La métaphysique peut-elle-être réduite au néant ?
Publié le 27/02/2008
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«
lorsque nous parlons de la matière, de l'esprit, de l'univers, de Dieu, etc., on trouve alors plusieurs définitions enconcurrence, qui créent de nombreuses controverses.
Il semblerait que c'est donc là que devrait agir lamétaphysique en clarifiant ces concepts, en les pensant de manière adéquate.
Mais comment faire cesser le désaccord sur la définition de ces notions, aussi importantes dans le champ de la connaissance que de l'action ? Sitout le monde s'accorde sur la notion de fer ou de main, c'est qu'on peut toujours les ramener à des impressionssensibles.
Or on ne saurait trouver d'impression d'où dérive la plupart des idées que l'on emploie en métaphysique :nous avons l'expérience des différents phénomènes qui composent le monde, mais jamais du monde dans sonentier ; nous avons l'expérience des idées qui traversent notre esprit, mais jamais de notre esprit lui-même ; nousavons l'expérience de nos sensations qui nous représentent des êtres corporels, mais jamais de ces corpsdirectement ; etc.
Tous les raisonnements métaphysiques partent d'objets dont nous ne faisons pas l'expérience, ilsne peuvent être dotés de sens.B./ C'est cette thèse que défend Hume dans le Traité de la nature humaine en montrant que le sens des concepts employés en métaphysique ne sont pas dérivés d'impressions qui pourraient provoquer un accord, mais justel'habitude prolongée de les répéter.
« De même qu'il est habituel, après la fréquente utilisation de termes qui ont unsens réel et sont intelligibles, d'omettre l'idée que nous voulons exprimer par eux, et de conserver seulementl'accoutumance par laquelle nous rappelons l'idée à volonté, de même il arrive naturellement qu'après la fréquenteutilisation de termes qui n'ont absolument aucun sens et sont inintelligibles, nous imaginions qu'ils sont sur le mêmepied que les précédents et qu'ils ont un sens secret que nous pourrions découvrir par réflexion » écrit Hume auchapitre 3 de la quatrième partie du livre I du Traité , consacré à la métaphysique des philosophes de l'Antiquité et à leurs notions obscures.
Lorsqu'on répète à la suite plusieurs fois un mot, on oublie son sens, il ne nous reste plusqu'une suite de sons vides dans la bouche.
La métaphysique repose sur l'opération symétrique : à force de répéterun terme inintelligible comme celui d' « être » ou de « substance » par exemple, on se convainc qu'il désignequelque chose de réel dans le monde.C./ Ainsi, la métaphysique peut être décrite comme un discours dénué de sens, c'est-à-dire absurde.
Toute lamétaphysique, aussi bien son activité de connaissance que de pensée peut ainsi être considérée comme un langagesans sens, de la même manière que la phrase syntaxiquement erronée « jaune Paul le » peut être considérée commeabsurde.
Seulement, la métaphysique, simule du sens par l'habitude que l'on a d'entendre répéter ses termes.
Au niveau du sens, donc, la métaphysique est déjà réduite à l'équivalent du néant : l'absurde.
Il ne nous reste doncqu'à adopter un comportement qui fasse cesser nos habitudes de considérer qu'elle n'est pas absurde – revenir ausens commun – et la métaphysique, ne servant à strictement rien, pourra être annihilée.
Néanmoins, ce n'est pas parce que quelque chose ne sert à rien qu'il disparaît.
L'art ne sert à rien, et pourtant ilcontinue d'exister des œuvres d'art depuis l'apparition de l'homme.
Nous allons maintenant nous demander s'iln'existerait pas des causes – et non des usages – de la métaphysique, dont nous serions inconscients et quimontreraient que la métaphysique ne peut disparaître ainsi.
III./ Métaphysiciens malgré nous.
A./ Lorsque nous regardons une main déployée, qu'y voyons-nous ? Cinq doigts.
Mais il n'y a pas de raison d'y voirplus cinq doigts que quatre articulations entre les doigts.
Seulement nous repérons, lorsque nous voyons cinqdoigts, plutôt les individus que les relations.
Notre manière de voir et de parler enveloppe déjà une certaine forme demétaphysique, en ce que nous considérons que certaines choses sont des objets « réels » et d'autres non, ou quecertains êtres ont plus de réalité ou de valeurs que d'autres.B./ Cette métaphysique que nous sécrétons tous, d'où vient-elle ? C'est à cette question que répond Waismann,dans une conférence intitulée « la vérifiabilité », où il remarque que si notre langage n'avait pas des adjectifs maisdes verbes pour désigner les couleurs, notre perception du monde en serait changée.
En effet, si l'on ne peut dire« la mer est bleue » mais uniquement quelque chose comme « la mer bleuit », cela implique que l'on ne voit pas lesobjets comme étant dotés de qualités mais animés par des processus .
Tout ce qui est de l'ordre de l'action, du mouvement, de la relation entre les choses, serait bien plus important pour nous, et peut-être verrions nous alorsquatre (articulations) et non cinq (doigts) lorsque quelqu'un nous montrerait sa main.
Ce qu'identifie ici Waismanncomme origine de notre métaphysique quotidienne, c'est donc le langage, la forme particulière que nous avons denous exprimer : « Le langage affecte la façon toute entière dont nous prenons conscience d'un fait.
»C./ Nous pouvons donc répondre à la question de la possibilité de l'anéantissement de la métaphysique.
Tant quenous parlerons, il existera toujours une cause qui entraînera la production, presque inconsciente, d'une certainemanière de concevoir l'être, c'est-à-dire une métaphysique.
Or, si cette cause ne cesse pas, la métaphysique nepeut être réduite au néant.
Ainsi, si l'on doit absolument être très vigilants à toutes les prétentions de connaissance, et même de clarificationet de pensée des objets, de la métaphysique, on ne saurait l'évincer.
Car l'être d'une chose ne dépend pas de sonutilité, de sa fin, mais de la cause qui l'amène à l'existence.
Or la cause des discours métaphysiques est toujoursvivace : il serait donc conséquent de ne pas chercher à nier son existence mais plutôt à chercher à la comprendreet à la maîtriser.
Comme le dit Hegel : « la métaphysique est cette force inconsciente en nous, dont je ne suisle maître que si je la comprends.
» Mais alors, la métaphysique ne saurait être pensée d'abord comme une discipline,mais plutôt comme une pulsion commune à tous les hommes..
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