La liberté nous contraint-elle ?
Publié le 04/08/2013
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« Être libéré de ses charges « est une expression commune par laquelle nous signifions le fait, pour une personne ayant diverses responsabilités encombrantes, d'en être dégagée et d'éprouver ainsi un sentiment de liberté recouvrée. Pour tout un chacun, ainsi que l'illustre cet exemple, la liberté apparaît clairement comme l'opposé de la contrainte tant au niveau des sentiments que de la possibilité d'agir selon sa volonté sans rencontrer d'obstacles. Pourtant, si notre liberté individuelle ne semble contenir aucune forme de contrainte en elle-même, chaque individu est en devenir, de sorte que des décisions prises dans le passé peuvent s'avérer en contradiction avec de nouvelles aspirations présentes. En outre, notre liberté individuelle est confrontée à d'autres êtres libres qui, pour reprendre Sartre, peuvent constituer pour nous un « Enfer « – « l'Enfer, c'est les autres «, faisait-il dire à Garcin dans Huis-clos. Nous aboutissons là à une aporie manifeste que nous pouvons formuler par cette question : comment la liberté peut-elle s'exercer individuellement ou collectivement sans constituer par là même une source de contrainte pour chacun ? Nous tâcherons donc d'analyser les termes de cette aporie dans les deux premières parties. Tout d'abord, nous examinerons la liberté au sens individuel et tenterons de saisir dans quelle mesure elle est ou n'est pas une contrainte vis-à-vis d'elle-même. Ensuite, nous aborderons le problème de la coexistence des volontés particulières et nous essaierons, dans la troisième et dernière partie, de résoudre les contradictions qu'elle entraîne en y apporter quelques nouvelles perspectives.
«
fait d'agir conformément à ses diverses aspirations et volitions.
Ce travail de définition étant
fait, nous pouvons à pr ésent nous poser la question suivante : en quel sens la liberté exclut -
elle la contrainte ?
Si être libre signifie agir selon son bon vouloir, alors il semble clair, à première vue et
ainsi que nous le disions en introduction, que cette liberté ne peut im pliquer la moindre
contrainte.
En effet, toute contrainte suppose l'émergence, dans sa vie, de facteurs
indésirables qui ralentissent d'une certaine manière le ‘‘mouvement’’ de notre liberté.
Si nul
accident ne vient diminuer l'exercice de notre liberté, a lors nous avons peine à imaginer de
quelle façon celle -ci pourrait se contraindre elle -même.
Seuls les événements extérieurs
peuvent présenter ce type d'aspect inquiétant pour notre liberté.
Pour reprendre Nietzsche
dans Ainsi parlait Zarathoustra (Premièr e partie, Des trois métamorphoses), c'est le « je
veux » qui libère l'homme, lui offrant la possibilité d'étendre sa puissance en se réalisant ou,
selon sa célèbre formule dans Ecce homo : « devenir ce que l'on est », c'est -à-dire vivre
pleinement son être .
Pourtant, même si la liberté au sens individuel n'est pas en soi une
contrainte dans la mesure où elle permet à l'individu de s'affirmer, nous remarquons
toutefois une certaine tension apparaître en rapport avec la question du temps : est -on
toujours ce que l'on est ? Est -il possible que l'exercice de notre liberté à un moment donné
n'entraîne par la suite des conséquences aliénantes ?
Tout individu a sans doute éprouvé un jour quelques regrets à l'idée de certaines de
ses propres décisions passées – des études que l'on a jugées a posteriori inadéquates à ses
aspirations, une carrière qui ne nous a pas satisfait...
ou, pour parler de choses plus frivoles,
un choix de divertissement qui ne nous a pas plu.
Subir ainsi les revers de notre propre
liberté peut occasionner un certain sentiment d'aliénation, comme si cette liberté que nous
chérissons tant devenait d'elle -même – à cause de son inscription dans le temps – une source
terrible de contraintes.
C'est notamment sur cette angoisse existentielle que Sartr e s'est
penché dans L'être et le néant .
Cela nous amène maintenant à opérer quelques
considérations métaphysiques sur la liberté au sens du libre arbitre – aspect du sujet que
nous avions écarté plus haut.
Sartre qualifie l'homme de pour soi , c'est -à-dir e « ce qui n'est pas ce qu'il est et est ce
qu'il n'est pas ».
Cette formule ‘‘ paradoxale ’’ a pour but de montrer que chaque conscience
est fondamentalement en fuite vers le futur, le présent n'ayant qu'une valeur de transition.
C'est ce statut ambigu du présent comme étant et n'étant pas qui offre à la conscience son
dynamisme , condition nécessaire pour qu'une liberté apparaisse.
Sans cela, l'homme ne
serait qu'un pur en soi , c'est -à-dire une chose inerte, inconsciente, privée de tout caractère
libre.
Du fait de son rapport au temps, l'homme est amené à devoir se choisir lui -même en
permanence.
Dans ce mouvement, c'est la liberté qui doit s'assumer elle -même.
Mais n'étant
pas ‘‘cause de soi’’, chacun d'entre nous est, pour reprendre la formule de Sartre,
« condamné à être liberté ».
Ce ‘‘paradoxe’’ est précisément la source de l'angoisse
existentielle : l'impossibilité de ne pas choisir (ou se choisir), le fait d'être contraint à
exercer sa liberté – quitte à en subir les conséquences par la suite.
Que la liberté soit opposée à la contrainte...
cela ne nous apparaît donc plus comme
une évidence.
Il semble à présent que la liberté dans sa dimension strictement personnelle
soit elle -même vouée à une forme de contradiction interne.
Mais nous pouvons la surmon ter
en faisant appel au concept de plan dans la vie d'un homme, c'est -à-dire l'organisation – à
partir de sa liberté – de son propre devenir .
Un choix n'est mauvais qu'en fonction de.
»
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