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La durée et la conscience de BERGSON

Publié le 09/01/2020

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conscience

Comment saisissons-nous notre propre personne dans le temps ? Un regard superficiel voit dans l'écoulement du temps en moi une Juxtaposition d’états distincts alors qu'un autre regard, résultat d’un effort intérieur, accède au moi qui dure, bien différent du premier.

Quand je promène sur ma personne, supposée inactive, le regard intérieur de ma conscience, j’aperçois d’abord, ainsi qu’une croûte solidifiée à la surface, toutes les perceptions qui lui arrivent du monde matériel. Ces perceptions sont nettes, distinctes, juxtaposées ou juxtaposables les unes aux autres ; elles cherchent à se grouper en objets. J’aperçois ensuite des souvenirs plus ou moins adhérents à ces perceptions [...]. Ces souvenirs se sont comme détachés du fond de ma personne, [...] ils sont posés sur moi sans être absolument moi-même. [...] Tous ces éléments aux formes bien arrêtées me paraissent d’autant plus distincts de moi qu’ils sont plus distincts les uns des autres. Orientés du dedans vers le dehors, ils constituent, réunis, la surface d’une sphère qui tend à s’élargir et à se perdre dans le monde extérieur. Mais si je me ramasse de la périphérie vers le centre, si je cherche au fond de moi ce qui est le plus uniformément, le plus constamment, le plus durablement moi-même, je trouve tout autre chose.

C’est, au-dessous de ces cristaux bien découpés et de cette congélation superficielle, une continuité d’écoulement qui n’est comparable à rien de ce que j’ai vu s’écouler. C’est une succession d’états dont chacun annonce ce qui suit et contient ce qui précède. À vrai dire, ils ne constituent des états multiples que lorsque je les ai déjà dépassés et que je me retourne en arrière pour en observer la trace. Tandis que je les éprouvais, ils étaient si solidement organisés, si profondément animés d’une vie commune, que je n’aurais su dire où l’un quelconque d’entre eux finit, où l’autre commence. En réalité, aucun d’entre eux ne commence ni ne finit, mais tous se prolongent les uns dans les autres.

C’est, si l’on veut, le déroulement d’un rouleau, car il n’y a pas d’être vivant qui ne se sente peu à peu arriver au bout de son rôle ; et vivre consiste à vieillir. Mais c’est tout aussi bien un enroulement continuel, comme celui d’un fil sur une pelote, car notre passé nous suit, il se grossit sans cesse du présent qu’il ramasse sur sa route, et conscience signifie mémoire.

H. Bergson, La Pensée et le mouvant, Éd. Skira, 1946, pp. 176-177.

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« POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE Le prem ier regard porté sur ma personne, simplement superfic iel, comme si j'observais un étrange r, décè le dans ma vie intérieu re une success ion d'états de conscience - pe rceptions et souvenirs -.dist incts les uns des autres, comme des ob jets aux formes fixes, comme des fantô mes de moi -mê me.

En revanche, si je me « ramasse » sur mo i­ même au prix d'un effort d'intuition , j'aperçois une conti­ nuité viv ante qui ne se laisse pas découper en insta nts mais forme au contrai re le flux unifié d'une durée .

On remarquera que c'est paradoxa lement cette conti­ nuité mouvante qui es t la conditio n de l'identité véri table : la stabi lité du moi procède de son pouvo ir de change ment.

La vie du sujet est une étoffe temporelle animée d'une pu l­ sat ion et d'un rythme qu'assu rent le prolongement du passé dans le présent et la poussée du présent dans l'ave­ nir.

La vie n'est donc pas simplement un parcours linéa ire qui conduit inexorab leme nt à la mort ma is la tens ion d'un deveni r qui s'enf le de poss ibles à mes ure qu'il se dérou le.. »

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