Devoir de Philosophie

« Jamais, dit J.-J. Rousseau, je n'ai tant pensé, tant existé, tant été à moi, si j'ose dire, que dans les voyages que j'ai faits seul et à pied. » Décrire ce Rousseau voyageur et rêveur. ?

Publié le 15/06/2009

Extrait du document

rousseau
En Première, vous auriez puisé dans la biographie de Rousseau les lignes essentielles de votre travail, faisant preuve d'une connaissance détaillée de notre histoire littéraire; puis, sur ce fond, vous auriez brodé une description suggestive qui aurait montré que vous savez manier votre plume. Pour transformer cette dissertation littéraire en dissertation philosophique, il suffit presque de substituer au mot décrire le mot analyser. Ce n'est plus de l'extérieur qu'il faut voir Rousseau arpentant les grandes routes, mais de l'intérieur : se mettre à sa place et se demander pourquoi les voyages à la Rousseau font penser, donnent l'impression d'exister davantage et d'être plus à soi. INTRODUCTION. - L'homme moderne, surtout s'il est cultivé et dans une situation en vue, est l'esclave de son milieu. L'horaire de ses journées lui est dans une grande mesure imposé. Ses paroles et ses gestes sont commandés par les exigences de la vie collective. Il ne lui reste pas une heure pour rester avec lui-même, penser à sa guise, vivre sa vie en maître indépendant. Voyons, au contraire, Jean-Jacques ROUSSEAU sur les routes de France ou d'Italie. Il est libre de ses pas et de ses gestes, il peut abandonner son esprit à sa fantaisie. Aussi éprouve-t-il l'impression d'une vie dilatés et d'une pensée élargie : « Jamais, dit-il, je n'ai tant pensé, tant existé, tant été à moi, si j'ose dire, que dans les voyages que j'ai faits seul et à pied. ».
rousseau

« ailleurs; la timidité, une certaine antipathie irréfléchie pour d'autres moeurs et, d'autres idées tiendront la plupart deceux qui prennent part à un voyage collectif à l'écart de milieux dans lesquels ils pourraient élargir leurs pensées.

S'illes abordent, ce sera avec les préjugés de caste, de nation ou de race, à la défense desquels le groupe estbeaucoup plus attentif que l'individu.C'est, d'ailleurs, d'une manière générale que :a compagnons de voyage entravent la pensée personnelle.

On parlebeaucoup avec ses compagnons : on réfléchit bien moins.

Nombre d'impressions sont échangées devant lesspectacles pittoresques, les beaux sites ou les oeuvres d'art célèbres : mais ces impressions restent superficielles,quand elles ne sont pas de pure convention.

On manque, en effet, quand on est avec d'autres, du loisirindispensable pour que pénètrent profondément les pensées et les images qui s'offrent : musarder à l'aventure dansles rues en regardant les personnes et les choses, réfléchir ou rêver sous un arbre, s'attarder dans les champs àgoûter la mélancolie du crépuscule, est impossible quand on est avec d'autres. B.

Au contraire, voyons Jean-Jacques seul sur les routes : quelle liberté d'esprit! quelle richesse d'impressions! quelleabondance et quelle variété de projets!Sans doute, il serait injuste de ne voir dans la société que l'obstacle à la pensée, l'entrave de tout essor.

SiROUSSEAU a du goût et des idées, c'est qu'il a été formé : il a conversé avec les hommes, surtout il a lu.

L'éveil deson esprit, le pouvoir et même le besoin de penser par lui-même, il les doit au contact d'autres esprits.

Mais une foisformé et capable de penser par lui-même, l'individu gagne à se ménager des heures de solitude qui le libèrent del'emprise de son milieu.Dans cette solitude, les pensées et les problèmes que les intérêts de ce milieu lui faisaient refouler surgissentspontanément de la conscience.

Des conceptions auxquelles la routine de la vie ne permettait pas de se faire jourse présentent audacieusement.

Sans crainte et sans hésitation, on réforme la société, on se donne du monde unevision toute nouvelle, on sourit à l'avenir qu'on se promet...

Quelle richesse de vie !Étant seul, on éprouve pour tout ce qui est humain une sympathie instinctive.

