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Faut-il attendre de la science qu'elle nous rassure ?

Publié le 04/01/2004

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Mais notre peintre ajoute : la science rassure. Comme si en face d'un agent perturbateur reconnu, il constatait la présence d'un système susceptible, par sa nature même, d'apaiser nos émotions. Il convient donc d'étudier la formule dans sa dualité pour saisir en quoi elle est valable. Mais il n'est pas impossible de prévoir que cette proposition puisse être renversée, en considérant certains aspects troublants de la science ainsi que l'influence rassérénante de certaines créations artistiques. De là, enfin, on pourrait apercevoir comment l'art et la science offrent moins une vision du monde, que des moyens divers d'activité créatrice, et plutôt un engagement à soi-même et au monde dont les modalités déterminent la fin.

A) En quoi l'art est-il fait pour troubler ?

Quels sont, autrement dit, les rapports de l'art et de nos troubles ? Est-il lui-même trouble parce qu'il en est issu, ou a-t-il pour effet de manifester des troubles inconnus, de les faire paraître en leur donnant une forme; de rendre publiques des angoisses solitaires ou de cristalliser des émotions collectives ? Est-il, enfin, la solution de ce qui n'en a pas, fixant ce qui sans lui n'aurait ni réalité ni signification ?

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« encore faut-il examiner si cet art qui trouble, n'est fait que pour troubler, si cette science qui rassure, le peut faireindéfiniment.

B) Certes l'art a sa source dans l'affectivité, mais aussi il lui fait un sort.

Le propre de l'artiste n'est pas alors,seulement, d'exprimer son trouble.

Par le fait même que — volontairement ou non — il l'exprime, il en fait un objet ouoeuvre d'art, il s'en libère non pas peut-être en s'apaisant, mais en établissant en lui quelque principe d'accord, au-delà.

Certes le refus de la consolation pouvait apparaître comme caractéristique de certaines formes d'art,aujourd'hui comme à l'époque romantique.

Mais l'oeuvre d'art, comme telle, apporte au public, en même temps, letrouble et la solution de ce trouble dans la mesure où elle provoque et nourrit le sentiment esthétique.

On peutparler en ce sens d'un art consolateur, et la divine musique, comme dit Romain Rolland, nous rend l'harmonie par lapurification de nos propres passions.

Ici, l'art rassure.Par contre la science, n'est pas toujours aussi rassurante que Braque le veut bien dire.

Sans s'arrêter à l'usagequ'on en peut faire — et qui peut favoriser aussi bien l'ordre et le désordre, le moral et l'immoral — on sait que larecherche passe par des crises qui nous font douter périodiquement et de nos conceptions objectives et de lapuissance de nos moyens.

Ce qu'on a appelé la crise de la physique contemporaine, par exemple, a jeté dans ledésarroi une humanité savante, trop rapidement rassurée au siècle dernier par ses propres découvertes.

Nous nesommes plus si certains aujourd'hui que la science exprime un ordre réel, encore que l'esprit continue à l'exiger d'elle.Nous nous demandons si elle n'est pas une interprétation, parmi bien d'autres, d'une réalité dont l'essence nouséchappe à jamais.

Et l'on s'est effrayé non seulement des aperçus que la science découvre, mais encore desmystères qu'elle garde cachés.

Aussi voit-on qu'il est, à de certains moments, possible de retourner la formuleconsidérée et de dire qu'il y a bien quelque chose dans l'art fait pour nous rassurer, tandis que la science estsusceptible de troubler les esprits, d'éveiller, par une sorte de retour à la subjectivité, les maux de l'incertitude et dela crainte.En fait, l'homme est à la fois sensibilité et raison; il se jette avec la même passion dans les voies de la connaissanceet dans celle de l'expression.

Dans l'un et l'autre cas il construit simultanément l'être de l'objet et l'être de soi-même.

La nature est à la fois ce qui sollicite la curiosité et le désir, mais elle est encore ce qui est soumis àl'investigation scientifique et à l'inspiration artistique.

Dès qu'il vient à concevoir ou à représenter le monde, l'hommen'est plus que tension, effort, adhésion en face d'une nature dont il ne peut pénétrer le secret qu'autant qu'il seprojette en elle.

En ce sens, le savant et l'artiste créent les conditions vraies d'une expérience factice : leurattitude, à la fois trouble et troublante, ne rassure que dans la mesure même où elle s'affirme et porte les résultats.Cependant l'artiste n'offre jamais qu'une apparence solitaire, tandis que le savant transforme ides présomptions enévidence par les mécanismes de la preuve : et voilà pourquoi, si l'on veut, l'art est toujours inquiétant, tandis que lascience, en confirmant des retours attendus, nous installe dans le prévisible.. »

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