Devoir de Philosophie

KANT et la pure moralité

Publié le 06/05/2005

Extrait du document

kant
Si l'on demande quelle est donc à proprement parler la pure moralité, à laquelle, comme à une pierre de touche, on doit éprouver la valeur morale de chaque action, alors je dois avouer que seuls des philosophes peuvent rendre douteuse la solution de cette question; car dans la raison commune des hommes elle est, non à la vérité par des formules générales abstraites, mais cependant par l'usage habituel, résolue depuis longtemps comme la différence entre la main droite et la gauche. Aussi voulons-nous avant tout montrer le critère distinctif de la pure vertu sur un exemple, et en nous représentant qu'il se trouve proposé au jugement d'un enfant de dix ans, voyons si de lui-même et sans être dirigé là-dessus par son maître, il ne devrait pas juger nécessairement de la façon suivante. Qu'on raconte l'histoire d'un honnête homme qu'on veut déterminer à se joindre aux calomniateurs d'une personne innocente, et de plus sans aucun pouvoir (comme ce fut le cas d'Anne de Boleyn lors de l'accusation d'Henri VIII d'Angleterre). On lui offre des gains, c'est-à-dire de riches présents ou un haut rang, il les repousse. Ce geste produira simplement assentiment et approbation dans l'âme de l'auditeur parce qu'il s'agit de gain. Alors on commence à le menacer d'une perte. Il y a parmi ces calomniateurs ses meilleurs amis qui lui refusent maintenant leur amitié, de proches parents qui le menacent (lui qui est sans fortune) de le déshériter, des personnages puissants qui en tout lieu et toute circonstance peuvent le persécuter et l'humilier, un prince qui le menace de lui faire perdre la liberté et même la vie. Mais qu'on lui représente, afin que la mesure de la souffrance soit pleine, et aussi pour lui faire ressentir la douleur que seul un coeur moralement bon peut ressentir au plus intime de lui-même, sa famille, menacée de la misère et de l'indigence la plus extrême, le suppliant de se montrer accommodant; qu'on le représente lui-même, bien qu'honnête, comme n'étant pas pourtant rigoureusement insensible au sentiment de la pitié aussi bien qu'à son propre malheur, dans le moment où il souhaite à n'avoir jamais vécu le jour qui le soumette à une si inexprimable douleur, restant néanmoins fidèle à sa résolution d'honnêteté sans hésiter ni même douter; alors mon jeune auditeur s'élèvera par degré de la simple approbation à l'admiration, puis à l'étonnement, enfin jusqu'à la plus haute vénération et à un vif désir de pouvoir être lui-même un tel homme (bien qu'assurément sans être dans sa situation); et pourtant la vertu n'a ici tant de valeur que parce qu'elle coûte beaucoup, et non parce qu'elle rapporte quelque chose. Toute l'admiration et même tout effort pour ressembler à ce caractère reposent ici entièrement sur la pureté du principe moral, qui ne peut être représentée de manière à sauter aux yeux que si l'on écarte des mobiles de l'action tout ce que les hommes peuvent mettre au compte du bonheur. Donc la moralité doit avoir sur le coeur humain d'autant plus de force qu'elle est représentée comme plus pure. D'où il suit que si la loi de la morale et l'image de la sainteté et de la vertu doivent exercer en toute circonstance quelque influence sur notre âme, elles ne peuvent l'exercer que dans la mesure où elle est posée en tant que mobile du coeur comme pure et lion mélangée de visées vers notre intérêt personnel, parce que c'est dans la souffrance qu'elle se montre dans toute son excellence. KANT
kant

« suggéré à l'évidence d'abord par le récit de Juvénal que Kant cite quelques pages plus loin et aussi par le procèsd'Anne de Boleyn.

Juvénal suppose qu'un homme connu par sa bravoure et son honnêteté soit contraint par le tyranPhalaris, sous la menace d'être jeté tout vif dans son taureau creux de bronze chauffé au rouge, de mentir et de separjurer; le devoir néanmoins ne fait pas le moindre doute : Summum crede nef as praeferre pudori animamEt propter vitam vivendi perdere causas. L'intérêt de l'exemple de Kant, c'est qu'il est conçu de manière à accumuler sur l'honnête homme à la fois tous lesavantages qu'il retirerait de la calomnie et tous les malheurs et souffrances qu'il endurera en s'y refusant.

