Devoir de Philosophie

Faut-il philosopher pour bien vivre?

Publié le 12/04/2005

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Car celui qui vit au milieu de biens impérissables ne ressemble en rien à un être mortel. »   Une première partie peut examiner la conception pratique de la philosophie qu'ont certaines écoles antiques - l'épicurisme par exemple, mais aussi le stoïcisme. La pratique de la philosophie est alors explicitement conçue comme une condition nécessaire à l'accession à la vie bonne, car c'est elle qui permet le juste exercice de la raison qui permettra à l'homme d'avoir le meilleur rapport possible au monde et d'atteindre le bonheur et l'excellence dans la conduite de sa vie. Si l'on ne philosophe pas, on ne peut pas atteindre ce juste rapport au monde et on ne peut pas bien vivre. Il faut souligner à ce titre le fait que l'expression « bien vivre », pour les anciens, ne désigne pas seulement un bonheur individuel, mais aussi une haute qualité morale, comprenant par exemple la justice, la vertu : tous ces domaines de la vie sont étroitement liés les uns aux autres.     * Est-ce bien l'excellence de la conduite de la vie que la philosophie permet d'atteindre ?   Kant   « Le domaine de la philosophie se ramène aux questions suivantes :   1) Que puis-je savoir ?   2) Que dois-je faire ? 3) Que m'est-il permis d'espérer ?   4) Qu'est-ce que l'homme ?

La question « faut-il « porte sur un devoir, que ce devoir vienne de l’extérieur – on a ou on n’a pas le droit de faire telle chose parce que la loi, ou l’opinion publique, ou les opinions de tierces personnes considèrent cette chose comme interdite ou mauvaise –, ou de l’intérieur – on fonde pour soi-même l’obligation ou l’interdiction de telle ou telle chose, après avoir fait une évaluation de cette chose. L’objet sur lequel porte l’interrogation est le fait de « philosopher pour bien vivre « : le verbe « philosopher «, d’abord, renvoie à un exercice de la philosophie sur un mode actif : philosopher n’est peut-être pas tant apprendre abstraitement la philosophie que pratiquer, mettre en application cet apprentissage. Cette compréhension de la philosophie comme pratique est fondamentale dans la philosophie antique : le sujet met donc en question une qualité fondatrice de la philosophie, qui s’est conçue dès ses débuts comme une discipline de la vie bonne. L’expression « bien vivre « est alors à prendre dans un sens proprement philosophique : il ne s’agit pas de vivre confortablement, mais de mener sa vie avec une certaine excellence, par exemple en l’évaluant en permanence, en la pensant, en s’efforçant de trouver des principes pour la guider. On pourrait inverser la formulation du sujet, et demander s’il est possible de bien vivre sans pratiquer la philosophie : c’est en effet la nécessité du lien entre la philosophie et la vie bonne qui est ici mis en question : la philosophie est-elle indispensable à la vie bonne, si bien qu’il serait illusoire d’espérer bien vivre sans la pratiquer ? Cette question est problématique, car elle suppose, si on y répond par l’affirmative, que la vie de tous ceux qui ne pratiquent pas la philosophie ne peut prétendre à l’excellence. Qu’est-ce qui fonderait cette prétention de la philosophie à savoir, seule, comment gouverner sa vie pour que celle-ci soit bonne ? La philosophie ne pourrait-elle pas, au contraire, être une discipline qui détournerait de la pratique de la vie pour s’en remettre à des principes abstraits ? – c’est une critique que l’on adresse couramment en effet à la philosophie.

« « Le domaine de la philosophie se ramène aux questions suivantes : 1) Que puis-je savoir ? 2) Que dois-je faire ?3) Que m'est-il permis d'espérer ? 4) Qu'est-ce que l'homme ? à la première question répond la métaphysique, à la seconde la morale, à la troisième la religion, à la quatrièmel'anthropologie.

Mais au fond, on pourrait tout ramener à l'anthropologie, puisque les trois premières questions serapportent à la dernière.

Car sans connaissances on ne deviendra jamais philosophe, mais jamais non plus les connaissances ne suffiront àfaire un philosophe, si ne vient s'y ajouter une harmonisation convenable de tous les savoirs et de toutes leshabiletés jointes à l'intelligence de leur accord avec les buts les plus élevés de la raison humaine.

De façon générale, nul ne peut se nommer philosophe s'il ne peut philosopher.

Mais on n'apprend à philosopher quepar l'exercice et par l'usage qu'on fait soi-même de sa propre raison.

