Etre sans habitude, est-ce être libre ?
Publié le 24/05/2012
Extrait du document
Cette opposition que nous venons d'esquisser entre habitude
et liberté suppose que l'habitude s'établit et s'exerce indépendamment
de la volonté et souvent contre elle. Or, si nombre
d'habitudes appartiennent à cette catégorie, il en est d'autres
qui, au lieu de faire obstacle à l'exercice de la liberté, en sont
la condition nécessaire...
«
64 NOTIONS DE PSYCHOLOGIE
Pour se déterminer librement, il faut d'abord avoir l'idée
d'un but à atteindre, par exemple, d'un meuble à construire
ou d'un nouveau mode de production à expérimenter ; ou plutôt,
pour qu'une idée réalisable se forme dans l'esprit, il y faut ce
jeu spontané de
.la pensée que les scolastiques appelaient la
Cogitative et que nous attribuons à l'imagination.
Or comme
le dit justement Rousseau, " l'habitude tue l'imagination, (2) ;
elle rend incapable de concevoir autre chose que ce qu'on a vu.
Aurait-il l'idée d'une œuvre originale, par incapacité à se
libérer de ses routines et à adapter son action à une donnée
nouvelle, ,l'individu chez qui
règnent les habitudes n'arriverait
probablement pas à ses fins.
La liberté suppose un esprit en alerte, et l'habitude l'endort.
B.
Par ses effets sur les fonctions affectives.- L'affectivité
est le ressort de notre action.
C'est pourquoi l'activité libre
suppose : d'une part, des sentiments forts, faute desquels nous
resterions dans l'inertie ; d'autre part, pour que nos décisions
soient vraiment libres et non passionnelles, la maîtrise de ces
sentiments.
Or, l'habitude a sur la vie affective un double effet
également désastreux du point de vue de la liberté.
Tantôt, en effet, elle atténue l'impression que les choses
font sur nous et diminue par là même la force avec laquelle
nous réagissons à
leur contact: l'élève habitué aux blâmes
et aux punitions n'est nullement aidé, par les sanctions que
l'on accumule, à prendre la
décision que ses maîtres voudraient
provoquer; ,le spectacle de la misère d'autrui, quand il est
devenu habituel, n'incite plus à la générosité.
Tantôt,
au contraire, elle renforce le besoin que nous avons
des choses qui
produisent sur nous une impression, en sorte
que cette impression nous devient comme nécessaire.
Les
exemples abondent.
Nous pouvons nous
contenter de celui du
tabac ou des boissons alcoolisées.
Le collégien qui fume ses
premières cigarettes n'éprouve aucune peine, quand les circons
tances le demandent, à renoncer pour un jour à ce geste qui
symbolise pour lui le commencement de son émancipation.
Mais,
vingt ans plus tard, quand l'habitude de fumer sera ancrée chez
lui, il sera
tenaillé par un besoin de tabac plus pressant que
celui de manger,
au point qu'il lui arrivera d'avouer qu'il en
perd le
libre arbitre.
-------------------------------------------·----- 121 Ibid., liHe II, Ed.
La Pléiade, p.
:l84..
»
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