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Intention et communication de J. BRUNER

Publié le 10/01/2020

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Pour le psychologue contemporain Jérôme Bruner, imiter les adultes ne suffit pas pour apprendre à parler. Saint Augustin a « empêché » des générations de chercheurs de comprendre l'essentiel : le jeune enfant apprend simultanément à parler, à communiquer et à organiser sa représentation du monde.

L’apprentissage d’une langue maternelle est à la portée de n’importe quel petit être humain ; cependant comment les tout petits y parviennent a échappé à des générations de philosophes et de linguistes. Saint Augustin pensait que c’était très simple. (...) Le point de vue de saint Augustin, peut-être parce qu’il n’y avait guère de recherche systématique sur l’acquisi tion du langage pour le réfuter, prévalut pendant longtemps. Il a même revêtu un déguisement moderne. Sa dernière remise « au goût du jour » fut celle de la « théorie de l’apprentissage » behavioriste2. Selon ce point de vue, il n’y avait rien qui pût être désigné comme spécifique au langage. Le langage, comme tout autre comportement, pouvait être « expliqué » exactement de la même façon qu’un autre ensemble de réponses à des stimuli. Ses principes et ses paradigmes n’étaient pas à rechercher dans des phénomènes de langage mais dans ceux du « comportement général ». Les tâches d’apprentissage, par exemple, étaient choisies pour bâtir des théories d’apprentissage en s’assurant que l’enfant n’aurait aucune prédisposition à l’égard de l’objet d’apprentissage ni aucune connaissance à son sujet.

(...) On pensait que l’apprentissage du langage s’apparentait beaucoup à l’apprentissage de syllabes sans signification, sauf qu’il pouvait être secondé par l’imitation, l’enfant imitant l’exemple du « modèle » puis étant encouragé après la réalisation d’une performance correcte. On insistait alors sur les « mots » plutôt que sur la grammaire. En conséquence, cette approche est passée presque complètement à côté des possibilités combinatoires et génératives inhérentes à une syntaxe qui permet à l’enfant de construire régulièrement des phrases qu’il n’a jamais entendues auparavant et qu’il ne peut pas imiter puisqu’elles n’existent pas dans le langage adulte.

(...) La part qui revient à la connaissance du monde dans la naissance et la progression de l’acquisition du langage est maintenant l’objet de recherches intensives. Mais on y a ajouté un autre élément — le facteur pragmatique. (...) Dans cette perspective, l’idée centrale est l’intention de communiquer : nous communiquons dans un but précis, pour accomplir une fonction. Il peut s’agir de notre part d’une requête, d’une indication, d’une promesse ou d’une menace. (...) L’entrée dans le langage est une entrée dans le discours qui demande que les deux partenaires d’un dialogue interprètent une communication et son intention. Apprendre une langue consiste donc à apprendre non seulement la grammaire d’une langue particulière mais aussi la manière de traduire ses propres intentions par l’usage approprié de cette grammaire. La force avec laquelle le pragmatiste insiste sur l’intention exige de l’adulte qui aide l’enfant à acquérir le langage un rôle bien plus actif que lorsqu’il figure comme simple « modèle ». Elle exige que l’adulte devienne un partenaire consentant, disposé à négocier avec l’enfant. La négociation a très peu à voir sans doute avec la syntaxe, peut-être un peu plus avec la sémantique du lexique enfantin, et beaucoup avec l’aide à apporter à l’enfant pour clarifier ses intentions et les ajuster aux conditions et exigences de la « communauté linguistique », c’est-à-dire de la culture.

Jérôme Bruner, Comment les enfants apprennent à parler, trad. J. Piveteau et J. Chambert, Retz, 1987, pp. 26-33.

« tion du langage pour le réfuter, prévalut pendant longtemps.

Il a même revêtu un déguisement moderne.

Sa dern ière rem ise « au goû t du jour » fut celle de la « théorie de l'appre ntissage » behavioris te2.

Selon ce point de vue, il n'y avait rien qui pût être désigné comme spécifi que au langage.

Le langage, comme tout autre componement, pouvait être «expliq ué » exacteme nt de la même façon qu'un autre ensem ble de réponses à des sti­ muli .

Ses principes et ses paradigmes n'étaient pas à recher­ cher dans des phénomènes de langage mais dans ceux du « com ­ portemen t généra l».

Les tâches d'a pprentissage, par exemple, étaient chois ies pour bâtir des théories d'apprentissag e en s'assu rant que l'enfa nt n'aura it aucune prédisposition à l'ég ard de J' objet d'apprentissage ni aucune connaissance à son sujet.

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) On pensait que l'appre ntissage du langage s'apparen­ tait beaucoup à l'apprentissage de syllabes sans significa tion, sauf qu'il pouvai t être secondé par l'imitation, l'enfant imitant l'exemple du « modèle » puis éta nt encou ragé après la réalisa­ tion d'une performance correcte.

On insis tait alors sur les « mo ts » plutôt que sur la gramma ire.

En conséquence, cette approche est passée presque complètement à côté des possibi­ lités combi nato ires et génératives inhéren tes à une syn taxe qu i permet à l'enfant de construire régulièrement des phrases qu'il n'a jamais entendues auparavan t et qu'il ne peut pas imiter puisqu'elles n'e,dstent pas dans le langage adulte .

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)La part qui rev ient à la connaissa nce du monde dans la naissance et la progression de l'acqu isition du langage est main­ tenant l'objet de recherc hes intensives.

Mais on y a ajou té un autre élément - le fac teur prag matique.

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)Dans cette pers­ pective, l'idée centrale est l'intention de communiquer: nou s communiquo ns dans un but précis, pour accomplir une fonc­ tion.

Il peut s'agir de notre part d'une requête, d'une ind ica- 2.

Le behav iorisme (de l'anglais behaviour, «conduite, comporte­ ment») est une doctr ine psyc hologique qui préconise l'ét ude expé­ rimentale des comportements des hommes et des animaux .

traités comme des réponses à des stimu li {ou« exci tants») externes.

indé­ pendants de toute consc ience.

Apprend re reviend rait donc à acquérir des comportements nouveaux{« savoir -faire») par imitat ion et habi ­ tude.

la répétit ion régul ière des mêmes stimu li finissant par produire automatiquemen t le comportement ou savoir -faire adéquat.. »

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