Etre obligé est-ce être aliéné ?
Publié le 13/09/2018
Extrait du document
Il est vrai que, dès que je me préoccupe de la présence des autres, les obligations se multiplient. La vie en collectivité impose un emploi du temps, le respect des lois, une collaboration quasi permanente. Le sujet y doit perdre son indépendance. Il se retrouve, par exemple au travail, obligé de se soumettre à des rythmes dont il ne décide pas. Toute sa vie quotidienne ou presque est désormais réglée indépendamment de sa volonté — ou de ce qu’il croit être sa volonté, s’il est vrai qu’il ne parvient pas à distinguer dans cette dernière deux versants : celui qui concerne sa vie sociale et celui qui concerne sa vie « privée ».
Dans son Contrat social, Rousseau résume très précisément la difficulté que présente l’existence en collectivité relativement à l’indépendance de l’individu : il s’agit, dit-il, de trouver une forme d’association qui garantisse que ce que perdra chacun soit équilibré par un gain au moins équivalent, mais de nature différente. Ce à quoi chacun renonce, c’est la liberté vide, en réalité impuissante à résoudre les problèmes concrets (et dès lors à assurer la survie de l’individu, puisqu’il ne peut se défendre contre les dangers avec ses seules ressources personnelles). Ainsi tous les futurs contractants se retrouvent-ils également démunis, soit à égalité. Ce à quoi ils accèdent par leur association, c’est à une liberté civile ou politique, qui se différencie clairement de l’indépendance initiale en ceci qu’elle est la même pour tous et qu’elle sera garantie par la loi. Comme association signifie aussi union des forces, chacun est désormais plus capable d’affronter les dangers, puisqu’il bénéficiera d’une force collective.
«
• Pièg es à éviter
- Ne pas profiter de l'allusion à la nature pour entonner le couplet
prétendant (mal) résumer la pensée de Rousseau par : «l 'homme est né
bon, la société le corrompt >>.
- Inutile de prétendre comparer ce qui est dit dans cet extrait avec les
conceptions de la justice que vous pouvez connaître : ce texte ne théma
tise pas une théorie de la justice en tant que telle.
- Méfiez-vous des interprétations purement psychologiques : les cas
évoqués par Rousseau ont avant tout une portée morale.
• Plan
Introduction 1.
L'intérêt fausse le jugement
II.
Qu' est-ce qu'un « méchant >>?
III.
Justice et réciprocité
Conclusion
CORRIGÉ
[Introduction] Suis-je assuré d'être toujours animé par un authentique sentiment ou
désir de justice ? Au-delà des nobles déclarations d'intention, n'est-il pas
possible que mon attitude change dès que mon intérêt personnel entre en
jeu ? C' est ce qu' affirme ici Rousseau, avant d'indiquer qu'une telle atti
tude peut mener à une authentique , c'est-à-dire à une
position dans laquelle toute notion de justice se trouve radicalement
bafou ée, dès lors que dispar aît toute réciprocité dans les relations avec
autrui et dans les attentes que l'on exprime à son égard.
[1.
L'intérêt fausse le jug ement]
Dès la première phrase du texte, une certaine duplicité s'installe, qui
s' annonce moralement décevante.
On peut en effet la réécrire : le cœur de
l' homme n'est droit qu'à propos de ce qui ne le concerne pas personnelle
ment.
Ainsi, lorsque je suis purement spectateur d'une querelle (qui ne me
concerne donc en rien), je prends sans difficulté aucune, n'écoutant alors
que mon , le parti de la justice.
Le , dans le vocabulaire
habituel de Rousseau, renvoie à des réactions spontanées, initiales et
authentiques : elles ne sont pas encore faussées par les éventuels calculs
de l'égoïsme ou de l'amour-propre.
Mais il ne m'influence vraiment que
lorsque la situation me reste parfaitement extérieure..
»
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