explication du cours sur le dialogue de thrasymacque et socrate
Publié le 13/11/2021
                            
                        
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Remarquons  alors  immédiatement  que  la  justice  est  éminemment 	variable	 :  les  régimes 	
changeant d’une société à une autre, ce qui les renforce changera aussi.
                                                            
                                                                                
                                                                    «	 Juste	 » paraîtra ainsi 	
en d	émocratie le principe de l’élection ou de la souveraineté populaire 	– mais injuste ailleurs	 ; 	
« juste	 »  le  pouvoir  exclusif  des  riches  («	 suffrage  censitaire	 »  ou  autre)  dans  une  oligarchie, 	
mais injuste dans une démocratie	 ; «	 justes	 » le pouvoir d’un seu	l dans une tyrannie ou d’une 	
élite dans une aristocratie, mais injustes dans une oligarchie et une démocratie	 ; etc	3.
                                                            
                                                                                
                                                                     	
Aussi n’y a	-t-il pas de notion 	unitaire	 de la justice, de «	 modèle	 » unique à quoi tous les actes 	
justes renverraient	 : «	 la justice	 », 	cela ne veut rien dire	 ; encore faut	-il se demander où, quand 	
et de quoi on parle.
                                                            
                                                                                
                                                                    La justice n’existe pas à l’état absolu, isolé, mais seulement 	relativement	 à 	
tel  régime,  à  telle  société  où  existe  tel  pouvoir  ou  tel  ordre  établi  qui  considère  telle  chose	 	
comme  «	 juste	 »  ou  «	 injuste	 » ;  et  ce 	relativisme	 rappelle  bien  entendu  le  sociologisme  d’un 	
autre  sophiste,  PROTAGORAS,  pour  qui  «	 la  vertu	 »  ne  signifie  rien  d’autre  que  la  maîtrise 	
des codes d’une certaine Cité, d’une certaine société, nous dirions aujourd’hui, d’une certaine 
« culture	 »4.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il n’y a p	as, pour le relativisme protagorien, de «	 science intuitive du bien et des 	
valeurs	 »,  puisqu’il  n’y  a  pas  de  «	 bien	 »  et  de  «	 valeurs	 »  au  sens  absolu  du  terme,  mais 	
seulement  l’apprentissage de ce qui  vaut  à tel  endroit et  à tel moment,  pour s’insérer dan	s tel 	
système social.
                                                            
                                                                                
                                                                    De même, il n’y a pas pour le Thrasymaque de la 	République	 de «	 science	 », au 	
sens  socratique,  de  la  justice  (c’est	-à-dire  de  connaissance  intuitive,  innée  de  ce  qui  est 	
absolument juste), mais seulement la compréhension du 	fonctionne	ment	 de tel régime politique, 	
et  de  ce  qu’il  accepte  et  refuse.
                                                            
                                                                        
                                                                     Il  ne  faut  pas  juger,  mais  comprendre	 :  Thrasymaque,  et  les 	
sophistes  en  général,  ne  font  pas,  comme  PLATON,  de  la  philosophie  politique,  mais  de  la 
science	 politique	 ;  ils  en  sont  même  les  in	venteurs  ou,  du  moins,  les  précurseurs,  comme  ils 	
sont les précurseurs de la sociologie et de l’anthropologie modernes.	 	
La «	 justice	 », ainsi affligée d’une irréductible pluralité et d’une nécessaire relativité, ne renvoie 	
donc pas à une 	essence	, à une réa	lité «	 intelligible	 », comme une figure géométrique «	 vraie	 » 	
envelopperait en elle toutes les figures «	 réelles	 » (et fausses) que trace la main humaine ou le 	
hasard de la nature.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle n’est pas une réalité	 : elle n’est qu’un 	mot	, et même un grand mot, qu	i 	
ne  renvoie  à  rien  d’absolument  «	 vrai	 »  ou  «	 réel	 »,  un  mot  qu’utilisent  les  dirigeants  pour 	
continuer à diriger.
                                                            
                                                                                
                                                                    Eux	-mêmes ne sont nullement contraints de s’y soumettre	 : la justice étant 	
un instrument de domination, elle ne concerne que les dominés, no	n les dominants.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle est le 	
déguisement  de  rapports  de  force,  car  dans  le  monde  de  Thrasymaque  et  de  la  sophistique,  il 
n’existe  que  cela	 :  des  rapports  de  force,  dont  les  prétendues  «	 valeurs	 »  ne  sont  que  les 	
expressions.
                                                            
                                                                                
                                                                     Nous  savons  déjà  comment  MARX  n	ommera,  dans  les 	Manuscrits	 de  1844,  de 	
tels  déguisements,  de  telles  expressions	 :  des 	idéologies	.
                                                            
                                                                                
                                                                     La  justice  thrasymachéenne  n’est 	
qu’une  idéologie	,  c’est	-à-dire  une  fiction  mise  au  service  du  pouvoir,  et  des  rapports  que  les 	
hommes entretiennent entre eu	x.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
D’où  vient  alors  que  les  dominants,  les  «	 forts	 »,  s’ils  sont  au  pouvoir,  aient  besoin  de  la 	
justice	 ? N’ont	-ils pas déjà	, justement,	 la force et  le pouvoir	 ? La justice, ici,  paraît inutile, et 	
même redondante.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais c’est là négliger tout le potentiel 	du 	discours	, capable de légitimer et 	
 	3 Il va sans dire que la plupart des principes juridiques de l’Ancien Régime nous paraissent, depuis la critique 
qu’en ont fait les Lumières et la Révolution, profondément injustes et «	 arbitraires	 » ; de même que nos 	
conceptions paraîtraient injustes et	 même	 absurdes à des hommes de l’Ancien Régime.	 	
 4 Sur le sociologisme de PROTAGORAS tel qu’il est du moins décrit dans le dialogue du même nom, cf 
l’Introduction à la lecture de Platon	, pp.
                                                            
                                                                                
                                                                    41	-44..
                                                                                                                    »
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