Comment la philosophie se pourrait-elle, même à proprement parler, apprendre ? En philosophie, chaque penseurbâtit son oeuvre pour ainsi dire sur les ruines d'une autre ; mais jamais aucune n'est parvenue à devenir inébranlableen toutes ses parties.

De là vient qu'on ne peut apprendre à fond la philosophie, puisqu'elle n'existe pas encore.Mais à supposer même qu'il en existât une effectivement, nul de ceux qui l'apprendraient ne pourrait se direphilosophe, car la connaissance qu'il en aurait demeurerait subjectivement historique.

Il en va autrement en mathématiques.

Cette science peut, dans une certaine mesure, être apprise ; car ici, lespreuves sont tellement évidentes que chacun peut en être convaincu ; et en outre, en raison de son évidence, ellepeut être retenue comme une doctrine certaine et stable.Celui qui veut apprendre à philosopher doit, au contraire, considérer tous les systèmes de philosophie uniquementcomme une histoire à l'usage de la raison et comme des objets d'exercice de son talent philosophique.

Car la science n'a de réelle valeur intrinsèque que comme instrument de sagesse.

Mais à ce titre, elle lui est à cepoint indispensable qu'on pourrait dire que la sagesse sans la science n'est que l'esquisse d'une perfection à laquellenous n'atteindrons jamais.

Celui qui hait la science mais qui aime d'autant plus la sagesse s'appelle un misologue.

La misologie naîtordinairement d'un manque de connaissance scientifique à laquelle se mêle une certaine sorte de vanité.

Il arrivecependant parfois que certains tombent dans l'erreur de la misologie, qui ont commencé par pratiquer la scienceavec beaucoup d'ardeur et de succès mais qui n'ont finalement trouvé dans leur savoir aucun contentement.

La philosophie est l'unique science qui sache nous procurer cette satisfaction intime, car elle referme, pour ainsidire, le cercle scientifique et procure enfin aux sciences ordre et organisation.

» La seconde partie pourra consister en une critique de l'idéal antique et une définition du champ concerné par laphilosophie : on interrogera alors la pertinence pratique d'une position qui pose que le fait de philosopher permetseul de bien vivre – cette position semble en effet exclure de la vie bonne tous ceux qui ne pratiquent pas enpermanence la philosophie ; on s'efforcera alors de définir le domaine d'application de la philosophie, et dedéterminer les limites des relations de ce domaine avec la vie.

Le lien nécessaire entre la pratique de philosophie etl'excellence de la vie se trouvera alors relativisé.

* L'idée d'une limite du lien entre la philosophie et la vie, et la critique de la prétention de la philosophie àdonner accès au bien vivre Nietzsche, Par-delà bien et mal « Après avoir assez longtemps lu entre les lignes des philosophes et épié tous leurs tours et détours, j'en arrive à laconclusion que la majeure partie de la pensée consciente doit être imputée aux activités instinctives, s'agît-il mêmede la pensée philosophique ; sur ce chapitre nous devons réviser nos jugements, comme nous avons dû les réviseren matière d'hérédité et de « qualités innées ».

De même que le fait de la naissance ne tient aucune place dansl'ensemble du processus de l'hérédité, de même la « conscience » ne s'oppose jamais à l'instinct d'une manièredécisive, pour l'essentiel, la pensée consciente d'un philosophe est secrètement guidée par des instincts quil'entraînent de force dans des chemins déterminés.

A l'arrière-plan aussi de toute la logique et de son apparenteliberté de mouvement, se dressent des évaluations, ou pour parler plus clairement, des exigences physiologiques quivisent à conserver un certain mode de vie.

On affirme, par exemple, que le déterminé a plus de valeur quel'indéterminé, ou que l'apparence vaut moins que la « vérité » ; mais quelle que soit, pour nous, la valeur normativede pareilles appréciations, il se pourrait qu'elles ne soient que des jugements superficiels, une sorte particulière deniaiserie, celle justement que peut réclamer la conservation d'individus de notre espèce.

A supposer tout au moinsque l'homme ne soit pas « la mesure des choses ».

» Une dernière partie pourra radicaliser la critique de la nécessité du lien entre philosophie et vie bonne en attaquantles prétentions de la philosophie elle-même et les présupposés sur lesquels elle se fonde – sa confiance dans le lienentre raison et volonté notamment.

L'homme visé par la philosophie serait un homme illusoire, prétendant segouverner lui-même en totalité, alors même qu'une grande partie de ses déterminations – physiologiques, parexemple, si l'on veut suivre le texte de Nietzsche – lui échapperaient.

Les présupposés du sujet se trouveraient alorsremis en cause, et le caractère illusoire de la question qu'il pose serait mis en évidence.. »

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