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La « foi » de la mauvaise foi dans L'Etre et le Néant - 1re partie, chapitre II - Sartre (commentaire)

Publié le 03/01/2020

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On a vu que croire, ce n’est pas savoir : il y manque la certitude objective, il y subsiste donc une incertitude objective. Si cette incertitude objective est au fond de toute croyance, on comprend que la croyance soit une détermination faible de la conscience : croire, c'est penser probable que... (Cf. l’exemple de Sartre : je crois que Pierre est mon ami, mais je n'en sais rien.)

Mais en même temps, la croyance est certitude subjective : on a vu que croire, c’est se sentir certain de ses raisons de croire, puisque c’est croire qu’on doit croire à elles. Et c’est là que la croyance est une détermination absolue, beaucoup plus forte que le savoir même : c’est qu’on peut très bien savoir sans se faire un devoir de savoir. Au contraire, on ne peut pas croire sans s’en faire un devoir (cf. l’exemple de Sartre : « Mon Dieu; je crois en vous »).

La croyance est donc simultanément une détermination faible et forte. Elle se veut d’ailleurs d'autant plus forte subjectivement qu’elle se sait objectivement plus faible. Quoi qu’il en soit, la croyance se sait croyance, elle se saisit comme telle, puisque, on l’a vu, toute activité de la conscience (comme l’est la croyance) est en même temps conscience d'elle-même comme activité : toute croyance est donc conscience (de) croyance. Mais qui dit conscience dit dépassement, arrachement à soi : la croyance, comme acte de conscience, est donc condamnée à se mettre à distance d’elle-même, à devenir autre, c’est-à-dire à n’être pas croyance. Exactement comme la conscience de l’innocence défigure l’innocence, ou la conscience de la joie ternit la joie, la conscience de croyance démotive la croyance, la met à plat et la révèle pour ce qu’elle est : un désir de justification de soi maquillé en volonté d’honorer ce qui n'est pas soi. Toute croyance, comme transcendance, se détruit donc elle-même. 

Cette troisième partie, brève et dense, est d’une grande difficulté : un effort tout particulier est exigé ici du lecteur, effort que le commentaire qui suit espère faciliter. Comme on vient de le voir, Sartre concentre ici son analyse sur le type de « foi » à l’œuvre dans la mauvaise foi. (Notons que les concepts de « foi » et de « croyance » sont tenus pour synonymes par Sartre ici.)

Le menteur ne se croit pas lui-même ; l’homme de mauvaise foi, si

Sartre revient sur sa distinction initiale (première partie) entre mensonge et mauvaise foi (mensonge à soi) pour établir que l’originalité de la mauvaise foi tient en ce qu'elle est acte plus ou moins volontaire de foi. Examinons : Pour me sortir d’embarras, j’ai toujours le choix entre le mensonge et la mauvaise foi. Qu’est-ce qui sépare donc un mensonge grossier d’une justification de mauvaise foi ?

La différence réside dans le fait de se croire ou non, d’ajouter intimement foi ou non à ce que l'on énonce.

Mais qu’est-ce que se croire ? Quelle est cette foi ?

- Car le menteur ne se croit pas lui-même (comme on l’a vu dans l’explication par Sartre du mensonge comme « conduite de transcendance ») : il reste à distance des contenus qu’il communique, il n’y adhère pas et le sait. 

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« transcendance normale de la conscience et son dédouble­ ment réflexif (c'est-à-dire sa capacité à se représenter ses propres contenus, par la réflexion, et donc à les circons­ crire, à réprimer ou affermir leur élan propre) suffisent à rendre possible cette mise à distance intérieure propre au menteur: la crédibilité finale de l'énoncé mensonger, et même la plus ou moins grande faiblesse des moyens mis en œuvre pour·convaincre autrui, n'influent en rien sur cette transcendance intime qui permet le mensonge.

On peut toujours penser sans y croire ce que l'on veut faire croire.

La seule foi du menteur est en dehors de lui, elle est cette foi incrédule à provoquer en autrui.

-L'homme de mauvaise foi, lui, se croit.

A demi, cer­ tes, mais c'est normal: .toute croyance, comme Sartre le montre, n'est qu'à demi croyance.

Il se croit, c'est-à-dire: il a irrésistiblement foi, si minime soit-elle, en ce qu'il s'entend dire.

Si l'on assimile mauvaise foi et mensonge à soi, il s'ensuit un constat surprenant : celui qui ment à autrui ne se croit pas.

Mais celui qui se ment à lui-même se croit lui-même.

Est de mauvaise foi la conscience qui, se mentant à elle­ même, se croit Mais quel est le but ? Quel est le moyen ? se mentir ? se croire? On ne peut pas dire que se mentir soit un but.

On ne se croit donc pas pour se mentir.

.

Ce que la conscience de mauvaise foi veut obtenir, en se mentant, c'est de pouvoir se croire (ou ce qu'elle veut éviter, c'est de se retrouver dans la situation de ne pas pouvoir se croire).

Ce que la conscience recherche donc dans sa mauvaise foi, c'est de pouvoir croire en elle-même; elle cherche cette adhésion intime au prix de se mentir, c'est-à-dire d'user de moyens qui la laissent elle-même sceptique, incrédule.

La mauvaise foi est donc une attitude de croyance, au sens fort : l'homme de mauvaise foi est prêt à faire passer sa pensée par des étapes qui ne le persua- 39. »

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