaliser par tous les moyens possibles. Une fois tous réalisés nous serions heureux car nous aurions réalisés tous nos désirs, nous serions comblés. Or le désir exprime un rapport au manque, mais aussi une création authentique. Le désir est ce mouvement qui me porte vers un objet que j’imagine source de satisfaction ou pouvant constituer mon bonheur d’une manière ou d’une autre. Néanmoins, le désir ne se confond pas avec la volonté : vouloir ce n’est pas seulement désirer mais organiser les moyens en vue d’une fin poursuivie. Le désir n’est pas non plus le besoin. Le besoin est fondamentalement un manque matériel alors que le désir est déjà d’une certaine façon spirituel ou plus exactement d’ordre existentiel. Le problème dès lors c’est que le désir peut porter sur des objets inaccessibles comme le désir d’immortalité ; mais surtout, à la différence du besoin, le désir ne s’apaise pas lors de sa satisfaction : l’odyssée du désir ne s’arrête jamais, il s’agit d’un éternel recommencement, un cycle sans fin. Et c’est bien cela qui peut nous pousser à rejeter nos désirs, ou certains d’entre eux. En effet, l’absence de satisfaction complet et permanent peut entraîner la souffrance tant physique que psychologique ou un frein à notre activité comme la réflexion en tant qu’il contient en lui une part d’irrationnel. Dans ce cas nous avons affaire à une double interrogation à travers le sujet « pour être heureux faut-il satisfaire tous ses désirs ? « à savoir : N’y a-t-il pas une incompatibilité entre « être heureux « et désirer si l’un recherche un état stable et l’autre est sans cesse en mouvement ? et : La satisfaction complète de nos désirs est-elle simplement possible ?[2]

            S’il apparaît dans la tradition philosophique un véritable rejet du désir au nom de l’ascétisme voulant nous ouvrir une voie sûre vers le bonheur (1ère partie) il conviendra d’étudier et d’envisager les fondements et la valeur de ce conception négative du désir (2nd partie) afin sans doute de pouvoir envisager le désir dans toute sa positivité et à travers une hiérarchie des désirs, entreprendre une véritable définition de l’« être heureux « à partir du désir, c’est-à-dire d’atteindre l’ataraxie.

 

I – Philosophie, ascétisme et rejet du désir

II – Revendication du désir, refus de l’ascétisme : la puissance des forts

III – Positivité du désir & ataraxie

« un désir est remplacé par un autre, qui demande à son tour à être satisfait.

Seuls peuvent échapper à ce cycledésespérant les êtres d'exception dont l'intelligence pure l'emporte sur la volonté.

» Entre les désirs et leurréalisations s'écoule toute la vie humaine.

Le désir est souffrance : sa satisfaction engendre bien vite la satiété.Son but est illusoire ; la possession lui enlève son attrait.

Le désir renaît sous une forme nouvelle, et avec lui lebesoin ; sinon c'est le dégoût, le vide, l'ennui, ennemis plus rudes encore que le besoin.

« Tout vouloir procède d'unbesoin, c'est-à-dire d'une privation, c'est-à-dire d'une souffrance.

La satisfaction y met fin ; mais pour un désir quiest satisfait, dix au moins sont contrariés.

» Ces exigences tendent à l'infini.

Le désir satisfait fait place à unnouveau désir.

C'est pourquoi Schopenhauer en parlant de l'homme désirant utilisera la métaphore de l'aumône au mendiant.

Satisfaire un désir c'est comme donner l'aumône à un pauvre, c'est-à-dire lui permettre de survivrejusqu'à demande avant que tout ne recommence ; c'est donc prolonger ses souffrances : « Tant que notreconscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l'impulsion des désirs, aux espérances etaux craintes continuelles qu'il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n'y a pour nous ni bonheurdurable, ni repos.

» Et c'est pour cela que le désir ne nous rend pas heureux ou alors illusoirement mais nous plongedans le désespoir du vouloir vivre.

Dans le désir le but est illusoire ; la possession lui enlève son attrait et le désirrenaît sous une forme nouvelle, et avec lui le besoin ; sinon c'est le dégoût, le vide, l'ennui, « ennemis plus rudesencore que le besoin.

» Impossible satisfaction des désirs : la nature même du désir est de se reproduireindéfiniment : à peine satisfait, un désir est remplacé par un autre, qui demande à son tour à être satisfait.

Seulspeuvent échapper à ce cycle désespérant les êtres d'exception dont l'intelligence pure l'emporte sur la volonté.

Etmême l'amour qui pourtant pourrait apparaît comme le paradigme du bonheur ou de « l'être heureux » n'échappe pasà la critique comme c'est le cas dans Petite métaphysique de l'amour .

En effet, dans ce texte, Schopenhauer montre que l'homme va à l'encontre de son bonheur pour satisfaire le besoin de perpétuer l'espèce.

