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La liberté et le bonheur sont-ils compatibles avec la vie en société ?

Publié le 25/03/2005

Extrait du document

Si donc la vie en société est compatible avec la liberté et le bonheur, c'est qu'elle permet aussi que soient réconciliés ces deux derniers termes. Le problème qu'il nous faut résoudre est donc de savoir si la vie en société peut réunifier suffisamment ces deux termes opposés pour qu'ils trouvent en elle une existence réelle.     Proposition de plan :   1.      Le bon sauvage est un homme solitaire :   Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. « Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou à embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique, en un mot tant qu'ils ne s'appliquèrent qu'à des ouvrages qu'un seul pouvait faire, et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d'un commerce indépendant: mais dès l'instant qu'un homme eut besoin du secours d'un autre; dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la misère germer et croître avec les moissons. »   -                         Rousseau s'inspire ici d'une opinion aujourd'hui courante : la nature avait tout mis en place pour le bonheur des hommes et ce n'est que parce que celui-ci - suite à un accident -  bascula dans l'état social, qu'il connut le malheur et l'aliénation. -                         On sait que pour Rousseau, la liberté et le bonheur à l'état de nature ne font qu'un, car l'homme écoute alors les impulsions de son coeur et c'est en toute bonne volonté qu'il suit ses conseils. L'homme d'alors est certes proche de la bête, mais il connaît un bonheur que ne restreint ni la société civile, ni l'exercice de son libre arbitre. -                         Toutefois, cette interprétation apparaît un peu légère, car peut-on vraiment considérer qu'il y a bonheur et liberté si cet homme est plus proche de la bête que de l'animal rationnel ? -                         Si l'on considère que non, l'on est contraint de chercher quelles seraient alors les conditions d'un bonheur et d'une liberté véritables.

Analyse du sujet :

-                         Il y a un présupposé curieux à ce sujet, et qui doit être interrogé : liberté et bonheur sont-ils eux-mêmes déjà compatibles entre eux ?

-                         Peut-être la réponse à cette question est-elle contenue implicitement dans le sujet : liberté et bonheur seraient par exemple compatibles à la condition sine qua non qu’il y ait la vie en société (ou justement au contraire, à condition de vivre sans la société).

-                         Il est bon de tenter de définir succinctement les notions en présence.

-                         On ne peut se contenter de comprendre la liberté comme « absence de contrainte «. Pour s’élever à une intelligence plus forte de la notion, on peut la compléter à l’aide de la notion de « raison «, en considérant que la vraie liberté est celle de l’être rationnel délibérant sur ses actions et choisissant ses actes en toute responsabilité.

-                         De même le bonheur ne peut-il simplement en rester à la jouissance passive de l’animal soumis à son plaisir instinctif ou organique. Il y a des formes de bonheur qu’on a tendance à considérer comme plus élevées, qui vont de la satisfaction à exercer sa raison jusqu’à celle de regarder sa vie comme un tout cohérent, et qui peuvent même passer par le sacrifice pour le bien de la société.

Problématisation :

Le sujet semble d’emblée s’appuyer sur des prémisses hâtives : nous ne sommes pas en mesure d’affirmer sans émettre des réserves que la liberté et le bonheur soient eux-mêmes compatibles entre eux. Dès lors, est-il permis de pousser l’assertion jusqu’à affirmer qu’ils puissent être compatibles avec un troisième terme, à savoir cette mystérieuse « vie en société « ? La liberté et le bonheur pourraient très bien être incompatibles, car être libre, c’est faire des choix, c’est-à-dire prendre le risque du remords, courir le danger de l’acte qui va nous conduire au malheur, en endosser la responsabilité et ainsi redoubler le malheur par la culpabilité. Toutefois, peut-on dire qu’un homme qui serait heureux sans être libre connaîtrait un bonheur véritable ? Si donc la vie en société est compatible avec la liberté et le bonheur, c’est qu’elle permet aussi que soient réconciliés ces deux derniers termes. Le problème qu’il nous faut résoudre est donc de savoir si la vie en société peut réunifier suffisamment ces deux termes opposés pour qu’ils trouvent en elle une existence réelle.

« conditions d'un bonheur et d'une liberté véritables. 2.

