La compétence technique peut-elle fonder l'autorité politique ?
Publié le 02/04/2005
                             
                        
Extrait du document
 
                                Platon s’interrogeait sur les compétences requises pour être un bon politique, s’attachant ainsi à déterminer ce qu’était, en propre, l’art politique. Ainsi, dès ses origines, la philosophie politique affirme que celui qui a les prétentions de diriger la cité doit d’abord posséder une techne spécifique. Mais de quelle nature doit-elle être ? Celle-ci serait-elle la même à toutes les époques ? Pour Machiavel, la qualité essentielle du prince n’est pas la possession d’une technique particulière, qui serait l’art de gouverner, mais plutôt de faire preuve de virtù, un mélange d’habileté, de ruse et de force. Mais ne doit-on pas considérer, avec Auguste Comte, qu’il s’agit là d’une définition dépassée de la politique ? L’ « âge du positivisme «, marqué par l’avènement des sciences modernes et la toute-puissance de la technique, ne nous oblige-t-il pas à fonder l’autorité politique sur la compétence technique ?
 
                                «
                                                                                                                            cruellement défaut à l'Italie.
                                                            
                                                                                
                                                                     D'autre  part, 	Machiavel	 balaye  toute différence  entre histoire  sacrée et histoire	profane : ainsi comme il avait précédemment éliminé toute différence essentielle entre un législateur sacré commeMoise et un législateur profane, comme 	Thèsée	 ou 	Lycurgue	, Machiavel	 place-t-il ici la Providence et la Fortune	sur le même plan.La formule ici éclaire le double projet de 	Machiavel	 dans notre passage.	Il s'agit tout d'abord de récuser la notion de hasard pour restaurer les droits de l'action politique efficace.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi lit-onque  l'on peut  soumettre  la fortune,  qui n'est  donc qu'une  puissance  imaginaire.
                                                            
                                                                                
                                                                     Elle n'est  pas une  puissanceimpossible à maîtriser qui s'imposerait à nous malgré nos actes et nos volontés, un destin, mais quelque chose quenous pouvons diriger.Mais d'autre part, l'idée de l'audace nécessaire à l'action politique, les notions de lutte et de violence tendent àmontrer qu'il n'y a pas de modèle précis  de l'action politique, que celle-ci contient toujours une part irréductibled'aventure, de risque.Aussi 	Machiavel	 se bat-il   sur deux fronts  ; : contre l'idée irrationnelle  de fortune ou de destin qui pousse au	désespoir et contre l'illusion inverse d'une possibilité de totale maîtrise de l'action.Pour remplir son premier objectif, 	Machiavel	 compare la fortune aux fleuves en crue « 	qui, lorsqu'ils se courroucent,	inondent les plaines, renversent les arbres et les édifices […] chacun fuit devant eux, tout le monde cède à leurfureur	 ».
                                                            
                                                                                
                                                                    La métaphore rend bien compte de l'idée d'une force naturelle déchaînée et irrésistible, devant laquelle il	est vain de  lutter.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais :  « 	il n'en reste  pas moins que  les hommes,  quand les  temps sont calmes,  y peuvent	pourvoir par digues et par levées.	 »	Autrement dit l'idée de fortune n'est qu'une illusion résultant de l'imprévoyance des hommes.
                                                            
                                                                                
                                                                    De même qu'on ne peutprévoir le moment et la force de la crue, mais qu'on sait qu'elle peut avoir lieu et donc prévoir et aménager l'avenirpour rendre cette crue inoffensive, de même les risques politiques sont prévisibles et aménageables.« Il en est de même pour la fortune, qui manifeste sa puissance là où il n'y a pas de forces organisées pour luirésister.	 »  La  fortune,  le destin,  ne désignent  aucune force positive,  mais ne sont  que l'envers  de l'absence	d'organisation des hommes.
                                                            
                                                                                
                                                                    Si toute la vertu, la virtuosité politique (la « 	virtù	 ») consiste pour 	Machiavel	 a « 	jeter	de bons fondements	 », alors la fortune n'est que la projection illusoire de l'absence de « 	virtù 	» des hommes.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est	dans  les moments  de calme  politique  que le dirigeant  vertueux  sait prévoir,  anticiper  et par  suite  conjurer  lesdangers politiques.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il s'agit donc de comprendre ses propres forces pour éliminer l'idée de fortune ou de destin « 	qui	manifeste sa puissance là où il n'y a pas de forces organisées pour lui résister	 ».	ainsi 	Machiavel	 conclut-il sur  l'état de son pays et  la prétendue « 	force du destin	 » : « 	Et si vous  considérez	l'Italie, qui est le siège de ces changements et qui leur a donné le branle, vous verrez qu'elle est une campagnesans levées et sans aucune digue.
                                                            
