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La différence peut-elle fonder le droit ? ?

Publié le 27/02/2008

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En effet, tout droit qui serait fondé sur une différence, l'appartenance à un « groupe » distinct par exemple, mènerait nécessairement à des effets pervers insurmontables en cela qu'il institutionnaliserait une rupture du lien social qui unit le peuple, en enfermant son destinataire dans sa différence. Réclamer un droit fondé sur sa différence, c'est d'une certaine manière renoncer à sa liberté, à sa qualité d'homme, et donc à ses devoirs vis-à-vis des autres hommes.
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« contractuel d'accord des volontés est par exemple mis à mal lors de « circonstances exceptionnelles ».

On pourraitcependant émettre l'hypothèse selon laquelle ce sont les déplacements de la frontière entre sphère publique etsphère privée, au cours du temps, qui justifient cette nécessaire adaptation pragmatique du Droit.

Il est à bien deségards certain que les règles instaurées par le Droit ne peuvent que s'inspirer des rapports existant préalablemententre les individus, car le droit cherche naturellement à s'adapter à la société qu'il veut « réguler » : ainsi, selonLéon Duguit ou Jean Carbonnier, le droit doit-il être assez flexible pour pouvoir refléter la société et s'adapter à lamultiplicité croissante du réel.

Il est largement admis, par exemple, que la loi sur l'avortement, en France, fut renduenécessaire par une évolutions des circonstances de fait, dans un contexte de rapide libéralisation de la société.

Ledroit s'adaptant donc aux évolutions de la société pour mieux la réguler, il est manifeste que c'est la différenceentre le Droit, régissant les rapports entre les hommes dans la sphère publique, et les faits, qui fonde la nécessitéd'une nouvelle loi : le constat qu'un fait ne soit pas encore régi par le Droit mais, par son ampleur, devienne unenjeu public suffit en effet à créer la nécessité d'une légifération.

L'exemple contemporain d'Internet en est aussiune parfaite illustration : il s'y déroule des rapports d'ordre public (relations marchandes, atteinte à la vie privée,etc.) qui ne sont pas encore régi par le Droit, d'où la demande croissante de protection juridique.

Dès lors, il estmanifeste qu'une différence non dépassable (un rapport de forces inégal par exemple) intervenant dans la sphèrepublique fonde la nécessité du Droit. Dès lors, la différence fonde la nécessité du Droit au moins à trois égards : un renversement de rapport de force,une volonté commune de définir une frontière commune entre sphère publique et sphère privée et, enfin, undéplacement, précisément, de cette frontière.

Il convient cependant de distinguer le Droit des droits, et de noterqu'en aucun cas la différence ne peut fonder, i.e.

justifier en soi, un droit. En effet, tout droit qui serait fondé sur une différence, l'appartenance à un « groupe » distinct par exemple,mènerait nécessairement à des effets pervers insurmontables en cela qu'il institutionnaliserait une rupture du liensocial qui unit le peuple, en enfermant son destinataire dans sa différence.

Réclamer un droit fondé sur sadifférence, c'est d'une certaine manière renoncer à sa liberté, à sa qualité d'homme, et donc à ses devoirs vis-à-visdes autres hommes.

Nous ne sommes en effet pas des « individus », égoïstes, rationnels, et repliés sur soi, mais des« personnes », ouvertes sur les autres et sensibles à la fraternité, comme l'a notamment rappelé avec forceEmmanuel Mounier.

Ainsi, ce qui doit nous toucher, c'est bien plus nos ressemblances, notre commune « humanité »,que nos différences.

Le principe de laïcité est un bon exemple d'un tel principe de droit, fondé davantage sur uneressemblance (« laïque » renvoie étymologiquement au terme grec « laos », qui rappelle à l'unité du peuple) que surune dissemblance : la séparation des Eglises et de l'Etat, la neutralité confessionnelle de l'Etat de droit, en neprivilégiant aucune croyance par rapport à une autre, aboutissent en effet à promouvoir une intégration républicainepar la ressemblance plutôt que par les différences.

C'est même la vertu de l'école laïque que de former les futurscitoyens à l'esprit critique afin de les prévenir de tout enfermement dans la différence.

De façon plus générale, sil'on définit une « minorité » comme un « groupe » cherchant à faire reconnaître sa différence en vertu de laquelle ilserait fondé d'exiger des droits spécifiques, force est de constater, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, quetoute idée de « minorité » est absurde dans un régime républicain qui ne reconnaît que des citoyens (et non desgroupes) égaux en droits.

Dans sa célèbre décision relative à la Charte des langues régionales ou minoritaires(1999), le Conseil Constitutionnel a ainsi souligné que la République ne saurait en aucun cas conférer des droitsspécifiques à des « groupes de locuteurs de langues régionales ou minoritaires », du fait des principesconstitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français.

C'est donc biennotre ressemblance (notre humanité) bien plus que nos différences qui fonde nos droits. Il existe, de plus et de toute manière, un danger certain à reconnaître des droits fondés sur une seule différence,puisque cela revient à autoriser l'individu, ou le groupe, concerné à faire valoir ce droit devant la Justice.

Dès lors, iln'y a plus qu'un pas avant d'affirmer que l'individu aurait « intérêt » à se sentir différent, puisque dès lors que cettedifférence sera reconnue par la communauté il pourra en retirer des droits, et par-là, éventuellement, des bénéfices.Qu'est-ce en effet qu'être « différent » ? La sphère publique étant construite sur ce qui est commun (la res publica,le Droit), toute différence ne peut, en réalité et logiquement, venir que de la sphère privée.

Or, la conséquence estclaire : reconnaître un droit fondé sur une différence équivaut donc à introduire de la différence, i.e.

desconsidérations d'ordre privé, dans la sphère publique...

Ce n'est donc autre chose que de laisser aux individus le soinde définir eux-mêmes la frontière public / privé, ce qui est particulièrement vicieux car absolument sans limites.

La «judiciarisation », ou « victimisation », à l'américaine de la société est sans doute l'une des meilleures illustrationsd'une telle dérive.

Le Droit ayant de plus en plus, aux Etats-Unis, le statut d'un véritable « business »[1], c'est àl'émergence d'un « eldorado du contentieux » (Jean-Emmanuel RAY) que l'on assiste ainsi : on compte un « lawyer »pour quatre cents habitants aux Etats-Unis, soit dix-huit fois plus qu'en France, et, en l'absence de règles, le Droitse trouve soumis aux logiques de marché.

Face à la peur montante de poursuites judiciaires incessantes (McDonald's a, par exemple, été condamné à 2.700.000 $ parce qu'une femme s'était renversé un café trop chaud surelle !), tout matériel doit désormais être conçu « fool proof » pour échapper aux poursuites.

« La langue judiciairedevient ainsi, en quelque sorte, la langue vulgaire » (De la Démocratie en Amérique, 2e partie, chapitre 8) comme lesouligne Tocqueville, et force est de constater qu'en effaçant sans cesse davantage la limite entre sphères publiqueet privée, on tend à enfermer les individus dans leurs différences privées plutôt que de les dépasser par une égalitédevant le Droit, i.e.

finalement on tend à les déresponsabiliser en les encourageant à renoncer à leurs libertéspubliques.

Dès lors, la reconnaissance de droits en vertu de seules différences ne peut constituer autre chose que. »

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