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Jean ITARD et Victor de l'Aveyron

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

Jeté sur ce globe sans forces physiques et sans idées innées, hors d'état d'obéir par lui-même aux lois constitutionnelles de son organisation, qui l'appellent au premier rang du système des êtres, l'homme ne peut trouver qu'au sein de la société la place éminente qui lui fut marquée dans la nature, et serait, sans la civilisation, un des plus faibles et des moins intelligents des animaux : vérité, sans doute bien rebattue, mais qu'on n'a point encore rigoureusement démontrée... Les philosophes qui l'ont émise les premiers, ceux qui l'ont ensuite soutenue et propagée, en ont donné pour preuve l'état physique et moral de quelques peuplades errantes qu'ils ont regardées comme non civilisées parce qu'elles ne l'étaient point à notre manière, et chez lesquelles ils ont été puiser les traits de l'homme dans le pur état de nature. Non, quoi qu'on en dise, ce n'est point là encore qu'il faut le chercher et l'étudier. Dans la horde sauvage la plus vagabonde comme dans la nation d'Europe la plus civilisée, l'homme n'est que ce qu'on le fait être ; nécessairement élevé par ses semblables, il en a contracté les habitudes et les besoins ; ses idées ne sont plus à lui ; il a joui de la plus belle prérogative de son espèce, la susceptibilité de développer son entendement par la force de l'imitation et l'influence de la société. N.B. - Le Docteur Jean ITARD recueillit au siècle dernier l'« Enfant sauvage » et tenta de l'éduquer ; ce qui l'amena à poser le problème des rapports de la nature et de la culture.

La venue au monde de l'homme est conditionnée par la rencontre et la complicité de deux hommes. Le plus souvent, celle-ci se déroule au sein d'une structure sociale : dès sa naissance, l'homme est baigné de culture, d'une culture particulière, contingente. Celle-ci lui enseigne les idées à partir desquelles il s'orientera dans la pensée, lui remet une autonomie que polissent des bonnes moeurs acquises, l'éduque. Bref, la culture incorpore dès sa venue au monde l'homme à une tradition, à un passé, le lie à d'autres hommes et à leurs valeurs.

Ainsi, l'homme est-il d'emblée pris en charge, assigné à un de ses possibles, défini. Il est élevé à une possibilité qui double une nature par là-même mystérieuse, insaisissable, trop intime pour être perçue. Le philosophe qui cherche à définir la nature humaine, est lui-même le fruit d'une tradition de pensée, d'une langue acquise. Comment délimiter l'apport de la culture? Est-il possible de prendre la nature humaine, pour ainsi dire, sur le vif? De définir un homme nu, une nature pure?

Seule la résolution de ces problèmes peut nous ouvrir une seconde question, dont l'enjeu est d'autant plus fort qu'il réfléchit sur le champ conceptuel et  l'orientatation des valeurs de celui-là même qui la pose. Cette seconde question : Que devons-nous à la culture dans la tradition de laquelle nous avons été élevés?

 

« avoisinnerait un état de nature. En second lieu, la méthode est suspendue à l'apparition contingente de tels hommes naturels.

Il s'agit ici d'unrapport sur un enfant sauvage découvert par la société, Victor de l'Aveyron.

Son cas, bien sûr, pour susciter unconcept scientifique de nature humaine, a besoin de la comparaison avec d'autres cas similaires, eux-mêmescontingents.

Comment, dans de tels, cas, discerner a posteriori, ce qui tient de la nature pure et ce qui a étéacquis, donc contingent? On atteint ici l'enjeu primordial du texte.

Si l'homme a la faculté d'être perfectible, si sa nature est telle que laculture puisse lui être incorporée dès sa naissance, pourquoi un homme sauvage ne serait-il pas tout autant le fruitdes circonstances? Comment reconstituer se formation, quand le passé et l'expression n'ont pas le même sens pourlui et pour nous? Thèse du texte Le thèse du texte est que l'homme issu de la culture est entièrement formé et construit par elle.

Aussi, sans elle,est-il nu, vide, sans ressource : « un des plus faibles et des moins intelligents des animaux ».

L'entendement estune faculté que seule la culture peut susciter. Mouvement du texte On peut discerner trois moments dans l'argumentation du texte.

Nous proposons le découpage suivant: l.

1 à 5, jusqu'à « démontrée » : l'homme, sans la culture, n'est rien.

Et s'il possède, par nature, une possibilité qui ledestine à la primauté dans l'ordre de la nature, la civilisation, il en est, sans elle, le plus faible élément. l.

5 à 10, jusqu'à « étudier » : cette thèse n'est point nouvelle, mais encore infondée.

Les sociétés traditionnellesqui ont inspiré le concept d'état de nature ne sont en rien constituées d'hommes sans culture.

Ils sont au contraire,issus eux-mêmes d'une culture autre. l.

10 à 14 : car tout, chez l'homme issu d'une société, est culture, est acquis, jusqu'à la faculté de l'entendement. Elaboration du commentaire L'objet du commentaire est de suivre pas à pas le texte, d'expliquer ses thèses, ses exemples, et d'expliciter lesallusions, présuppositions et implications éventuellement contenues dans l'extrait.

Ceci étant fait, le commentairepeut proposer une perspective critique.

Celle-ci ne doit pas être comprise comme un débat d'opinions : laperspective critique doit servir la totale mise en lumière du texte et de ce qui, en lui, est implicite.

Parcourons letexte pour voir ce qui demande des éclaircissements, et ce qui, éventuellement, appelle un regard critique. « Jeté sur ce globe sans forces physiques et sans idées innées » L'ouverture du texte définit l'homme et sa nature par la nudité et la faiblesse absolues, aussi bien physiquesqu'intellectuelles. « hors d'état d'obéir par lui-même aux lois constitutionnelles de son organisation » Il est ensuite distingué des animaux ordinaires, qui possèdent un instinct , c'est-à-dire la faculté innée d'agir selon les lois constitutionnelles de leur organisation.

Ainsi, une distance est introduite entre l'homme et sa nature, par sanature même.

Cette distance rend possible la perfectibilité, l'éducation, autant d'apanages de la culture. « qui l'appellent au premier rang du système des êtres » Premier présupposé qu'il s'agit de dégager et d'interpréter.

La suite du texte nous invite à considérer l'entendement. »

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