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La liberté est-elle le plus précieux bien ?

Publié le 22/02/2012

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Le bonheur constitue, Toutes les fins et tous les biens que nous visons sont donc relatifs au bonheur alors que le bonheur n'est point, à son tour, relatif à une autre fin -à un autre bien-, qui serait supérieure à lui. Si la fin suprême universellement visée est clairement identifiée, aussi indéterminée puisse-t-elle être intrinsèquement ou en elle-même, les moyens pour y parvenir, c'est-à-dire les actions mises en ½uvre effectivement, varient sans doute grandement d'un individu à l'autre. Toutefois, la question posée demande seulement si, au sein des biens humains, qui sont divers et en compétition les uns avec les autres, la liberté, et non le bonheur est notre plus grand bien. La liberté est-elle alors à même de ravir au bonheur la place enviée, et traditionnelle, de plus grand bien, ou bien faut-il considérer que la liberté, sans être le bien parfait, est une condition indispensable pour être heureux? Dans ce dernier cas, la liberté serait le bien sans lequel nous ne pourrions atteindre le bonheur: elle serait alors, somme toute, u~ bien privilégié, sans être jamais le bien suprême. Il s'agira de répondre au problème qui vient d'être posé, en gardant à l'esprit l'ambivalence de l'idée de liberté. Il n'est pas, par exemple, certain du tout que la liberté comprise comme liberté totale, ou licence, puisse conduire au bonheur, ni, d'ailleurs, qu'elle soit vraiment en mesure d'entrer jamais en concurrence avec le bonheur.

« varier les plaisirs en satisfaisant un désir naturel et non nécessaire (le désir, par exemple, de manger un plat luxueuxcomme de la langouste) mais il ne faut pas croire que le plaisir procuré par la satisfaction d'un tel désir sera plusintense ou plus fort que celui qu'apporte un simple verre d'eau à l'homme qui a soif.

S'il est une ascèse chez Epicure,elle tient à l'effort de discipline concernant les désirs mais c'est une ascèse qui ne conduit pas à l'ascétisme,ascétisme qui commanderait de lutter contre tous nos désirs et toutes nos tendances.

Avec la satisfaction desdésirs naturels et nécessaires, se donne à nous le plaisir dans sa pleine intensité.

On remarquera donc que lebonheur ataraxique consiste pour le sage à s'approprier cet état de quiétude sans manque et se fonde sur sa libertéautarcique.

Dira-t-on, avec les Cyrénaïques et contre Epicure, que le bonheur du sage épicurien est un étatapathique, un état de cadavre et que le bonheur en question n'est en fait qu'un état négatif, une simple absence detrouble? En vérité, le plaisir (et le bonheur à sa suite) n'est pas une simple absence de douleur mais il survientlorsque cesse la douleur: la plénitude du plaisir coïncide avec la disparition de la souffrance mais ne se confond pasavec elle.

On le voit, l'approche épicurienne, tout comme celle des Stoïciens, est profondément liée à l'idée desagesse.

Une telle idée n'est-elle en fait pas un vain idéal, un idéal, somme toute, périmé? En outre, toutes lesréflexions conduites ont tendu à avaliser l'idée selon laquelle c'est le bonheur, non point la liberté, qui est notre plusgrand bien: la liberté sert le bonheur, sans le supplanter jamais.

C'est bien, à présent, l'idée de bonheur qui doitrequérir toute notre attention.L'idée d'un bonheur objectif, d'un bonheur qu'on pourrait référer à une norme qu'incarnerait le sage doit-elle s'effacerau profit d'un simple évitement de la douleur, qui serait alors notre plus grand bien? Qu'en est-il, plus largement, desrapports entre le bonheur et la vertu? Si pour les Grecs, pour les Anciens, donc pour Epicure et pour la traditionstoïcienne, vertu et bonheur l'exigent mutuellement, la chose n'est plus de mise pour nous qui sommes, que nous levoulions ou non, des Modernes.

Il est fréquent de remarquer qu'un homme honnête, courageux, tempérant et loyalpeut vivre une existence triste, alors qu'un assassin peut connaître une vie qu'on pourrait qualifier d'heureuse.

Unexemple simple suffit à nous faire comprendre ce point.

Gustav Wagner est un nazi qui déclare avoir été untortionnaire heureux.

Les atrocités qu'il a pu commettre dans les camps de concentration, les tortures et lesmeurtres qu'il a perpétrés n'ont engendré en lui aucun sentiment de remords, ou de mauvaise conscience.

Plustroublant encore: il semble admettre avoir trouvé du plaisir à ce qu'il faisait, considérant sans doute que ses actionsétaient justes au regard de l'idéologie hitlérienne qu'il servait.

