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La liberté d'expression peut-elle menacer l'ordre public?

Publié le 19/03/2005

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Certains hommes politiques jouent sur la peur du désordre, soigneusement entretenue, pour tenter de restreindre telle ou telle forme de liberté. Bien entendu, dans le discours apparent, la liberté, comme la sécurité, reste une valeur de référence – mais la pratique effective est bien différente. Le cas le plus extrême d'une telle attitude est celui des dictatures, où le culte de l'ordre sert à justifier l'atteinte aux libertés les plus élémentaires, dont la liberté d'expression. Par-delà les faux-semblants, une question très réelle se pose : la liberté d'expression constitue-t-elle réellement une menace pour l'ordre public ?

« II.

La liberté d'expression est conciliable avec l'ordre public A.

Kant, dans Qu'est-ce que les Lumières ? distingue entre l'usage privé de sa liberté d'expression et l'usage public.

Il essaie ainsi de concilier le maintient de l'ordre public et la liberté d'expression.

Comme letitre de l'opuscule l'indique, Kant tente d'analyser à quoi correspond le mouvement des Lumières, dont ildit que c'est comme une sortie de l'homme de sa minorité : l'homme est désormais capable de penser parlui-même, et la maxime « sapere audere » est enfin appliquée : il « ose penser ».

Néanmoins, pour que l'ordre public soit maintenu, il faut une limite.

Kant explique donc que, dans le cadre de sa fonction, lecitoyen a une parole publique dont il ne dispose pas librement : un prêtre par exemple n'est pas dans sondroit si, dans le cadre d'un sermon qu'il fait en tant que prêtre, il critique l'interprétation officielle destextes sacrés.

Par contre, rien ne l'empêche, en tant que personne privée, d'écrire ses pensées et de lespublier, quitte à remettre en question les interprétations canoniques. B.

Spinoza : au chapitre XX du Traité théologico-politique établit une autre distinction, qui pourtant se rapproche beaucoup de celle de Kant dans son principe : lescitoyens sont bel et bien en droit de dire et de penser ce que bon leur semble, mais non de faire ce que bon leur semble.

La raison principale de cette liberté de pensée et d'expression, consiste enune impossibilité de fait de contrôler la pensée des gens : aucunÉtat, si fort soit-il ne pourra empêcher chacun de penser.

Autant,donc le permettre, mais sauvegarder l'ordre public en mettant unebarrière : celle de la nécessité d'appliquer la loi et d'obéir auSouverain. C.

Pourtant, on peut se demander dans quelle mesure alors la liberté d'expression garde alors vraiment toute sa force et toutson intérêt.

Distinguer la parole privée et la parole publique, n'est-ce pas en fin de compte rendre la parole privée bien vaine, ou ôtertoute crédibilité à la parole publique ? que penser des dires d'unhomme qui prêche une chose dans sa paroisse et écrit le contrairedans ses livres ? sa parole publique a-t-elle encore la moindrevaleur ? sa parole privée a-t-elle un poids quelconque ? et enretour, n'est-il pas illusoire de penser que l'on peut agir d'une partet penser de l'autre ? la nécessité de l'agir ne risque-t-il pas de venir contaminer la pensée ? Transition : trouver le juste milieu semble donc délicat, car tenter de garder la liberté d'expression tout en lui ôtant tout pouvoir de menacer l'ordre public, c'est la vider de sa substance.

Reste à savoir si la menace de l'ordre publicque représente la liberté d'expression n'est pas, paradoxalement, nécessaire à sa légitimité et à sa pérennité. III. La liberté d'expression est la condition de l'ordre public A.

Le philosophe Alain dans le Propos d'un Normand du 4 septembre 1912 écrit que tout le secret pour le citoyen consiste dans le fait de savoir « résister en obéissant ».

Comment faut-il entendre cette expression paradoxale ?reprenons l'exemple que nous donne Alain : les officiers qui appliquent directement l'ordre de leurs supérieurs, c'est-à-dire ceux qui obéissent sans opposer la moindre résistance sont aussi, selon lui, les premiers à ne plus appliquerles ordres lorsque leur supérieur est absent.

Si l'ordre public est maintenu automatiquement sans que le citoyen oule soldat ne s'interroge sur la légitimité de celui-ci, le pouvoir est certes assuré, et l'ordre maintenu, mais seulementde façon arbitraire et superficielle ; au contraire, nous dit-il, celui qui résiste (et par là il faut entendre celui qui a unregard critique sur les ordres, qui les interroge, les remet en question) est aussi le plus souvent celui qui fait sondevoir aussi bien en présence qu'en absence du chef.

En effet, ce n'est pas parce que le chef est là qu'il obéit.

Cen'est donc pas non plus parce que le chef s'est absenté qu'il désobéit.

Dans cette perspective, la libertéd'expression soutenue par la liberté de penser ne fragilise l'ordre public que de manière superficielle, en en révélantle caractère contractuel.

Mais en réalité, c'est ainsi que l'ordre public peut être maintenu à long terme, en raisond'une intériorisation par le citoyen de la notion de devoir. B.

C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre les débats autour de la loi Gayssot de 1990 concernant le négationnisme : elle s'appuyait sur l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme, qui stipule que « les opinionssont libres, mais leur manifestations ne sont libres que dans la mesure où elles ne gênent pas l'ordre social.

» Cetteloi visait à interdire les écrits négationnistes, au nom du maintient de l'ordre public et pour éviter les affrontementsviolents qui pourraient suivre de telles affirmations.

Tout d'abord, précisons qu'il ne faut pas assimiler une telle loi àde la censure : il y a censure lorsque l'on est obligé de demander l'autorisation avant de publier quelque chose.

Par contre, selon cette loi, on est libre de publier, mais on est responsable de ces écrits.

Or, la loi Gayssot a donné lieuà de nombreuses controverses, dont les historiens de professions sont les principaux acteurs.

On lui a reproché devenir contrarier non seulement le travail de recherche de tout historien (celui-ci peut être poursuivi pour avoirpublier des recherches qui ne vont pas dans le même sens que les autres recherches connues sur un sujet, alors. »

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