Devoir de Philosophie

La civilisation contemporaine

Publié le 11/05/2010

Extrait du document

« Ce produit de l'histoire qui s'appelle la civilisation, aussi fragile et aussi imparfait qu'il soit, n'en est pas moins une valeur précieuse, qui mérite d'être aimée et servie. Et il convient d'entendre ici le mot civilisation non exclusivement dans un sens sublime et relevé — éclat d'une culture, affirmation d'une échelle de valeurs spirituelles — mais aussi dans son sens humble et positif — garanties des conditions matérielles de la vie, facilité et diversité de l'existence quotidienne, tout ce qui nous est offert à foison dès que nous descendons dans les rues, dès que nous profitons, sans plus même nous en rendre compte, des avantages de cette chose admirable : une ville, avec son ordre et sa richesse, ses monuments bien entretenus et ses magasins bien fournis... Bien fournis sans doute pour ceux qui ont de l'argent et resurgit ici le fait de l'injustice sociale, d'un mal et d'une fatalité qui, au sein d'une société civilisée, écrasent des catégories d'individus, justifient leur révolte et celle des esprits qui conçoivent les exigences de la justice ( ...). Que nous le voulions ou non, nous sommes les héritiers d'une histoire, et l'oeuvre des siècles, sur laquelle ont pesé toutes les contingences du monde, et à laquelle l'homme n'a pu collaborer qu'avec les imperfections de sa nature et les limites de son génie, cette oeuvre est impure mêlée de bien et de mal « (P.H. Simon).

Ce texte nous invite à nous demander avec lucidité, c'est-à-dire sans naïveté excessive comme sans pessimisme exagéré, ce qu'est une civilisation et aussi quels sont les mérites et les dangers de la nôtre.

I. Civilisation, science et progrès

1. Qu'est-ce qu'une civilisation?

Définition C'est l'ensemble des acquisitions des sociétés humaines. Ces acquisitions représentent tant les valeurs matérielles ou techniques que les valeurs morales, spirituelles, esthétiques. La civilisation dépasse en degré la notion de culture qui ne représente que les aspects intellectuels d'une civilisation. Quand on parle de civilisation ou de culture occidentale, on désigne ainsi les acquis de toute la période historique qui s'est écoulée depuis sa formation jusqu'à nos jours, depuis la société grecque antique jusqu'à la nôtre (on dit aussi parfois civilisation judéo-chrétienne lorsque l'on tient compte du facteur religieux comme ciment d'une civilisation).

« En Europe, elle prend véritablement essor à la fin du xv' siècle.

L'astronomie, la mathématique, la médecine, laphysique prennent leur physionomie actuelle au cours des xvie-xviiie siècles.

Mais c'est au xixe siècle à la suite dedécouvertes décisives et de méthodes de plus en plus expérimentales qu'elle acquiert son visage moderne.

Notre civilisation baigne dans un contexte scientifique.

Tout notre savoir en est imprégné.

Et notre vie quotidienneest conditionnée par l'invention technique et l'environnement machiniste qui sont des applications pratiques de larecherche scientifique.

Cette dernière peut être définie comme « un domaine d'activité réconfortante au point devue moral, par le plaisir de la découverte ( ...) par le plaisir d'avoir surmonté les difficultés rencontrées, par lesentiment que toute connaissance nouvelle est définitivement acquise pour l'humanité » (I.

Joliot-Curie).Balzac, dans La Recherche de l'absolu, met en scène un personnage, Claés, qui tel Bernard Palissy, sacrifie tout à sapassion pour la science.

Les promesses que fait naître la science ont enthousiasmé certains penseurs et écrivains.Songez à Lamartine, à Victor Hugo (Cf.

le poème « Plein ciel «).

Mais aussi ses réalisations ont suscité inquiétude etangoisse, chez Baudelaire ou Flaubert, au XIXe siècle, ou chez J.

Rostand, plus près de nous : « La science a fait denous des Dieux, avant que nous méritions d'être des hommes » (sujet 3, promotion sociale, 1979). 3.