Le bonheur et la liberté véritable reposent dans l'exercice de la vertu : - D'après Aristote, la recherche du bonheur passe par l'exercice de la vertu. - Cette vertu consiste à se conduire selon la raison. - Dans le domaine moral, cette vertu est la prudence ( phronèsis en grec). Aristote, Ethique à Nicomaque (livre VI, chapitre 5, 1143b 3-4,). La prudence est « une disposition accompagnée de règle vraie, capable d'agir dans la sphère de ce qui est bien ou mal pour les êtres humains.

» - Aristote distingue entre désir rationnel (la boulèsis ) et désir animal (epithumia ). - Il faut noter que l'origine étymologique de boulèsis est boulé , qui désignait chez les Grecs l'assemblée délibérante dont la fonction était dediscuter des projets de loi. - Pour parvenir à la perfection de sa nature, l'homme doit faire prévaloir en lui la boulèsis ¸ il doit donc être capable de délibérer, c'est-à-dire de faire des choix rationnels et ainsi d'exercer sa liberté. - Parvenu à la perfection de sa nature, cette vertu est couronnée par le plaisir qui récompense l'action bonne. - Le bonheur véritable passe donc par l'exercice de la liberté véritable manifestée dans la phronèsis . - La référence à la boulé, qui est une assemblée, nous indique que les choix de la boulèsis sont à considérer sur un modèle politique, et qu'en dehors de la cité, il n'y a pas d'exercice de la liberté, et donc pas de bonheurvéritable.

3.

La cité comme fondement de la vertu : Aristote, Les politiques. « Il est manifeste (...) que l'homme est par nature un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellementbien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain ». - Nous voyons ici que pour Aristote, l'homme vit par nature en société, et on ne peut considérer pour lui une autre forme de vie. - La cité n'a pas uniquement pour but de subvenir aux besoins matériels et de garantir la sécurité des citoyens, elle est le lieu où il leur est permis d'exercer leur liberté, et donc de réaliser leurnature. - C'est par ailleurs seulement dans la cité que le bonheur et la liberté peuvent voir le jour, car c'est en elle seule que s'incarnent des institutions et des modes d'organisation qui sont desoeuvres de liberté et de raison. - De la sorte, il nous faut en déduire que pour l'être humain, c'est justement la vie en société qui rend possible la liberté et le bonheur.

L'homme seul ne pourrait délibérer sur le juste etl'injuste, il ne serait soumis qu'à la loi de la nature. Dans l'Ethique à Nicomaque, Aristote définit la justice de la manière suivante : "Le juste est ce qui est susceptible de créer ou de sauvegarder, en totalité ou en partie, le bonheur de la communautépolitique." La justice n'a de sens réel que par la communauté et pour elle.

Elle n'est pas une vertu ensoi, mais dans la relation à autrui.

Elle consiste essentiellement à obéir aux lois de la Cité, qui, étantfixées par le législateur, sont nécessairement légales.

L'injustice sera une action commise contre la loi,un non-respect de ce qui règle les rapports corrects des hommes au sein de la communauté.

Elle peutêtre aussi le fait d'outrepasser ses droits, c'est-à-dire de réclamer plus que ce qui nous est dû, ouencore le non-respect de l'égalité des citoyens.

Se conformer aux lois est donc le devoir de justicepremier de tout citoyen, puisque les lois sont faites en vue du bien commun et de l'intérêt général.Première de toutes les vertus politiques, la justice contient en elle toutes les autres vertus qui ne fontqu'en découler, puisque le respect d'elle seule est en mesure de maintenir l'ordre et l'harmonie entreles hommes. - Pour autant, toute société n'est pas nécessairement apte à permettre la liberté et le bonheur véritable. - Les sociétés le permettant sont d'ailleurs assez rare, c'est pourquoi Aristote lui-même essaye d'en tracer les contours dans le début de ses Politiques . - Aristote souligne à cet égard la difficulté de réaliser une société qui permette la vertu générale : si le meilleur gouvernement en droit est celui de la politeia , c'est-à-dire celui dans lequel c'est tout le peuple qui gouverne, il ne l'est pas en fait, car il impossible que tout le peuple soit. »

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