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La formation de l'esprit scientifique

Publié le 09/10/2011

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L'étude des sciences à l'école constitue souvent une source d'angoisse pour les élèves, et s'avère être à l'origine de nombreux échecs. Mais qu'est-ce qui fait la difficulté de l'étude des sciences ? Est-ce la difficulté intellectuelle intrinsèque de ces disciplines, leur grand formalisme, l'esprit de rigueur qu'elles nécessitent ? C'est le problème auquel s'attaque ce texte de Bachelard que nous devons expliquer, et nous verrons que l'auteur propose une réponse moins habituelle à cette question des raisons de l'échec dans l'étude des sciences.  Effectuant d'abord le constat d'un manque de souci pédagogique, lequel empêche de comprendre la raison des incompréhensions par les élèves, et pointant le préjugé pédagogique à l'origine de cette ignorance, Bachelard avance ensuite sa thèse qui réside dans la notion d'obstacle épistémologique que nous nous efforcerons d'éclaircir. Nous examinerons enfin la pertinence et les limites de la réponse apportées par l'auteur à cette question initiale.

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« qui constituent pour lui un monde globalement cohérent.

Comme le dit W.

James, qui a consacré beaucoup de saréflexion à la psychologie : " L'individu possède déjà tout un ensemble d'opinions, lorsqu'une expérience nouvellesurvient ".

Et donc que pour un esprit, apprendre, ce n'est pas passivement recevoir des données, mais surtoutconfronter aux savoirs qu'il a déjà sur la question, comparer, réorganiser, afin que la cohérence globale soit toujoursassurée, et cela sous l'égide de la loi de " l'économie de pensée ".

Ici, en ce qui concerne l'apprentissage dessciences, Bachelard insiste donc pour dire qu'il est parfaitement vain de croire que la simple répétition indéfinie d'uneleçon permettra à l'élève de la savoir – parce que si elle ne se " grave pas ", c'est que quelque chose y faitobstacle.

Et que tant qu'on n'aura pas levé cet obstacle, on pourra toujours indéfiniment butter contre lui sansavancer d'un pouce.

Pour reprendre l'idée énoncée par James en effet, on n'apprend bien que ce qu'on a compris.

Etcomprendre signifie " prendre avec soi ", c'est-à-dire rendre cohérent avec ce qu'on savait déjà.

Mais si unereprésentation en moi est incompatible avec la nouvelle qui se présente, je ne pourrai jamais " comprendre " cettedernière, puisqu'elle est inassimilable, s'opposant directement à celle qui est implantée en moi.

Et si je ne comprendspas, alors je n'apprend pas.

Car on sait que ce qui n'est pas assimilé peut bien être ânonné quelques temps, maisque la mémoire a vite fait de se débarrasser de ce poids mort.Ainsi, pour l'auteur, il est clair que ce sont des obstacles internes à la pensée des élèves qui empêchent lacompréhension.

Il va maintenant s'attacher à les décrire. L'obstacle pédagogique est désigné nettement à la ligne 9 : il s'agit " des connaissances empiriques déjà constituées" chez les élèves.

Par " empiriques ", il faut entendre : acquises par expérience, par l'expérience quotidienne.

Car defait, il est évident que tout un chacun a déjà observé par le simple fait de vivre dans le monde toutes sortes dephénomènes physiques – c'est même là l'apprentissage fondamental qui se fait dès la naissance par le simplefait de percevoir.

Or, on sait que dans le phénomène même de la perception, il y a un " début de science " comme ledit le philosophe Alain, c'est-à-dire que notre entendement interprète d'une certaine manière les données des sens.Quand nous percevons le soleil, nous ne nous attachons pas au simple fait que nous avons une brûlure dansl'œil, mais nous interprétons cette douleur comme provenant de cette boule jaune éblouissante, laquelle estpensée comme étant à une certaine distance (quelques dizaines de kilomètres à vue de nez ?...), commeaccomplissant un parcours dans le ciel d'Est en Ouest pour aller se coucher derrière l'horizon.

