2° L'idée de Dieu est une
création des hommes faibles
Nietzsche s'interroge
également sur la provenance de l'idée de Dieu, mais pour en affirmer l'origine
non pas divine, mais humaine. Dieu est une invention des hommes qui veulent
oublier leur propre volonté de puissance, c'est-à-dire leur force de vie, la
force de leur corps et de leurs désirs : parce qu'ils n'ont pas la capacité
d'affirmer cette force et qu'ils en craignent les effets, les hommes faibles
créent ce que Nietzsche nomme un « arrière-monde » pour oublier le monde dans
lequel ils vivent et où ils ne peuvent s'assumer. L'idée de Dieu provient de ce
besoin d'une transcendance, qui apporte une réponse à leurs souffrances par des
promesses de vie éternelle dans un autre monde. Par leur incapacité d'agir, les
hommes se basent sur l'idée de Dieu pour justifier leur faiblesse par une morale
divine qui interdirait de donner libre cours à leurs désirs : ils parviennent
ainsi à éviter que d'autres affirment leur volonté de puissance et les mettent
en danger. Le surhomme est alors celui qui reconnaît que « Dieu est mort », qui
reconnaît que l'origine de l'idée de Dieu est une création de notre esprit pour
ne pas se confronter à l'affirmation de notre vie.
3° L'idée de Dieu est un
idéal régulateur constitutif de notre raison
Nous avons vu que l'idée de
Dieu pouvait être comprise comme une création de l'esprit humain qui revient à
inventer une divinité. Mais ne peut-on penser que même dans l'hypothèse où Dieu
n'existerait pas, ce que nous ne pouvons savoir avec certitude, l'universalité
de l'idée de Dieu montre qu'elle joue un rôle positif dans notre existence ?
Kant critique l'idée de Descartes selon laquelle la présence en nous de l'idée
de Dieu suffirait à prouver que Dieu existe. Selon Kant, nous ne pouvons passer
d'un concept, comme celui d'un être parfait et infini, à l'existence de son
objet : ce n'est pas la pensée qui détermine l'existence. L'existence de Dieu
fait partie des questions qui ne peuvent être pour nous des objets de
connaissance, car elle dépasse les capacités de nos facultés, qui ne peuvent
saisir que les phénomènes, c'est-à-dire les choses qui nous apparaissent dans
l'espace et le temps.
La foi désigne une croyance d’un ordre religieux, portant à la fois sur l’existence de Dieu et sur sa nature (son omnipotence, et sa bonté absolue). Or le propre de la croyance en général est de consister en un assentiment que nous donnons à certains jugements, sans nécessairement avoir de bonnes raisons pour croire que ces jugements sont vrais. Dès lors la foi, en tant qu’elle relève de la croyance, semble être en conflit avec la preuve, qui désigne quant à elle un élément permettant d’établir avec certitude l’existence d’une chose, ou la vérité d’une thèse. En effet le propre de la preuve semble être de dissoudre la croyance, soit en montrant que cette croyance était fausse, et qu’il faut donc l’abandonner, soit en montrant qu’elle était vraie, mais alors elle est par la même transformée en connaissance, puisque l’on a dès lors de bonnes raisons de tenir l’existence de la chose ou la validité de la thèse soutenue pour vraies. Si la foi et la preuve portaient sur le même domaine, elles seraient donc ennemies, mais l’on peut aussi envisager que la preuve concerne un certain domaine de l’existence, tandis que la croyance concerne un autre domaine, sur lequel la preuve n’a pas de prise. En ce sens il n’y aurait de conflit entre preuve et foi que lorsque l’une ou l’autre prétendraient empiéter sur le domaine de l’autre. La question est alors de savoir dans quelle mesure on peut tracer le domaine propre de la foi et celui de la croyance.