Le progrès DéfinitionC'est un changement d'état, qui consiste en un passage à un degré supérieur (progedior en latin = s'avancer.

Vientde gradus : degré).

La civilisation occidentale a misé très tôt (dèsle XVIe siècle) sur l'idée que les choses allaient en s'améliorant avec le temps; alors que l'Antiquité plaçait l'âge d'ordans le passé, les Modernes le situent dans l'avenir :"Toutes les sciences qui sont soumises à l'expérience et au raisonnement, doivent être augmentées pour devenirparfaites.

Les Anciens les ont trouvées seulement ébauchées par ceux qui les ont précédés; et nous les laisserons àceux qui viendront après nous en un état plus accompli que nous ne les avons reçues » (Pascal, Préface pour letraité du vide, 1647).Cette croyance — certains parlent de mythe — prend vraiment corps au XVIIIe siècle avec les philosophes (Voltaire,Diderot avec L'Encyclopédie, Condorcet), qui placent « toute leur foi dans le progrès matériel qu'ils croyaient facteurde progrès moral ».Ce sont les sciences et les techniques appliquées au développement indéfini des sociétés humaines qui apporterontau genre humain bonheur et liberté :« Il arrivera donc ce moment où le soleil n'éclairera plus sur la terre que des hommes libres, ne reconnaissantd'autres maîtres que leur raison » (Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, 1793). Il est vrai que la civilisation a réalisé des progrès considérables dans l'ordre matériel, quantitatif, instrumental.

Acommencer par l'allongement de la vie humaine, condition première de toute action sur le monde.

Mais d'autresconquêtes sont tout aussi importantes :« La multiplication des sources d'énergie, le perfectionnement des télécommunications et des moyens de transport,l'automatisation des usines et, dans le monde sanitaire, la prolongation de la durée de la vie et la quasi disparitiondes maladies infectieuses, représentent, parmi cent autres, les conséquences à tous familières du progrès engendrépar la deuxième révolution industrielle » (D.

Bovet, Prix Nobel de médecine, 1963).La transformation de la nature pour les besoins pacifiques de l'homme est le ferment du progrès sur terre.

Cettepensée inspire au poète un message d'espoir : « C'est la chaude loi des hommesDu raisin ils font du vin Du charbon ils font le feuDes baisers ils font des hommes(•••)Une loi vieille et nouvelle Qui va se perfectionnantDu fond du coeur de l'enfantjusqu'à la raison suprême (P.

Eluard) Mais le progrès a aussi ses détracteursNombreux sont les penseurs qui n'y voient qu'un mythe de la conscience moderne.

Les guerres mondiales du XXesiècle ont mis fin à la croyance en un avenir radieux :« Le résultat immédiat de la grande Guerre ( ) n'a fait qu'accuser et précipiter le mouvement de décadence del'Europe », écrit P.

Valéry en ,1919.Le même auteur estime que la science s'est déshonorée, « mortellement atteinte dans ses ambitions morales ».

Al'issue de la Seconde Guerre mondiale, le constat d'échec est le même : la barbarie a englouti la civilisation et seslumières.

Le racisme a triomphé de la fraternité humaine et la menace de destruction totale est permanente.« Il est plus facile, écrivait alors le physicien Einstein, de désintégrer l'atome que de vaincre un préjugé » (sujet 3,F, 1978).Albert Camus fut un brillant analyste de cette peur devant le monde moderne :« Le XVIIe siècle a été le siècle des mathématiques, le XVIIIe celui des sciences physiques et le XIXe celui de labiologie.

Notre siècle est le siècle de la peur.

On me dira que ce n'est pas là une science.

Mais d'abord la science yest pour quelque chose, puisque ses derniers progrès théoriques l'ont amenée à se nier elle-même et puisque sesperfectionnements pratiques menacent la terre entière de destruction » .Il faut attendre ces dix dernières années pour voir se constituer une opposition cohérente aux expérimentations oumanipulations du vivant par les hommes de science.

Et encore la partie est-elle loin d'être gagnée.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles