Devoir de Philosophie

François Broussais

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

François-Joseph-Victor Broussais naquit à Saint-Malo le 17 décembre 1772. Son père se trouvait alors à Lisbonne, en attendant de revenir exercer la médecine et la chirurgie à Pleurtuit, près de Dinard. C'est dans cette bourgade que le jeune Franchin, comme on l'appelait familièrement, passa son enfance. Le matin, il servait, comme enfant de chOeur, la messe du curé qui, en échange, lui inculquait quelques bribes de latin. Le soir, le marmot, perché sur un cheval, courait à travers les landes, sans souci des revenants et des loups-garous, porter aux clients de son père les remèdes prescrits dans la journée. Il fit ses humanités au Collège de Dinan et, de 1789 à 1791, escortant son père au chevet des malades, commença son initiation chirurgicale. Lors de la grande levée de 1792, il s'engagea comme volontaire dans la compagnie franche de Dinan, donna la chasse aux rebelles, brava les balles des chouans en chargeant sur son dos un camarade blessé, et rentra malade au foyer familial avec les galons de sergent. Il continua ses études médicales à l'Hôpital de "Port-Malo", ci-devant Saint-Malo ; puis à Brest sous Billard et Duret ; se fit recevoir officier de santé, et après un passage dans la marine marchande, entra comme chirurgien de 2e classe dans la marine militaire, tantôt naviguant à bord de la corvette L'Hirondelle ou de la frégate La Renommée, tantôt soignant les matelots dans les lazarets encombrés par le typhus et le scorbut à Brest, ou à Pontanezen où on le trouve en fructidor an III et frimaire an IV. En nivôse an IV, au moment de s'embarquer sur La Renommée, il reçut du maire de Saint-Malo une missive qui commençait par ces mots : "Citoyen, frémis en recevant cette lettre !" Son père et sa mère, trahis par une servante, avaient été égorgés, mutilés par les chouans ; leur logis incendié. Broussais n'oublia jamais ! Il s'était marié en 1795. Le jeune ménage, un jour, se trouva riche : ayant fait la guerre de course en l'an VIII à bord du Bougainville, Broussais toucha, pour sa part de prises, une somme de 7450 livres qui lui fut comptée le 26 frimaire an IX. Il en profita pour parfaire son instruction à Paris. Inscrit aux côtés des "Élèves de la Patrie", parmi les élèves libres de l'École de Santé, il suivit les leçons de Pinel, Chaussier, Hallé, Sabatier, Boyer, Corvisart, et les cours donnés par Bichat, son aîné d'un an, qui s'affirmait déjà maître. Il subit son premier examen le 13 ventôse an X (4 mars 1802) ; le deuxième le 7 germinal an X ; le troisième en frimaire an XI, et présenta le 5 frimaire an XI (26 novembre 1802) sa dissertation inaugurale sur La fièvre hectique considérée comme dépendante d'une lésion d'action des différents systèmes sans vice organique ; thèse bien opposée à ses futurs principes et qui ajoutait une entité nouvelle aux quinze genres des six ordres de pyrexies déjà créés par Pixel.

« Au Val-de-Grâce, où il arrivait vers sept ou huit heures du matin, Broussais, malgré ses cours de clinique, était unpeu inaccessible.

Soucieux d'apostolat, il descendit au Quartier Latin et donna des cours libres, rue du Foin, dans unlocal où Bichat l'avait précédé ; puis, rue des Grès (1825), dans un hangar en planches, enfumé par de mauvaisquinquets, et à l'Hôpital de perfectionnement, rue des Cordeliers.

Derrière la table empuantie, où traînaient desviscères verdis, quelques apôtres, Treille, Sarlandière, Capuron, Adelon, encadraient le nouveau Messie.

Dans lasalle, une jeunesse houleuse, parfois hostile avec Velpeau, mais en majorité favorable, continuant ses ovationslorsqu'à la sortie, passant devant la Faculté, le maître lançait un dernier anathème sur le temple des faux dieux. Broussais lisait ses leçons d'un débit embarrassé ; peu à peu il s'animait, éclatait.

Il avait gardé l'allure agressive desdemi-solde, et tour à tour fulminant, sarcastique, héroïque, injuste souvent et volontiers injurieux, dénonçait leserreurs de la science officielle.

Sa rude éloquence, incorrecte et passionnée, cruelle et précise, s'attaque auxsonge-creux, aux “prosecteurs” trop férus d'anatomie pathologique, aux ontologistes comme Pinel qui s'entourent defantômes, aux rhéteurs de la médecine, et les jette dépouillés de leurs oripeaux, défigurés et risibles aux pieds d'unauditoire qui trépigne et l'acclame à tout rompre pour faire enrager les pontifes, le Pouvoir et la police.

AcclamerBroussais, c'est faire Oeuvre de progrès scientifique, répudier l'obscurantisme, scandaliser les tardigrades et lesrétrogrades, substituer une théorie séduisante, simple et neuve aux doctrines vétustes : l'humorisme attardé, lebrownisme, le vitalisme spiritualiste de Montpellier.

Tout cela n'alla point sans heurts ni ripostes.

Le premier effet del'examen fut de provoquer un schisme dans la rédaction du Dictionnaire des Sciences médicales de Panckoucke,alors en cours de publication.

