Devoir de Philosophie

La justice peut-elle être inégalitaire ?

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Que la justice puisse devenir inégalitaire présuppose qu'en son concept la justice est égalitaire. Or ce postulat n'a rien d'évident. Le plus souvent on assimile la justice à l'égalité, on la fige par cette définition. Or ici la justice s'entend en un sens dynamique, puisque l'on admet qu'elle engendre l'égalité entre les personnes. La question nous invite à aborder la justice sous un angle original. L'interrogation ne porte pas sur l'essence de la justice, sur ce qu'est la justice en tant que telle. Elle suggère d'envisager la justice plutôt par les effets qu'elle produit. Rien ne sert donc de raisonner sur le concept abstrait de justice. Il faut s'intéresser à la justice telle qu'elle s'exerce. En remontant de l'effet à la cause, nous pourrons obtenir peut-être de savoir ce qui la spécifie. Faire de la justice le sujet d'un processus égalitaire, revient à la situer d'emblée dans le cadre de la pensée politique. En dehors de la justice divine, qui ne vaut que pour les croyants, il reste la justice des hommes, qui s'exerce matériellement par l'intermédiaire du pouvoir politique. Admettons - ce qu'il faudra discuter - que la justice vise l'égalité entre les hommes. Comment deviendra-t-elle inégalitaire ? Comment comprendre que la justice puisse s'écarter d'elle-même, et se renverser en son contraire ? De deux choses l'une : - Si la justice crée des inégalités, elle produit donc des effets contraires à sa nature, ce qui n'a pas de sens, sauf à entendre qu'il y a usurpation et qu'en définitive l'injustice s'est parée indûment des vêtements de la justice. Cela n'a plus alors aucune signification de se demander si la justice peut devenir inégalitaire. Que la justice dégénère et se transforme en injustice, voilà les nouveaux termes de la question. La justice peut-elle virer à l'injustice et se corrompre elle-même ? - On peut concevoir aussi bien que la justice génère des inégalités sans pour autant qu'elle ne devienne injuste. Et c'est là au fond le problème principal. Nous sommes habitués à croire que toute inégalité traduit une forme d'injustice. Nous n'imaginons pas qu'il puisse exister des inégalités justes. C'est que nous tirons nos conclusions avec trop de hâte. Car de quelles inégalités parlons-nous ? Des inégalités de droit, ou des inégalités sociales et économiques ? Toute la difficulté naît de l'interférence de ces deux concepts radicalement distincts. Ainsi notre problème initial en dissimule un autre plus profond, celui de la justice sociale. La justice politique (l'égalité des droits) est-elle compatible avec la justice sociale ? (l'égalité dite réelle ou économique) ? Nous nous réclamons tous, peu ou prou, de l'article 1 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui nous rappelle que « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit». Mais quel prix devons-nous payer aujourd'hui, si tout en même temps nous faisons profession de vouloir réduire les inégalités sociales et économiques qui creusent le fossé entre les riches et les pauvres ?

 

L'idée de justice implique une égalité de traitement entre deux personnes. Mais, s'il est juste de prendre en compte les particularités de chacun, alors un traitement inégal peut être juste. Ce sont en fait les critères de ce choix qui peuvent ou non être justes.

 

« fossé entre les riches et les pauvres? 1.

Justice et loi 1.

Avant de savoir si la justice institue l'égalité, ou au contraire introduit des inégalités entre les hommes, il fauts'interroger sur la condition naturelle de l'homme.

Or il est de fait que chacun naît avec des aptitudes variablesquant au physique et à l'intelligence.

Nous ne décidons pas par exemple de notre constitution corporelle.

Il y a doncsans nul doute une inégalité naturelle entre les hommes, car chaque individu est un être à part entière qui diffèredes autres.

La nature répartit les qualités entre les hommes sans discernement.

Le hasard règne en maître absolu.Cela dit, cette façon de voir est bien rapide.

On peut estimer que les inégalités naturelles sont minimes, qu'il y a unecertaine uniformité entre les hommes tels qu'ils sortent des mains de la nature.

Il n'existe à la naissance que desvirtualités sur lesquelles on ne peut établir que de vagues conjectures.

C'est la vie en société, la culture, quisollicitent les facultés qui sommeillent en l'homme.

Voilà pourquoi selon Rousseau «la différence d'homme à hommedoit être moindre dans l'état de nature, que dans l'état de société» (Discours sur l'inégalité).

La société accroît parl'éducation les différences qu'il peut y avoir initialement entre les hommes.

Et ces différences créent des inégalités.L'erreur en la matière, dénoncée par Rousseau, vient de ce que «plusieurs différences passent pour naturelles quisont uniquement l'ouvrage de l'habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent en société ».

Et ladifficulté n'est pas mince, en effet, de démêler en l'homme ce qui revient à la nature et à la société.Ce qui signifie que dans l'état de nature, il y a des différences qui n'entraînent aucune inégalité notable.