                                                                        
                                                                    Que si elle se fut donné un rempart d'une force suffisante comme l'Allemagne,l'Espagne ou la France, ou cette crue n'aurait pas fait les grands changements qu'elle a fait, ou elle ne se serait pasproduite.	 »	Et voici  l'idée de  fortune contredite  : la capacité  des hommes à  forger leur propre avenir  est soit  partielle (ilspeuvent minimiser les coups du sort) soit entière (les supprimer totalement).Cependant 	Machiavel	 fait  rebondir  la question  en se demandant  s'il vaut  mieux,  en politique,  être prudent  ou	impétueux.
                                                            
                                                                                
                                                                    En effet, le raisonnement précédent peut favoriser une illusion inverse de la croyance en la fortune :celle qui voudrait  que les recettes  ou des  modèles  d'action soient possibles  : « 	Et  l'on  voit  aussi,  de deux	circonspects, l'un parvenir à ses fins, l'autre non, et de même deux prospérer également par deux manières de fairedifférentes, étant l'un circonspect, l'autre impétueux : ce qui ne vient de rien d'autre que du caractère des temps,qui se conforment ou non avec leurs procédés.	 »	On ne peut donner de modèle universel de l'action politique, qui vaudrait en tous temps et en tous lieux.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi desprocédés différents peuvent tous deux fonctionner, tandis que, appliqués à des contextes différents, le même modede comportement peut amener tout aussi bien à l'échec qu'à la réussite.Machiavel	 veut rappeler tout d'abord la nécessité d'insérer  l'action dans son contexte historique propre puisque	réussite ou échec « 	ne viennent de rien d'autre que du caractère des temps, qui se conforment ou non avec leurs	procédés	 ».	Plus profondément, l'action politique dépend toujours de la saisie du « 	moment opportun	 », d'une compréhension de	ce qu'exige  précisément  le moment  singulier  de l'action.
                                                            
                                                                                
                                                                     autrement  dit la réussite  de l'action  dépend  de laconjonction du « 	style	 » du dirigeant avec l'exigence de l'époque.
                                                            
                                                                                
                                                                    De cette conjonction on ne peut faire la théorie, il	y a une part d'opacité irréductible, des données de fait qu'on ne peut déduire.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi, si nous avons un pouvoir sur lemonde qui nous entoure, si l'action politique n'est pas vaine, elle n'est pas déductible, ce pouvoir n'est pas total, etaucune « 	théorie de l'histoire	 » ne peut rendre l'acte politique certain.	C'est pourquoi 	Machiavel	 déclare que : « 	La fortune est femme et il est nécessaire à qui veut la soumettre de la	battre et la rudoyer […] en tant que femme elle est l'amie des jeunes, parce qu'ils sont moins circonspects, plushardis, et avec plus d'audace la commandent.	 »	Ce qu'il met en avant, mais après avoir récusé la notion vulgaire de fortune ou de destin, c'est la part irréductibled'audace,  de risque,  d'aventure  que contient  toute action  politique  véritable.
                                                            
                                                                                
                                                                     La « 	virtù	 »,  la prévoyance  et	l'organisation dont tout le « 	Prince	 » fait l'apologie et démêle les conditions, ne va pas sans la saisie du « 	moment	opportun	 », une part de passion.	             A la phrase de 	Machiavel	 répond en écho celle de 	Nietzsche 	: « 	Insouciant, railleur, violent , ainsi nous	veut la sagesse.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle est femme, elle n'aimera jamais qu'un guerrier.	 »	En luttant sur deux fronts, 	Machiavel	 entend à la fois récuser l'irrationalité de ceux qui croient à la « 	fortune 	», au	destin et à l'impuissance de l'action politique.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais s'il souhaite restaurer les droits des décisions efficaces et de laprévoyance, 	Machiavel	 ne cède pas à l'illusion d'une science politique ou historique, si  l'audace et le risque sont	nécessaires,  c'est qu'aucun  procédé ne nous  assure  du succès,  que la prudence  se résout  en routine  et enincapacité à saisir le moment opportun de l'action..
                                                                                                                    »
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