Rencontrer un être avec qui l'onpuisse échanger quelques mots est un vrai bonheur et on aborde l'inconnu qui se présente avec un préjugéfavorable : excellente disposition polir le comprendre et s'instruire auprès de lui.

Peu à peu, on se familiarise avec unmilieu nouveau : des manières de penser.

des modes et des goûts que nous trouvions étranges nous paraissentmaintenant naturels: ce contact avec une autre civilisation nous permet de nous approprier ce qu'elle contient demeilleur.En partant, le voyageur emporte une riche moisson de pensées pour ses réflexions le long des routes.

Ses idées surl'homme se précisent.

Sa conception de la vie et du monde s'affronte plus nettement à celle des autres : il estdevenu lui-même.

*** Mais pourquoi voyager à pied ? Sans doute, lorsqu'il avait la bourse bien garnie, ROUSSEAU adoptait un mode delocomotion moins fatigant; ce n'est pas par principe, mais par nécessité, qu'il se faisait chemineau.

Il n'en reste pasmoins que de cette nécessité fâcheuse on peut tirer de grands avantages : A.

Tout d'abord, y a-t-il meilleur moyen de voir ce qu'on rencontre que de voyager à pied ? Ne parlons pas de cesvoyages en rapide où les plus beaux paysages n'apparaissent que comme un éclair dans l'intervalle de deux tunnelsou par les trous de l'écran que constitue un rideau d'arbres; ni même de ces randonnées en automobile au coursdesquelles on voit sans doute de belles choses, mais tant de choses et avec une telle rapidité que les impressionsn'ont pas le temps de se fixer.

Après de tels voyages, on peut dire sans mentir qu'on a vu un pays : on ne leconnaît pas.

ROUSSEAU ignorait ces véhicules qui, dans une nuit, nous font traverser la France : le plus rapide desmoyens de transport était de son temps la voiture à chevaux.

Lent, le pas et même le trot du cheval laisse à l'oeil letemps de recevoir l'impression des choses et d'observer dans le détail.

Aussi, les quelques voitures à chevaux qu'ontrouve encore dans nos grandes villes à la sortie de gares sont-elles recherchées par les étrangers de passage qui,entre deux trains, veulent se donner une idée de la cité qu'ils traversent.Mais le piéton voit bien mieux que tout autre.

Il va où il veut, s'engage dans les sentiers et les venelles, pousse unepointe sous un porche, 'déchiffre une inscription, se mêle à un attroupement de badauds, s'attarde sans se soucierdu cocher qui maugrée ou du cheval qui s'impatiente.

Il est bien à lui, se donne à ce qui lui plaît, évite ce qui luiagrée moins : de la visite d'une ville faite ainsi à pied, il rapportera des souvenirs tout à fait personnels et précis. B.

Dans la campagne, la marche à pied, beaucoup plus que la promenade en voiture, favorise le jeu de l'esprit,soutient la pensée.

Les voitures du temps de ROUSSEAU circulant sur de mauvaises routes devaient cahoterterriblement et ne pas assurer au voyageur le minimum de bien-être physique nécessaire à la réflexion et à larêverie.

De nos jours, nous observons des inconvénients tout différents dans les voyages en voiture : on s'y trouvesi bien assis, surtout en chemin de fer, que facilement on s'assoupit et qu'on somnole; du moins, la pensées'alanguit et on peut considérer comme perdus pour la vie de l'esprit la plupart des jours de voyage.Il en serait tout autrement si, à l'exemple de Jean-Jacques, nous voyagions à pied.

Sans doute, il ne faudrait pas selivrer à des marches forcées ni prendre l'allure du coureur : la fatigue et l'agitation physique suspendent ouralentissent l'exercice de la pensée.

Mais une activité corporelle modérée et n'exigeant aucune attention lefavorisent; parfois même elle lui est presque nécessaire : lorsque nous sommes pris par une idée et que nous noussentons comme sous pression, nous ne pouvons plus rester en repos; il faut arpenter la chambre ou le jardin, mettrel'activité physique à l'unisson de l'activité mentale,Aussi, quand le corps est en bonne forme, les membres souples et les mouvements faciles, comme on pensefacilement en marchant ! Tandis que joue l'automatisme des muscles, l'esprit évolue avec une liberté souveraine. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles