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LA MÉMOIRE ET L'ORGANISATION INTELLECTUELLE

Publié le 17/03/2011

Extrait du document

   On distingue traditionnellement dans la mémoire trois fonctions qui peuvent se ramener à deux et qui en font plutôt quatre ou cinq : il y a toujours beaucoup d'arbitraire à de tels découpages.    1° La persistance d'une expérience comme telle : fixation; — conservation; — rappel.    2° La formation d'une perspective temporelle : reconnaissance; — localisation.    A) La persistance de l'expérience    1° La fixation.    a - Au moment où elle se produit, l'expérience pour être enregistrée doit être l'objet d'une fixation : l'acte initial du souvenir serait donc contemporain de la perception; sinon il n'y aurait pas de mémoire. Les oublis instantanés sont de simples absences de fixation; s'il y a défaut de conscience dans la perception, il en résulte une inexistence du souvenir. Le souvenir commence au moment où il est perception présente et pensée actuelle; s'il n'y a pas, sur le moment même, début de souvenir, il n'y en aura jamais. L'attention au présent est une condition de la mémoire future. Un souvenir reviendra d'autant plus aisément que nous aurons pris l'habitude de le réévoquer : donc la répétition conserve le souvenir — mais aussi le déforme.

« Dans la mémoire, le souvenir ne doit pas bouger (en principe) : l'ambition chimérique de la mémoire est de restituerintégralement le passé : c'est une conservation statique. Cette analyse nous amène à accréditer la thèse de Bergson sur les différences de la mémoire et de l'habitude. Le souvenir est tout d'un coup ce qu'il est : c'est à son début qu'il est le plus exactement lui-même.

11 est uninstant dans notre histoire1.

L'habitude consiste à emmagasiner des dispositifs moteurs. Il faut bien voir qu'il y a des phénomènes que nous rapportons à la mémoire et qui ne sont que des habitudes.Exemple de Bergson : apprendre une fable par cœur et la débiter est un phénomène d'habitude; si je faisaisintervenir la mémoire, je troublerais l'habitude, en faisant revivre la première lecture, etc.

: la mémoire consiste enl'évocation .de l'apprentissage de la fable avec ses différentes phases : le souvenir individualise.

L'habitude donneun résultat global : la fable débitée en entier. La mémoire-habitude reproduit du passé ce qui est utile pour le présent.

La mémoire représentative se moque del'utilité et se plaît dans les détails.

Cette vraie mémoire développe et enrichit des images alors que la mémoire-habitude, comme toute habitude, appauvrit, pour ne garder que l'utilisable, et pour économiser l'énergie.

La mémoirevraie veut retrouver le passé dans toute sa richesse; l'effort de la mémoire représentative est d'ailleurs toujours unéchec au moins partiel. En somme la mémoire-habitude nous donne une simplification schématique du passé, alors que la mémoirereprésentative s'efforce vers une reconstitution totale du passé. Comme il y a deux mémoires, il y a deux reconnaissances : — une reconnaissance immédiate par familiarité : c'est lareconnaissance par habitude; elle étiquette les objets : fauteuil, fourchette, etc.

Étant fonction de l'utilité, elle estrapide et indispensable; elle se fait sans attention; l'habitude nous rend les choses si familières que nous savonsnous en servir sans y penser : une tendance motrice organisée, par cela seul qu'elle s'oriente d'elle-même sanseffort, nous donne le sentiment d'une reconnaissance « par distraction » (Chateau) ; — la reconnaissance de la mémoire imaginative laisse ses souvenirs revenir en foule et se porter spontanément au-devant de la perception qu'ils éclairent : il s'agit alors d'une « reconnaissance attentive ». Dans un cas la mémoire se contracte, refoule les images inutiles et ne laisse passer que celles qui sont favorables àl'action : il y a une sorte de fermeture de l'esprit. Dans l'autre cas, la mémoire se dilate; elle évoque ou tend à évoquer toutes les images du passé pour mieux lereconnaître : il y a ouverture. Ce qui disparaît dans les maladies de la mémoire, c'est la part qui se relie à des actions, la mémoire sensori-motrice.Mais dans les amnésies, la mémoire pure ou représentative reste indemne : elle n'est atteinte que d'autant qu'elledépend de la mémoire-habitude pour se matérialiser et se traduire en mouvement.

La mémoire pure et intégrale,c'est l'âme; le corps, qui est instrument de sélection, a pour fonction de limiter, en vue de l'action, la vie de l'esprit,de la réduire à la perception. Les malades, dans la mesure où ils sont détachés du présent, peuvent ressusciter le passé mieux que les espritsnormaux, polarisés par l'action présente : avant la mort, dit Bergson, on revoit toute son existence, car l'attitudeactive, les projets, n'existent plus et il y a une remontée incroyable de souvenirs lorsqu'il n'y a plus à accomplird'action pour laquelle un filtrage, caractéristique de la mémoire-habitude, est nécessaire.

Selon Bergson, le passé seconserve en entier, dans la mémoire pure, alors même que la mémoire utilitaire en connexion avec l'action peutdisparaître.

Cette distinction entre la mémoire du corps atteinte par l'amnésie, et la mémoire de l'âme qui ne s'altèrepas mais qui est normalement filtrée par l'action, constitue aux yeux de Bergson une probabilité de survivance del'âme. En résumé, l'habitude est un système lié et une structure tandis que la mémoire nous offre une vie indépendante (etnon systématisée) des images et des éléments psychiques.

N'étant pas asservie par l'action et ses nécessités,comme l'est l'habitude, la mémoire est indépendante et peut s'attacher aux détails. 5° En quel sens peut-on dire que la mémoire est une fonction du particulier et du concret? a - Bien entendu, la mémoire, dans la vie courante, se complique toujours de l'habitude.

La mémoire pure est unelimite idéale; elle est toujours contaminée d'habitude. « L'habitude du souvenir se substitue au souvenir », pour peu que le souvenir soit l'objet d'évocations habituelles.Les souvenirs se déforment, ils sont reconstruits, appris.

Tout souvenir est le résultat d'une élaboration et d'untravail, le souvenir ne vient aisément sous nos prises que par l'habitude : il est alors un compromis entre uneessence de souvenir et un système d'habitudes.. »

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