Ainsi lasatisfaction des désirs n'est pas la voie à suivre si l'on veut être heureux.

Transition : Ainsi, la satisfaction semble ne pas être un gage de bonheur possible.

Elle ne rend pas heureux dans la mesure où lanature du désir et du bonheur sont impossibles à concilier semble-t-il puisque le bonheur suppose un état stable quene peut lui assurer le désir.

Cependant n'est-ce pas là une définition négative du désir qu'il convient de reprendre ?Cet ascétisme lui-même est-il gage de bonheur ? II – Revendication du désir, refus de l'ascétisme : la puissance des forts a) En effet, on peut se demander d'où vient cette haine farouche envers le désir comme le demande Nietzsche dans les paragraphes 1 & 2 du Crépuscule des Idoles : Pourquoi la philosophie et la religion mettent-elles si souvent en garde contre le désir, au lieu d'en glorifier la puissance créatrice ? Sous le non de nihilisme, Nietzsche dénonce lacondamnation a priori de tout désir, qui domine selon lui la tradition judéo-chrétienne.

A la volonté de puissance, quiest créatrice et élève l'homme au-dessus de sa condition première, s'opposerait depuis des siècles, selon lui, unevolonté de néant, qui prône lâchement le renoncement et le sacrifice : « attaquer les passions à la racine, c'estattaquer la vie à la racine : la pratique de l'Eglise est hostile à la vie ».

Le désir est l'essence même de la vie.

Deplus, condamner le désir se serait aussi faire le postulat d'une vie future où les sacrifices consenties dans cette vieserait récompensés par des plaisirs dans l'au-delà.

Il s'agit certes de désirs d'un autre ordre mais rien ne nousindique qu'un tel monde existence et devient dès lors compréhensible la position hédoniste.b) On peut s'interroger avec Nietzsche notamment dans la troisième dissertation de la Généalogie de la morale sur la portée de cet idéal ascétique prôné par tout un courant de la philosophie.

En effet, l'ascétisme est unephilosophie de la mort, du corps pauvre et maladif, à l'opposé de la glorification de la volonté et de la puissance quis'affirme dans le désir.

Cette haine du désir produit ces morales ascétiques dans le silence et la solitude descabinets de philosophie.

Elles sont bien éloignées de la vie et ne peuvent donc pas apporter une réponse à unequestion qu'elles ne comprennent pas.

En effet, pour être heureux, il faut vivre et être en vie.

Il y a doncincompatibilité entre la morale ascétique et la réflexion sur le bonheur.

La morale ascétique est l'apanage du faiblepour Nietzsche ; d'un esprit et d'un corps faible qui cherche à se prémunir contre la puissance de l'autre et celle dudésir qu'il ne saurait maîtriser.

Il faut donc vivre pleinement afin d'être heureux, développer sa volonté de puissanceet goûter à la vie.c) Et cette mécompréhension se saisit pleinement si l'on observe la critique que fait Nietzsche de la philosophie de Schopenhauer notamment sur le plaisir esthétique dans sa Généalogie de la morale .

En effet pour développer sa critique Nietzsche considère qu'il y a peu de choses dont Schopenhauer parle avec autant d'assurance que lacontemplation esthétique.

A ce sujet, Schopenhauer dit qu'elle agit directement comme l'intérêt sexuel.

Il ne se lasse jamais de glorifier cette délivrance de la « volonté » comme étant le grand avantage et l'utilité de l'étatesthétique.

« On serait même tenté de se demander si la conception fondamentale de « volonté et représentation »n'a pas son origine dans une généralisation de cette expérience sexuelle.

» En effet, ce dernier, dans Le monde comme volonté et comme représentation écrit : « c'est l'ataraxie, qu'Epicure estimait comme le bien suprême, l'apanage des dieux ; nous sommes pour cet instant, délivrés de l'odieuse contrainte de la volonté, nous célébrons lesabbat des travaux forcés du vouloir, la roue d'Ixion immobile… » Schopenhauer a décrit l'un des effets du beau,l'effet calmant sur la volonté ; mais est-ce seulement un effet normal ? Stendhal lui insiste sur un autre effet dubeau : le beau est un promesse de bonheur.

Il s'agit dans ce cas d'une excitation de la volonté, d'un intérêt par labeauté.

« Dès lors, on peut peut-être objecter à Schopenhauer sa compréhension du kantisme, c'est-à-dire du beaucomme désintéressement.

En effet, le beau plaît ici par intérêt et pour l'intérêt le plus fort, c'est-à-dire celui de ladélivrance d'une torture.

Et en ce sens, à travers l'exemple de Schopenhauer, à la question que signifie le fait qu'unphilosophe rende hommage à l'idéal ascétique ? » L'art n'est donc pas le remède au désir, c'est même l'inverse, il estsa mise en forme en tant que puissance créatrice.. »

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