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La passion est-elle une erreur ?

Publié le 12/01/2004

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Ce terme de passion a été connoté négativement par de nombreux philosophes. Souvent opposées à la raison, on reproche aux passions de nous aveugler, de tromper nos sens et de brouiller notre jugement. On a en effet tendance à surestimer l’objet de notre passion. La passion, lorsqu’on en est remis, peut nous conduire à produire des erreurs et à subir des désillusions. Mais est-elle intrinsèquement une erreur, c’est à dire un jugement faux ? Ou se compare t-elle plutôt à une maladie de la raison, qui trompe les jugements?

  • 1) ERREUR ET RAISON
  • 2) RAISON THEORIQUE ET RAISON PRATIQUE
  • 3) UNE PASSION NE SAURAIT ETRE UNE ERREUR
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« Hume, ne soit pas déraisonnable et que seul le jugement qui l'accompagne puisse être dit, en toute rigueur, erroné. III — La passion source d'erreurs a) Mais peut-on induire un énoncé aussi général de ce seul exemple ? L'anecdote rapportée par Descartes au sujetde l'attirance exercée par les femmes louches sur sa personne nous invite à une plus grande circonspection.

CarDescartes, en prenant conscience de l'origine de sa passion, est amené à ne plus rien éprouver de semblable enprésence de telles femmes.

La connaissance rationnelle, la conscience claire du passé semblent donc pouvoir romprele charme de la passion. Lorsque j'étais jeune, j'aimais une fille de mon âge, qui était un peulouche ; au moyen de quoi, l'impression qui se faisait par la vue en moncerveau, quand je regardais ses yeux égarés, se joignait tellement àcelle qui s'y faisait aussi pour émouvoir la passion de l'amour, quelongtemps après, en voyant des personnes louches, je me sentais plusenclin à les aimer qu'à en aimer d'autres, pour cela seul qu'ellesavaient ce défaut ; et je ne savais pas néanmoins que ce fût pour cela.Au contraire, depuis que j'y ai fait réflexion, et que j'ai reconnu quec'était un défaut, je n'en ai plus été ému.

Ainsi, lorsque nous sommesportés à aimer quelqu'un, sans que nous en sachions la cause, nouspouvons croire que cela vient de ce qu'il y a quelque chose en lui desemblable à ce qui a été dans un autre objet que nous avons aiméauparavant, encore que nous ne sachions pas ce que c'est.

Et bien quece soit plus ordinairement une perfection qu'un défaut, qui nous attireainsi à l'amour, toutefois, à cause que ce peut être quelquefois undéfaut, comme en l'exemple que j'en ai apporté, un homme sage ne sedoit pas laisser entièrement aller à cette passion, avant que d'avoirconsidéré le mérite de la personne pour laquelle nous nous sentonsémus.

DESCARTES 1.

Comment comprendre l'origine d'une inclination qui nous porte vers une personne ? Souvent, selon Descartes, cette inclination provient du pouvoir qu'a cette personne d'évoquer en nous,par telle ou telle de ses caractéristiques, une autre personne aimée dans le passé.La thèse de Descartes est d'abord illustrée par un exemple personnel, puis explicitée à partir d'une généralisationréfléchie de cet exemple.

Le texte comporte donc deux étapes essentielles.

La première, exposant l'exemple,comporte à peu près la moitié du texte (jusqu'à: « je n'en ai plus été ému »).

Descartes y évoque d'abord un amourd'enfance, et y met en place le rôle de l'association originaire entre le sentiment d'amour, suscité par la jeune fille,et l'impression liée à une caractéristique de cette jeune fille (le fait de loucher).

Dans un deuxième temps, il réfère àcette association originaire la propension qu'il a eue à aimer des femmes qui louchaient, tant qu'il n'avait pas prisconscience de cette association.

La deuxième étape explicite et généralise le sens de l'exemple proposé.

Ellecomporte elle-même deux temps.

Dans le premier temps, Descartes revient sur le mécanisme d'association qui,généralement, tend à susciter une inclination préférentielle.

Dans le second temps, il en appelle à une maîtrise despassions, essentiellement par la mise en oeuvre d'une retenue liée à un souci de prise de conscience et de réflexion. 2.

De fait, le texte caractérise une tendance à aimer pour certains motifs plutôt qu'une origine générale de toutepassion amoureuse.

La fin du texte, se référant au pouvoir de retenue et d'examen dont tout homme dispose, enappelle non à une négation de la passion, mais à un consentement réfléchi, excluant tout abandon aveugle.

La vieaffective de l'homme apparaît ici tout à la fois comme tendanciellement soumise à des mécanismes d'association(que plus tard Freud et Pavlov, chacun à sa manière, souligneront) et potentiellement maîtrisée par le pouvoir deréappropriation de l'esprit.

Une première expérience vécue, référence originaire, lie un sentiment s'adressant à latotalité d'une personne, et la valorisation d'un détail (ici le fait de loucher) qui lui est graduellement associé.

Cen'est pas, bien sûr, ce détail qui suscite l'amour, car il n'est remarqué et valorisé qu'en raison de l'association elle-même.

Plus tard, lorsque tout semble oublié, la seule perception du même détail, par le pouvoir d'évocation qu'ellecomporte, tend à susciter une inclination amoureuse.

À celle-ci, selon Descartes, le sujet peut résister.

Puissancede la conscience, auto-examen, libre-arbitre suspendent l'emprise de l'inclination amoureuse, la passion à venirétant alors dans le pouvoir de la volonté elle-même De sorte que la raison fait parfois montre d'une puissance que Hume ne soupçonne guère ; elle peut, en effet,détruire une passion comme elle corrige une erreur : en rendant compte des conditions qui l'ont rendue possible.b) Dissocier passion et jugement semble donc une entreprise plus difficile que ne l'a cru Hume.

Car, si la passionn'est pas déraisonnable en soi, elle a souvent pour origine une erreur et suscite des erreurs.

Descartes ignore l'objetvéritable de son attirance lorsqu'il est en présence de personnes louches, qu'il croit réellement aimer.

Et lesautomatismes corporels qui provoquent son émoi sont la source d'une surestimation de leurs qualités ; ce n'estqu'après avoir réfléchi qu'il juge que le strabisme de ces personnes est un défaut.c) Aussi les psychologues n'hésitent-ils pas à parler d'une logique des passions.

Nous pourrions substituer à cetteexpression celle de « dialectique des passions ».

Celle-ci est une logique de l'erreur.

Les raisonnements qui laconstituent n'ont pour seule fonction que d'exalter une passion dont la légitimité n'est jamais remise en doute.

Ainsi. »

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