Si l'on se refuse à contester de telles déclarations (enconsidérant, par exemple, que Gustav Wagner ne peut pas être aussi heureux qu'il prétend l'être, que son discoursest celui d'un fou), alors il devient possible de se demander si le bonheur est véritablement ce qui donne sens etvaleur à une vie humaine, s'il est notre plus grand bien.

Ce soupçon, caractéristique de la Modernité, pourraitconduire, a contrario, à tenir la liberté comme notre plus grand bien- restera alors bien entendu à déterminer dequelle sorte de liberté il pourrait s'agir.

Considérons, pour tirer au clair ce point, deux attitudes.

Si l'on vit à proximitéde lieux où sont commis des crimes atroces, va-t-on choisir le bonheur que l'on connaît par hypothèse, c'est-à-direcette vie fort tranquille, éloignée qu'elle est de trop grands soucis et de trop grands tracas, ou bien va-t-on choisirla vérité? Va-t-on, autrement dit, se taire pour poursuivre un bonheur égoïste, ou bien va-t-on révéler ce qui setrame, voire agir (si tant est que cette parole de vérité n'est point déjà comme telle une action) et tenter de sauverles misérables? La vie vraiment humaine est-elle celle de l'homme qui vit un bonheur désengagé et hypocrite, ou bienest-elle celle de l'homme qui s'engage au risque de perdre sa vie et de mettre en danger celle de sa famille et de sesproches? A l'évidence, dans de telles circonstances, lorsqu'il s'agit de choix fondamentaux, la vie vraiment humaineest celle qui s'attache à proclamer d'autres valeurs que le seul bonheur, qui sacrifie le bonheur au nom de la véritéet qui va jusqu'à tenir le risque d'une parole vraie pour un acte de liberté.

De ce fait, la liberté et la vérité valentmieux que le bonheur, mais l'on dira, peut-être, à la rigueur, qu'il y a comme une manière de bonheur à affirmer et àdéfendre la liberté, la sienne et celle des autres.

Toutefois, à ce point de la discussion, il est possible de remarquerdivers points.

A été mise au jour une contradiction entre la liberté et le bonheur, puisque l'on soutient que leshommes peuvent être amenés à choisir la liberté contre le bonheur, ou bien encore à préférer le bonheur à la liberté,et l'on commence alors à voir dans la liberté la figure de notre plus grand bien.

Or, cette contradiction, pourimportante qu'elle soit, est susceptible de se trouver apaisée, si l'on consent, pour conclure, à écouter les leçons depenseurs libéraux comme Alexis de Tocqueville et John Stuart Mill.Dans De la démocratie en Amérique, Tocqueville montre que l'individualisme hédoniste de la modernité politique peutconduire à une forme nouvelle de despotisme.

En effet, si l'État se soucie d'apporter le bonheur aux individus de lasociété, si le bonheur individuel est l'affaire de l'État, alors les individus auront tendance à renoncer à leur propreliberté et à laisser à l'État la possibilité d'occuper le tout de l'espace social.

Mais, ce constat permet aussi de direque les individus doivent être laissés libres afin de poursuivre et de construire leur propre bonheur individuel.

Mill, àla suite de Tocqueville, note que chaque individu est singulier; cette singularité exige la liberté, la liberté de choisiret de faire, liberté respectueuse de celle d'autrui, et suppose que chacun puisse construire son propre bonheursingulier, tout comme le chemin pour y parvenir.

Par conséquent, la liberté politique de l'individu est la condition dela poursuite individuelle du bonheur, mais non du bonheur tout court: le bonheur garde sans doute une placeessentielle dans toute vie humaine, mais c'est une place qui se trouve alors relativisée.

En conclusion, ni la pressionsociale, ni l'État ne doivent dicter aux individus ce que doit être leur bonheur, en l'absence de toute norme objectivequi donnerait un contenu déterminé à la visée du bonheur.

On peut donc soutenir que la liberté est notre plus grandbien, car, même si, très souvent, la liberté se présente seulement comme la condition du bonheur, il est égalementvrai de dire que l'on peut préférer une vie de liberté, vie qui jamais par hypothèse ne va rencontrer le bonheur visé,à une vie qui se donne comme heureuse -songeons à la vie de l'esclave et à celle du maître- mais qui a abandonnéla liberté, voire même qui a été conduite à s'abandonner, directement ou non, au mal -songeons à la vie du naziheureux et à celle de celui qui reste indifférent face au mal que subissent d'autres hommes. Sujet désiré en échange :. »

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