Laméthode est assez comparable à celle dont Platon se sert pour que, par l'intermédiaire de Glaucon, le problème de lajustice soit posé à Socrate dans son extrême rigueur : d'une part l'injuste est comblé d'honneurs et tout lui réussit;d'autre part, le juste est déshonoré, persécuté, et finalement empalé.Il ne faut pas se tromper d'ailleurs sur la fonction du présent exemple, et, dans les Fondements, Kant a bien déclaréqu'« on ne pourrait non plus rendre un plus mauvais service à la moralité que de vouloir la faire dériver d'exemples»s.

Mais il ne s'agit pas chez Kant d'un récit tiré de l'expérience ou de l'histoire.

Car « il est absolument impossibled'établir par expérience un seul cas où la maxime d'une action, d'ailleurs conforme au devoir, ait uniquement reposésur des principes moraux et sur la représentation du devoir».

Car, «quand il s'agit de valeur morale, l'essentiel n'estpoint dans les actions, que l'on voit, mais dans ces principes intérieurs des actions, que l'on ne voit pas ».

Il fauttoutefoissouligner que si l'homme « ne peut jamais être tout à fait libre de désirs et d'inclinations », cela n'enlève rien à lanécessité du devoir.

C'est une précision sur laquelle Kant est plusieurs fois revenu.

« Alors même, dit-il dans saformule la plus nette, qu'il n'y aurait jamais eu un seul homme pour pratiquer à l'égard de la loi morale uneobéissance sans condition, la nécessité objective d'être un tel homme n'en reste pas moins entière et n'est pasmoins évidente par elle-même ».

Le rigorisme de Kant est d'abord de la rigueur de pensée, et l'on comprend pourquoiun exemple empirique « ne peut nullement fournir en tout premier lieu le concept de moralité.

Même le saint del'Évangile doit d'abord être comparé avec notre idéal de perfection morale avant qu'on le reconnaisse pour tel ».

Ordans notre texte, nous ne sommes pas en présence d'un cas réel, mais d'un « exemple originel », d'un exemple-modèle.Aussi bien le but que vise Kant dans la Méthodologie n'est-il plus de dégager le principe pur de la déterminationmorale.

On pourrait parler ici plutôt d'une sorte de pédagogie morale.

L'exemple idéal construit par Kant vise donc àdémontrer que le sentiment de vénération qu'éprouve finalement le jeune auditeur provient et doit provenir de ceque la conduite de l'honnête homme réalise la pureté du principe moral, à l'exclusion de tout mélange des mobiles quipourrait être tiré du bonheur personnel.

C'est ce que doivent faire ressortir les éducateurs.

«C'est le devoir, et nonle mérite, qui, si on le représente dans la véritable lumière de son inviolabilité, doit avoir sur l'âme, non seulementl'influence la plus déterminée, mais même la plus pénétrante ». KANT (Emmanuel). Né et mort à Königsberg (1724-1804).

Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.

En 1755, ilest privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques etde philosophie.

En 1770, il devient titulaire de la chaire de logique et de métaphysique.

Il vécut dans une demi-retraite pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les trois Critiques.

La Révolutionfrançaise l'enthousiasma, et l'on raconte qu'il ne se détournait de sa promenade, minutieusement réglée, que pouren aller apprendre les nouvelles.

Il fut, en 1793, réprimandé par Frédéric-Guillaume II pour deux ouvrages sur lapolitique et la religion.

A la mort du Roi, il reprit sa plume et dévoila l'affaire.

Kant mourut le 12 février 1804, aprèsune très longue agonie.

— A ses débuts, Kant fut un disciple de Leibniz et de Wolff.

Il considère la science commeun fait, dont la possibilité, plus que l'existence, doit nous préoccuper.

La lecture de Rousseau lui fait aussiconsidérer la moralité comme un fait.

Nous retrouvons, en conclusion du système kantien, comme postulats, lescroyances dont Kant a ruiné la valeur dogmatique.

Lui-même a défini son entreprise ainsi : « J'ai remplacé le savoirpar la foi.

» — Le monde sensible est seul donné à notre expérience et à notre connaissance : ce sont les faits, lesdonnées de la sensation.

Le monde intelligible est une« illusion théorique».

Le pouvoir de la raison pure est illusoire.Les principes de l'entendement pur ne sont pas applicables aux noumènes, mais seulement aux phénomènes ; c'estla dialectique transcendante.

La raison doit reconnaître ses propres limites ; limiter la raison, c'est réaliser sonobjectivité.

— La connaissance se ramène à deux éléments : le monde sensible, ou phénomènes liés à l'espace et autemps et le monde intelligible, ou chose en soi, noumènes, pur objet de pensée.

L'intuition et le concept sont lessources de la connaissance.

— Mais, intellectuellement, il nous est impossible de parvenir à la connaissance du. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles