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Exercice du corps et usage d'outils. Rousseau

Publié le 18/06/2012

Extrait du document

rousseau

 

«Le corps de l'homme sauvage étant le seul instrument qu'il connaisse, il

l'emploie à divers usages, dont, par le défaut d'exercice, les nôtres sont incapables;

et c'est notre industrie qui nous ôte la force et l'agilité, que la

nécessité l'oblige d'acquérir. S'il avait eu une hache, son poignet romprait-il

de si fortes branches? S'il avait eu une fronde, lancerait-il de la main une

pierre avec tant de raideur? S'il avait eu une échelle, grimperait-il si légèrement

sur un arbre? S'il avait eu un cheval, serait-il si vite à la course? Laissez

à l'homme civilisé le temps de rassembler toutes ces machines autour

de lui; on ne peut douter qu'il ne surmonte facilement l'homme sauvage.

Mais, si vous voulez voir un combat plus inégal encore, mettez les nus et

désarmés vis-à-vis l'un de l'autre; et vous reconnaîtrez bientôt quel est

l'avantage d'avoir sans cesse toutes ses forces à sa disposition, d'être toujours

prêt à tout événement, et de se porter, pour ainsi dire, toujours tout

entier avec soi.«

Jean-Jacques Rousseau.

 

questions:

1. Quelles différences entre l'homme sauvage et l'homme civilisé ce texte

met-il en relief?

2. Que signifie : «se porter, pour ainsi dire, toujours tout entier avec soi«?

3. Vous discuterez de la question de savoir ce qui peut être à l'origine des

grandes inventions techniques de l'humanité.

rousseau

« SUJET 2 Question 2, ______________ _ Que signifie «se porter, pour ainsi dire, toujours tout entier avec soi»? Si l'on considère que les instruments, les outils, ont pour finalité de remplir des fonctions qui relèvent primitivement du corps, ils apparaissent comme autant de prolonge­ ments de l'organisme humain (le marteau est un prolonge­ ment de la main, le cheval un prolongement des jambes), mais des prolongements qui en sont séparés, détachés.

D'une certaine manière, donc, le corps de l'homme civi­ lisé s'éclate et se disperse dans ses instruments et ses machines : c'est pourquoi l'on peut dire que, pour peu qu'il soit privé de ses instruments, l'homme civilisé n'est plus tout entier en lui-même, puisqu'il lui manque précisé­ ment ces prolongements de son corps qui font en quelque sorte partie de lui-même.

Au contraire, l'homme sauvage, ne possédant pas d'instrument, mais seulement son corps, est «toujours tout entier avec soi».

Question 3.

_____________ _ Vous discuterez de la question de savoir ce qui peut être à l'origine des grandes inventions techniques de l'humanité.

Quelques directions de recherche : • Le besoin : On fait traditionnellement reposer la tech­ nique sur la nécessité pour l'homme de subvenir à ses besoins : pour mieux satisfaire ceux-ci, l'homme invente des outils et des instruments : les armes, la roue, etc.

Dans son Discours sur l'Origine de l'Inégalité parmi les hommes, Rousseau lie également ces inventions à des modifications de l'environnement (par exemple des modi­ fications climatiques) qui auraient empêché l'homme de subvenir à ses besoins selon ses méthodes naturelles primitives : de là l'invention de l'agriculture, de la métal­ lurgie, etc.

• Le désir et les passions : Au besoin on peut ajouter le désir en général et les passions, Rousseau voyant encore dans ces dernières un des principaux facteurs de pro­ grès.

La photographie, le cinéma, par exemple, sont moins dus au besoin qu'au désir de fixer la vie en images.

C'est l'invention technique qui souvent crée le besoin.

• La science : Nombre d'inventions importantes sont le produit d'applications de recherches désintéressées.

• Le hasard : De grandes inventions ont eu lieu par hasard, par exemple l'invention de la pénicilline.

· • Une raison ontologique et existentielle : Le progrès technique serait dû au désir de l'homme d'échapper aux limites de l'individualité et de la conscience de soi.

Ainsi l'invention de l'agriculture et de la métallurgie ne serait pas seulement due aux besoins et à des modifications de l'environnement, mais à un désir existentiel de l'homme de se délivrer de lui-même : «Ce n'est pas le faber qui a fait l'homo, mais l'homo qui a fait le faber : l'agriculture et la métallurgie sont les démarches selon lesquelles s'est déployée l'inquiétude de l'homme d'être lui-même, habitant de cette Terre, livré à l'espace et au temps; pour ainsi dire poignardé par des points d'interrogation l'assaillant de toutes parts, il a cher­ ché à s'unir à la terre, qui a si peu de lieux précis qu'elle a donné son nom à la planète humaine, afin de participer aux mystères de l'existence, de devenir le maître de ces secrets et de se dissoudre en s'exaltant dans le "sacre du printemps", le «chant de la terre» ou dans des "noces chymiques" enivrantes.

«Les techniques de l'agriculture et de la métallurgie furent d'abord des démarches initiatiques sondant la matrice de la Terre afin de coïncider, au moins partiellement, avec les rythmes vitaux du Grand Tout.

Aujourd'hui nous les avons réinvesties dans la notion extatique de Progrès dont l'apparence scientifique cache la détresse méta­ physique qui en attend tout et masque le .

vide immense qu'elle contient» (Jean Brun, Les masques du désir, .

pp.

27 -28).

17. »

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