justifiées, mais qui font rebondir un débat éternel.
Publié le 21/10/2012
Extrait du document
«
Guerre et la Paix ( r86r), Du Prin cipe fédératif et de l'unité en Italie (r86g) et De la capacité politique de la classe ouvrière (r864).
Anar
chiste qui déclare : « Je ne suis pas un
bousculeur », révolutionnaire qui veut
restaurer les vertus traditionnelles et pour
qui la femme doit itre ménagère ou cour tisane, sociologue pour qui la philosophie
est une « métaphysique de groupe », mais
qui se déclare « l'homme de l' individua
lité avant tout », libéral qui se désinté resse de la forme républicaine ou césa rienne du gouvernement, rationaliste et
mystique, visionnaire utopique et réali
sateur pratique, apôtre
des coopératives
ouvrières, des sociétés de secours mutuel, des fédérations supra-nationales, ancitre du syndicalisme révolutionnaire et de la
contre-révolution maurras sienne, comment
juger Proudhon sans
se contenter de rendre hommage à la richesse un peu
confuse de sa pensée et de signaler une évolution qui, commençant par condamner
la propriété ( « la propriété, c'est le vol ») et l'association, finit par les réhabiliter ( « la propriété, c'est la liberté ») et
leur accorder un rôle essentiel de contre
poids à la ryrannie de l'Etat? Trois
idées philosophiques semblent du moins
avoir été constantes chez Proudhon et
forment un ensemble cohérent.
Ce sont :
l'idée de la justice, l'idée des contradictions
irréductibles et de l'équilibre, l'idée de l~ primauté de l'économique sur le poli
ttque.
Ce qu'il y a peut-itre de plus profond
et de plus original chez Proudhon,
c'est le rôle central et unificateur de cette idée de justice, qui fait l'unité de l'ordre cosmique, de l'ordre social et de l'ordre moral.
« Elle est tout à la fois,
pour l'lere raisonnable, principe et forme de la pensée, garantie du jugement, règle de la conduite, but du savoir et fin de l'existence.
Elle est sentiment et notion,
manifestation et foi, idée et fait; elle est
la vie, l'esprit, la raison universels».
Si une philosophie politique et sociale peut
prétendre à une vérité intellectuelle et à une réalisation pratique, c'est en tant
qu'elle s'intègre dans une vision d'en
semble et prend appui sur une réalité uni
verselle.
Ce qui rend la pensée et l'action de Proudhon possibles, c'est que ce qui
est principe d'intelligibilité soit en mime temps norme de conduite.
La justice est
la loi de la nature où elle se manifeste
par l'équilibre, mais elle garde en même temps sa signification morale qui est « le respect spontanément éprouvé et réciproque
ment garanti de la dignité humaine en quelque personne et dans quelque circons
tance qu'elle se trouve compromise >>.
Ce qui donne son sens à la pensée de Prou dhon, c'est la coexistence de ces deux défi nitions, c'est la tentative pour embrasser
dans un mime effort de pensée l'ordre natu
rel et l'ordre humain.
On comprend que cette tentative débouche sur une théorie de la société : la Justice est « l'astre central
qui gouverne les sociétés, le pôle autour
duquel tourne le monde politique, le prin
cipe et la règle de toutes les transactions ».
Là encore la justice est principe norma tif (c'est l'exigence de réciprocité) et
principe d'intelligibilité (c'est la théorie des contradictions et de l'équilibre social).
A la dialectique hégélienne
un instant adoptée, Proudhon oppose l'idée que « l'antinomie ne se résout pas ».
L'opposition est éternelle et l'idée la plus
profonde de Proudhon (idée renouvelée de Pascal et des antinomies kantiennes) est celle d'une dialectique qui se définit par
la renonciation à la synthèse.
Selon Marx, il ne faudrait voir là qu'une démarche de petit bourgeois, soucieux de sauvegarder le bon côté de toutes choses et d'éliminer le mauvais côté en oubliant que « c'est le mauvais côté de l'histoire
qui fait l'histoire » et qui permet la
synthèse.
En réalité, c'est chez Marx plutôt que chez Proudhon que le « mau
vais côté » est finalement éliminé; l'idée
essentielle de Proudhon est au contraire
la subsistance au fond de toute réalité
d'une multitude d'éléments irréductibles
et antagonistes.
On ne peut résoudre les
oppositions; la justice ne commande pas
la synthèse (qui ne pourrait qu' itre impo sée brutalement par un terme extérieur),
elle met en balance les forces sociales opposées, elle réalise un équilibre entre des éléments contradictoires dont les effets,
grâce à elle, se neutralisent, mais qui
subsistent dans leur diversité.
C'est là
une conception de la société dont le fonde
ment philosophique est un véritable.
»
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