Au début de 1818, à la veille de l'apparition du tome XXIV, où devaient figurer, à lagloire de la doctrine broussaisienne, les articles inflammation, irritabilité, une partie de l'équipe, dont Cayol, LeJumeau de Kergaradec, Laennec, Landré-Beauvais et autres, se retirèrent de l'entreprise. Il y eut pis.

La jeunesse était libérale, et la médecine physiologique apparaissait comme une médecine libérale,propre à scandaliser Mgr l'évêque d'Hermopolis et le respectable M.

Royer-Collard.

Applaudir Broussais, jacobin etmatérialiste, c'était fronder les fervents du stéthoscope et les spiritualistes de la Congrégation groupés autour dupieux Laennec, narguer les missionnaires, le jésuitisme et le vénérable Hippocrate lui-même, qui, mal entouré, faisaitun peu figure de légitimiste.

Il y eut des désordres à la Faculté : le gouvernement, soucieux de l'ordre moral, fermal'École le 21 novembre 1822.

Les plus turbulents des carabins parisiens émigrèrent à Montpellier, où ils conspuèrentle vieux vitaliste Lordat.

A la réouverture de l'École, en 1823, après les coupes sombres du coup d'État Frayssinous,les chaires furent peuplées de professeurs sûrs et d'agrégés bien pensants, les leçons surveillées, les cours libressoumis à autorisation spéciale.

Gall, desservi par la chute de Decazes, et son coadjuteur Spürzheim, se réfugièrent àLondres. Broussais sortit indemne de la bagarre.

Le pouvoir lui avait laissé son siège à l'Académie royale de médecine.

Quandla contrainte se relâcha, il se donna le plaisir de publier un nouveau livre à scandale, De l'irritation et de la folie(1828).

Il y reprend la thèse de Cabanis, accommodée à la sauce physiologique : le moral n'est que la résultante duphysique, le moi, de la matière vivante.

Les affections mentales sont dues à l'irritation cérébrale soit primitive, decause psychique, soit sympathique, en rapport avec les troubles de l'estomac. Notre homme salua avec transport la Révolution de Juillet et le retour de la Liberté.

Il y trouva son profit.

Uneordonnance du 16 février 1831 créa pour lui une chaire de pathologie et de thérapeutique générales, et Broussaisentra désormais à la Faculté par la grande porte.

En 1832, il fut nommé inspecteur général du service de santémilitaire ; élu, le 29 décembre, membre de l'Académie des sciences morales et politiques “un groupe de momies !"disait à ce propos Geoffroy Saint-Hilaire à Moquin-Tandon ; mais des “momies en colère” ! Et Broussais y échangeades propos acerbes avec M.

Victor Cousin.

En 1838, il reçut la cravate de commandeur de la Légion d'honneur.

Mais,comme il arrive à tous les opposants nantis, son prestige déclinait.

La médecine physiologique, avec ses sangsueset ses saignées, fit d'illustres victimes en la personne de Casimir Perier et du général Lamarque, et, comme eux,mourut du choléra de 1832.

Son promoteur ne put forcer les portes de l'Académie des sciences, et les Annales de lamédecine physiologique cessèrent de paraître en 1834.

Mais Broussais allait trouver une autre tribune, et unnouveau champ d'action.

Émancipés par une “admirable révolution” et désormais soustraits, selon la forte expressionde Casimir Broussais, aux coups de “cette race ténébreuse sortie de dessous terre...

le jésuitisme”, les adeptes deGall s'étaient ralliés pour fonder, le 14 janvier 1831, la Société phrénologique.

Broussais en fut un des plus notablesadhérents, d'autant que sa personne apportait à la doctrine une nouvelle confirmation : depuis que notre médecinétait entré à l'Académie des sciences morales, les mensurations relevées sur son crâne par le sculpteur Bra avaientdémontré un accroissement de plus de trois millimètres, portant sur l'organe du raisonnement métaphysique ! C'estpourquoi Broussais proposa à la Monarchie de Juillet, laquelle, à l'exemple de tout régime nouveau, remaniait lepersonnel des fonctionnaires, de soumettre les postulants à un examen craniologique, décelant les “signes extérieursqui distinguent l'intrigant de l'homme probe et de bonne foi”.

Et le Dr Beunaiche la Corbière, enchérissant, souhaitaitqu'on imposât semblable épreuve aux solliciteurs d'un mandat parlementaire. L'auditoire de la Société phrénologique était un peu restreint.

Soucieux de retrouver la popularité d'antan, Broussaispromit de dénoncer, en ses cours publics, les erreurs du spiritualisme, d'étudier la nature de l'âme et de réhabiliterles théories de Gall, qu'attaquaient Parchappe et Leuret.

La foule se rua pour l'entendre, enfonça le 11 avril 1836 lesportes du grand amphithéâtre de la Faculté, démolit la grille même de l'enceinte réservée, et l'orateur manqua d'êtreétouffé par la presse.

Il y eut des bagarres ; le cours, fermé après trois leçons, fut rouvert seulement le 1er juin auSalon de Mars, rue du Bac, sur une promesse d'orthodoxie au moins relative, et propre à rassurer M.

Victor Cousin. Ce ne fut là qu'un feu de paille ; le grand homme survivait à sa gloire.

Malade, il ne put aller défendre à l'Académie. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles