HUME, De la norme du goût. L'ART

Expliquer le texte suivant:

Il est impossible de poursuivre dans la pratique de la contemplation de quelque genre de beauté que ce soit sans être fréquemment obligé de faire des comparaisons entre les nombreuses sortes et degrés de réussites, et d'estimer leurs proportions les unes par rapport aux autres. Un homme qui n'a point l'occasion de comparer les différents genres de beautés est bien entendu dis¬qualifié pour émettre son opinion concernant un objet qui lui est présenté. Par la comparaison seule nous déterminons les épithètes relevant de l'éloge ou du blâme et apprenons comment en attribuer le degré approprié à chacun. Le plus indigent des barbouillages exhibe un certain lustre' de couleurs et une certaine exactitude de l'imitation qui peuvent passer pour des beautés et entraîne [...] la plus haute admiration. Les plus vulgaires ballades ne sont pas entièrement dépourvues d'harmonie ou de naturel et nul, à moins d'être familiarisé avec des beautés supérieures, ne pourrait déclarer que leurs couplets sont rudes ou leur récit inintéressant. Une beauté très inférieure fait souffrir la personne accoutu¬mée aux plus grandes réussites du genre, et se trouve être pour cette raison qua¬lifiée de laideur de la même façon que l'objet le plus abouti que nous connaissions est naturellement supposé avoir atteint au pinacle2 de la perfec¬tion et devoir recevoir les plus grands éloges. Seul celui qui est accoutumé à voir, à examiner et à soupeser les nombreuses oeuvres admirées au cours d'époques différentes et au sein de différentes nations peut estimer le mérite d'un ouvrage exposé à sa vue et lui assigner son rang approprié au sein des productions du génie.

1. Éclat.

2. Sommet.

·   Principales notions abordées

La perception (L); l'inconscient; autrui (L et ES); le désir; l'art; théorie et expé‑

rience (L); la société (L)/la société et les échanges (ES).

·   Repères utilisés

Absolu/relatif; genre/espèce/individu; légal/légitime; médiat/immédiat; trans‑

cendant/immanent; universel/général/particulier/singulier.

·   Analyse du sujet

— Ce sujet parle de la beauté en général, mais aussi du beau artistique en par­ticulier: recherchez différents domaines où on peut parler de la beauté et pen­sez à des exemples précis de beauté artistique.

 

— Pensez bien que dire d'un objet qu'il est beau revient à le juger, c'est-à-dire à le comparer à un critère, à une norme (cf. le titre du livre de Hume dont est extrait le texte), à une référence; d'où vient ce critère, est-il valable et pour­quoi? N'y a-t-il pas des cas où les hommes s'accordent sur ce qui est beau? Pourquoi?

« faire des comparaisons «: selon l'auteur, pour arri­ver à déterminer la beauté ou la laideur d'un objet (ou d'une personne), nous devons avoir des points de comparaison. Un tableau ne sera pas beau dans l'absolu mais parce qu'il est plus beau relativement à d'autres (ou relativement à un critère rationnel que nous avons dans l'esprit et qui peut être l'Idée du « beau en soi «, cf. Platon). Ainsi, pour Hume, en confrontant divers tableaux, nous devrions être capables de les ranger par ordre, du plus beau au plus laid, avec toutes les nuances. Et il en va de même pour tous les autres genres de beautés, en musique, dans la mode et les tenues vestimentaires, au cinéma... Pour devenir bon juge (com­paraison = jugement) en matière de goût dans un domaine, il faut donc avoir de l'expérience : aller souvent au musée, écouter beaucoup de musique, aller voir de nombreux films. Néanmoins, il ne s'agit pas uniquement de quantité. Pour s'en rendre compte, il faut relier l'expression à expliquer au début du texte où l'auteur écrit qu'il faut faire « des com­paraisons entre les divers degrés et genres de perfections «. Si on ne va voir qu'un seul genre de films (par exemple, des films policiers), on pourra juger du meilleur et du moins bon dans ce domaine. En revanche, on ne pourra pas dire que ce sont les plus beaux films en général sans être allé voir d'autres genres cinématographiques. Mais suffit-il d'aligner les expériences et les exemples pour accéder à la norme du beau ? N'avons-nous pas besoin de la raison pour trans­cender (dépasser et synthétiser en même temps) les cas particuliers et dégager une idée universelle du beau dans un domaine ou un autre?