Unedifférence se transforme en inégalité lorsqu'elle constitue un handicap, lorsque donc elle crée entre les hommes unrapport de domination.

A quoi sert-il d'avoir plus d'esprit ou plus d'habileté et de force qu'un de nos semblables, side ce déséquilibre ne naît aucune dépendance d'un homme vis-à-vis d'un autre? Bref, il n'y a pas à proprementparler d'inégalités dans l'état de nature, puisqu'elles y sont sans influence.

2.

Avec le développement de la culture, les inégalités vont inévitablement se creuser.

La société révèle desinégalités naturelles qui entraînent à leur tour des inégalités sociales et économiques.

Dès lors la justice a pourtâche d'instaurer une égalité de droits entre les personnes.

L'égalité devant la loi matérialise la justice politique.

Parla loi, les hommes sont rendus égaux.

Ce qui ne veut pas dire que la loi égalise les situations sociales.

Les richesseset les talents se répartissent inégalement.

Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que nul ne pourra se prévaloir de sesrichesses pour exiger d'échapper à la loi commune.

Le plus riche aura les mêmes droits que le plus pauvre, sarichesse ne lui conférant pas de prérogative particulière.L'égalité devant la loi a pour but de désamorcer le processus par lequel les inégalités sociales et économiquesengendrent une dépendance des moins bien lotis à l'égard des plus fortunés.

Ce en quoi elle fonde la liberté.

Leshommes ne sont libres que lorsqu'ils dépendent des lois, et non d'autres hommes.La justice est donc par essence égalitaire.

Elle installe dans letissu social des droits qui, parce qu'ils sont identiques pour tous, interdisent de commettre impunément desinjustices.

Dès lors, comment concevoir que la loi puisse favoriser des inégalités, sans devenir injuste? En d'autrestermes, peut-on parler de lois injustes, sans contradiction, en conservant au mot loi son sens propre? 3.

On peut partir de la définition de la loi qu'on trouve dans l'article 6 de la Déclaration de 89, et qui est unemprunt direct au Contrat social de Rousseau (livre II, chap.

6): «La loi est l'expression de la volonté générale.» Iln'y a donc de loi que «lorsque tout le peuple statue sur tout le peuple », c'est-à-dire «lorsque la matière sur laquelleon statue est générale comme la volonté qui statue ».Ainsi la loi ne s'applique jamais aux personnes prises nommément.

Car si tel était le cas, la volonté ne serait plusgénérale par rapport à son objet.

Le peuple ne peut décider justement que de ce qui le concerne, sur tout autreobjet il ne saurait être juste.

La loi «perd de sa rectitude naturelle lorsqu'elle tend à quelque objet individuel etdéterminé, parce qu'alors jugeant de ce qui nous est étranger, nous n'avons aucun vrai principe d'équité qui nousguide» (Du contrat social, livre II, chap.

4).De ces remarques, il suit deux conséquences.

La première c'est que nul ne sera au-dessus des lois, puisque le Princedoit être lui-même membre de l'État.

La seconde, c'est que par essence toute loi sera nécessairement juste, pourautant que l'on admet que le peuple ne peut être injuste envers lui-même.Tant que la souveraineté appartient au peuple, les lois sont justes, car elles sont lois.

L'égalité entre les individusest préservée.

Mais s'il arrive qu'il se crée une différence entre le souverain et le peuple, la loi ne sera plusuniverselle dans son but comme dans son principe.

Elle portera sur un objet d'intérêt particulier.

Elle ne s'appliqueradonc pas de la même façon pour tous.

Certains bénéficieront de régimes de faveur, ce qui produira inévitablementdes inégalités.De telles décisions ne méritent pas le nom de loi.

Ou, parce qu'elles sont effectivement édictées, on conviendra dedire qu'il y a légalité, mais non légitimité, puisqu'il n'y a de lois légitimes, que celles que le peuple reconnaît.

Lajustice ne devient donc inégalitaire que lorsqu'elle n'est plus la justice. 2.

La justice sociale 1.

La loi institue une égalité de droit entre les individus.

Certes, mais cela n'implique nullement une égalité réelle.Il n'y a rien dans la Déclaration de 89 qui interdise aux citoyens, de s'enrichir.

Le principe politique de la justice,c'est l'égalité juridique.

Celle-ci rend possible la liberté, car nul n'exerce un pouvoir sur moi, que je n'exerce à montour sur autrui.

Envisagé de la sorte, l'État n'a pas d'autre but que de garantir la liberté.Se pose alors la question de savoir si cette justice n'est pas l'ouverture à l'injustice sociale? Tous seront égauxdevant la loi, mais il y aura des inégalités de richesses qui iront en s'accentuant.

Or si ces inégalités deviennent trop. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles