Etre sensible à la laideur, est-ce l'amorce d'un jugement esthétique ?

Il faut cependant remarquer que le jugement esthétique peut concerner autre chose que le laid et, à ce niveau, être sensibles au laid nous ferait porter un jugement sur notre vision même de l'esthétique. En effet, nous avons vu que le laid remet en cause la vision que nous avons des choses et de l'esthétique : en transgressant les lois de la nature (une chose laide peut-être une erreur de la nature) et de l'esthétique, le laid peut apparaître comme une chose totalement nouvelle, inconnue comme le montre l'exemple de l'homme éléphant dans le film de D. Lynch. Ces nouvelles entités apparaissent alors comme laides à nos yeux faute de pouvoir les caractériser autrement : la diversité des choses que nous voyons comme laides nous vient du fait que leurs natures ne peuvent pas être comparées à notre idéal de beauté. Faute de pouvoir réellement apprécier leurs caractéristiques, nous les considérons comme laides. Mais l'habitude de côtoyer de mêmes choses laides peut nous faire évoluer dans notre perception de la beauté dans le sens d'inclure dans nos critères implicites de la beauté, les caractéristiques de ces « nouveautés laides «. Plus généralement, la sensibilité du laid fait évoluer nos jugements esthétiques. C'est donc l'amorce d'un jugement de notre vision esthétique des choses.