Voilà un exemple dereprésentation spontanée qui, comme chacun sait, a produit la théorie géocentrique de l'univers (la Terre penséecomme étant au centre).

Alors on peut comprendre que la théorie Copernicienne de l'héliocentrisme (la Terretournant autour du soleil) ait pu être difficile à accepter et assimiler, dans la mesure où elle s'opposait auxexpériences immédiates, où elle contredisait l'idée initiale que la Terre ne bougeait pas (puisqu'on ne la sent pasbouger), etc.

On pourrait multiplier les exemples de ces obstacles pédagogiques, où les vérités établies par lascience sont difficilement assimilables parce qu'elles heurtent les représentations spontanées issues de l'expériencequotidienne.

Alors qu'on pense spontanément que si les corps flottent, cela est dû à une qualité qui leur seraitinterne, on se représente plus difficilement que le responsable de ce flottement est le volume d'eau soulevé parl'immersion du corps, et qui exerce alors une pression vers le haut sur ce corps, conformément au principed'Archimède.

Une sorte d'illusion d'optique nous fait penser que l'eau de la mer se propage horizontalement dans lesvagues, alors qu'il s'agit d'un phénomène ondulatoire qui soulève cette eau verticalement seulement.

Mais si nouspouvons encore " corriger " ces représentations parce que là, il s'agit de la science dite " classique ", qui n'est pastrès éloignée de nos représentations premières, que dire de ces formules d'Einstein et de la théorie de la Relativité,qui disent que le chemin le plus court entre deux points n'est pas une ligne droite, qu'un corps vieillit plus ou moinsvite en fonction de sa vitesse, et qu'en fonction d'elle encore, sa masse est plus ou moins grande ? Ceci est pour lecoup tellement contre-intuitif qu'à coup sûr, s'attacher à nos représentations habituelles constitue un obstaclemajeur pour comprendre la physique contemporaine.Bachelard conclut alors son texte en disant qu'il s'agit alors non pas " d'acquérir une culture expérimentale, mais dechanger de culture expérimentale ".

Non pas acquérir donc, puisque nous en avons déjà une.

Et ne pas acquérir uneculture expérimentale " à côté " de celle qui nous avions déjà, en laissant celle-ci en l'état – car elles sontincompatibles.

Mais bien d'en changer, ce qui implique de revisiter systématiquement notre première cultureexpérimentale.

Par conséquent, pour Bachelard, il ne faut pas ignorer, négliger les erreurs que commettent lesétudiants en science, pour imposer à côté la " vraie science " - mais il faut partir de ces erreurs, pour les corriger,afin d'aménager un terrain propice à l'apprentissage des acquis scientifiques.

Mais il y a cependant une ambiguïté,parce que Bachelard semble introduire une rupture dans la culture scientifique, il semble qu'il faille dépasser, et doncoublier, les constructions effectuées dans le quotidien, pour sauter d'emblée dans la manière scientifique depenser… Que veut dire ce "changer de culture expérimentale"?On peut comprendre aussi ce " changement de culture expérimentale " en disant qu'il faut passer de la culture del'expérience à la culture de l'expérimentation.

Le premier, l'expérience, implique une certaine passivité, le simple faitde rencontrer (comme on fait l'expérience de la douleur, de l'amour, etc.), tandis que le second correspond à ladémarche raisonnée en science ; dans une expérimentation, on met un phénomène à l'épreuve, en ayant élaboréune hypothèse qu'il s'agit alors de tester.

Cette démarche est réfléchie, et en tant que telle ne laisse plus de placepour les illusions consubstantielles à la connaissance immédiate. Document demandé:http://www.devoir-de-philosophie.com/commentaire-bachelard-pedagogie-sciences-obstacle-epistemologique-7618.html. »

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