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LA DISTANCIATION Montrez que vous montrez! Bertolt Brecht

Publié le 28/03/2015

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brecht

rigoureusement coordonnés, le grand théâtre a tou­jours tressé ensemble et la construction de l'illusion et la dénonciation de celle-ci. Ainsi chez Shakespeare où les scènes de « théâtre dans le théâtre « renvoient au spectateur, selon la technique de la mise en abyme, l'image du spec­tacle auquel il est en train d'assister. De même chez Claudel auquel Brecht doit beaucoup. Dans Le Soulier de satin, le dramaturge français s'amuse de toutes les conventions du théâtre, mettant à nu avec jubilation et astuce les ficelles un peu trop grosses de sa profession. Il écrit dans le texte qui précède sa pièce :

«Dans le fond la toile la plus négligemment barbouillée, ou aucune suffit. Les machinistes feront les quelques aménagements nécessaires sous les yeux mêmes du public pendant que l'action suit son cours. Au besoin rien n'empêchera les artistes de donner un coup de main. Les acteurs de chaque scène apparaîtront avant que ceux de la scène précédente aient fini de parler et se livreront aussitôt entre eux à leur petit travail prépara­toire. Les indications de scène, quand on y pensera et que cela ne gênera pas le mouvement, seront ou bien affichées ou lues par le régisseur ou les acteurs eux-mêmes qui tireront de leur poche ou se passeront de l'un à l'autre les papiers nécessaires. S'ils se trompent, ça ne fait rien. Un bout de corde qui pend, une toile de fond mal tirée et laissant apparaître un mur blanc devant lequel passe et repasse le personnel sera du meilleur effet. Il faut que tout ait l'air provisoire, en marche, bâclé, incohérent, improvisé dans l'enthousiasme ! «

 

«Montrez que vous montrez ! «, tel est en somme le même

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« @) .

La distanciation / 303 (3, p.

54-55), Brecht expose la différence entre le théâtre dramatique qu'il refuse et le théâtre épique qu'il prône: «Le spectateur du théâtre dramatique dit : Oui, j'ai sou­ vent éprouvé la même chose, moi aussi.

- Je suis ainsi.

- Cela est naturel.

-Cela est toujours ainsi.

-La souffrance de cette personne me dérange parce qu'il n'y a pas de solution pour elle.

- C'est du grand art: tout est ici exactement comme cela devrait être.

- Je pleure avec ceux qui pleurent et ris avec ceux qui rient.

Le spectateur du théâtre épique dit: Je n'aurais jamais pensé cela.

-Ce n'est pas ainsi que cela devrait être.

- Cela est très surprenant, presque incroyable.

-Cela doit s'arrêter.

- La souffrance de cette personne me dérange parce qu'il y aurait une solution pour elle.

- C'est du grand art: rien n'est ici comme cela devrait l'être.

- Je ris avec ceux qui pleurent, et je pleure avec ceux qui rient.» En un mot, alors que le théâtre dramatique vise, par le biais de l'identification, à faire accepter au spectateur le monde tel qu'il est, le théâtre épique vise par le biais de la distan­ ciation à lui faire refuser ce monde pour agir politiquement en vue de le transformer.

Ainsi dans l'une de ses plus célèbres pièces, Mère Courage, Brecht met-il en scène une femme victime de la guerre afin que nous-mêmes, dans la salle, nous prenions conscience de ce que les personnages mis en scène ne semblent pas com­ prendre: la guerre n'est pas une fatalité, les hommes doi­ vent refuser de la faire.

Barthes, qui fut un grand admirateur de Brecht, explique dans l'un de ses Essais critiques l'effet produit par la pièce sur le spectateur : «Pour Brecht, la scène raconte, la salle juge, la scène est épique, la salle est tragique.

Or cela, c'est la définition même du grand théâtre populaire.

Prenez Guignol ou Mr.

Punch, par exemple, ce théâtre surgi d'une mytho­ logie ancestrale: ici aussi, le public sait ce que l'acteur ne sait pas; et à le voir agir d'une façon si nuisible et stu­ pide, il s'étonne, s'inquiète, s'indigne, crie la vérité,. »

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