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Kant : l'insociable sociabilité.

Publié le 13/05/2005

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« Sans ces qualités d'insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes - insociabilité qui est la source de la résistance que chacun doit nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes - tous les talents resteraient à jamais enfouis en germes, au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans une concorde, une satisfaction et un amour mutuel parfaits; les hommes, doux comme les agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à l'existence guère plus de valeur que n'en a leur troupeau domestique; ils ne combleraient pas le néant de la création en considération de la fin qu'elle se propose comme nature raisonnable. Remercions donc la nature pour cette humeur peu conciliante, pour la vanité rivalisant avec l'envie, pour l'appétit insatiable de possession ou même de domination. Sans cela toutes les dispositions naturelles excellentes de l'humanité seraient étouffées dans un éternel sommeil. L'homme veut la concorde mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce, elle veut la discorde. Il veut vivre commodément et à son aise; mais la nature veut qu'il soit obligé de sortir de son inertie et de sa satisfaction passive, de se jeter dans le travail et dans la peine pour trouver en retour les moyens de s'en libérer sagement. Les ressorts naturels qui l'y poussent, les sources de l'insociabilité et de la résistance générale d'où jaillissent tant de maux, mais qui, par contre, provoquent aussi une nouvelle tension des forces, et par là un développement plus complet des dispositions naturelles, décèlent bien l'ordonnance d'un sage créateur, et non pas la main d'un génie malfaisant qui se serait mêlé de bâcler le magnifique ouvrage du Créateur ou l'aurait gâté par jalousie. » Kant

* Quelle conception de l'histoire KANT développe-t-il ici ?

* La notion d'insiciabilité et de discorde comme source de progrès humain ne préfigure-t-elle pas la conception hégéliennne de la contradiction comme moteur de l'histoire ?

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« c) Allégorie de la nature : la nature, désormais personnifiée, est assimilée à une raison directrice contraignantl'homme à la discorde et à un pénible travail ; cette «douleur du négatif », pour parler avec Hegel, rend possible «enretour», une satisfaction plus relevée que celle de l'état naturel. Troisième partie.

L'unique phrase de cette dernière partie comporte deux idées. a) Rappel de ce .qui précède : si de l'insociabilité découlent « tant de maux» (= substitution du paraître à l'être,querelles, guerres), il en découle aussi une évolution constante de l'espèce entière. b) L'imperfection initiale de l'homme et ses conséquences ultérieures prouvent assez combien cet inachèvement aété prémédité : cette situation n'est donc l'effet d'aucune étourderie ni d'aucune diabolicité ; elle est plutôt lapreuve de la très sage prescience du divin Créateur.Deuxième partie du devoir: le commentaire. L'infériorité initiale de l'homme, condition de sa supériorité sur l'animal. a) Dans son Protagoras, Platon met dans la bouche de Socrate le mythe que voici.

Quand les dieux durent façonnerles espèces vivantes, ils chargèrent deux frères, Prométhée et Épiméthée, de les pourvoir et «d'attribuer à chacundes qualités appropriées».

Épiméthée, qui avait voulu faire seul le partage, donna aux uns la force sans la vitesse,aux autres la vitesse sans la force ; pour leur protection, il les revêtit de poils épais et de peaux serrées.Mais Prométhée, venant à examiner ce partage, voit l'homme « nu, sans chaussures, ni couverture, ni armes ».

Ilvole donc le feu aux dieux pour donner également à l'homme un moyen de se conserver. b) Ainsi Kant rejoint-il Platon lorsqu'il souligne qu'une nature apparemment parcimonieuse et marâtre envers l'hommeest la condition négative de ses progrès ultérieurs. c) Mais Kant s'oppose à toute interprétation risquant d'incriminer le Créateur — tendant, autrement dit, à jeter lasuspicion sur son existence même. L'intelligence comme solution compensatoire.Il s'agit, pour l'homme, dit le texte, de combler « le néant de la création en considération de la fin qu'elle se proposecomme nature raisonnable» : la nature a laissé, en effet, en friches, en « germes » toutes les potentialités del'espèce humaine.Bergson soulignera dans le même sens que le déficit est l'état normal de l'intelligence.

Subir des contrariétés,ajoute-t-il, est son essence même» (L'Évolution créatrice, chap.

Il). La ruse de la raison : vices privés, bienfaits pour l'espèce.a) Rejoignant ici l'optimisme des Lumières, Kant souligne que l'homme, à la différence de l'animal, est perfectible paressence.b) Mais l'optimisme kantien n'est pas béat : il est plutôt bourgeois — au sens où l'était celui de l'économiste AdamSmith ou celui d'un Mandeville.Ce qui est «insociabilité», «prétention égoïste», « vanité », « envie » ou soif de domination, ce qui est — en un mot— source de «discorde» chez l'homme particulier est «bon pour son espèce», affirme Kant. c) On trouve donc dans ce texte l'affirmation d'une sorte de « ruse de la raison»: on croit que c'est chacun poursoi; mais tous oeuvrent en réalité pour l'espèce. Conclusion L'anthropologie kantienne est donc une téléologie, puisqu'elle affirme que c'est une intention clairvoyante qui a vouluque l'homme tirât tout do lui-même et s'opposât à son semblable, afin qu'il rompe avec l'instinct et fasse usage desa raison. KANT (Emmanuel). Né et mort à Königsberg (1724-1804).

Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.

En 1755, ilest privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques etde philosophie.

En 1770, il devient titulaire de la chaire de logique et de métaphysique.

Il vécut dans une demi-retraite pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les trois Critiques.

La Révolution. »

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