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La passion peut-elle être une excuse ?

Publié le 28/01/2004

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En somme, dans cette conception, il semble qu'on ne puisse rien construire de positif avec la passion car en échappant au contrôle de la raison, elle représente la porte ouverte à toutes les dérives. Aucunes de celles-ci ne sauraient dès lors être justifiées ou excusées par la passion. 2- Ambiguïté et complexité de la passion S'arrêter à cela semble pourtant insuffisant. Soit on sous-estime la force de la passion, soit on surestime le pouvoir de la raison. Dans tout les cas, on nie le caractère complexe et insidieux de la passion, qu'il faut à présent chercher à cerner mieux. Continuant avec l'exemple de la passion du jeu, comme l'ont décrit avec brio des auteurs comme Dostoïevski (Le joueur) ou encore Stephan Zweig (24 heures dans la vie d'une femme), on doit dire tout d'abord que le joueur n'est pas un simple amateur de sensations fortes irresponsable qui aime être grisé. C'est au contraire une personne tellement attachée à la passion du jeu qu'elle finit elle-même par ne plus en être que l'illustration. Son désir de jouer, toujours plus fort, lui procure pourtant une insatisfaction essentielle et permanente, ce qui semble contradictoire. En fait, si la réalisation de ce désir ne comble pas le passionné, c'est que ce processus complexe est l'expression du mode d'être par lequel le joueur perçoit le monde et s'y rapporte. Et cela n'est pas sans souffrance.

L’homme, cet « animal rationnel «, est aussi et avant tout un être de désir. Quand celui-ci se manifeste brutalement au point qu’aucune volonté n’arrive à le juguler, c’est la passion qui se manifeste, laissant l’individu qui y succombe dans un état mêlé de souffrance et de dépendance. Ce penchant irrépressible (quelque soit son objet : amour, jeu, alcool, etc.) est souvent la cause de troubles, plus ou moins sérieux, qui affectent autant le passionné lui-même que ses proches.

La question est ici de savoir si on peut invoquer la passion pour justifier une attitude déraisonnable, violente voire destructrice envers soi-même, autrui, ou quelque objet que ce soit. Autrement dit, peut-on trouver des circonstances atténuantes à quelqu’un qui agit sous l’emprise de la passion ? De même, celui-ci peut-il s’en servir d’excuse pour sa défense ?

1- Si l’on considère l’homme responsable de ses actes, devant user de sa raison pour guider son action, et ayant le souci de ne pas nuire à autrui, il semble que toute passion doive être récusée. Elle pourrait alors difficilement excuser quoique ce soit.

2- Mais en rester là serait méconnaître et sous-estimer la force et les ravages de la passion quand elle se manifeste. La souffrance dans laquelle elle plonge celui qui en est victime suffit-elle cependant à excuser ses actes ?

3- Enfin, si on veut éviter de tomber dans un relativisme qui serait enclin à excuser la folie du passionné, ne doit-on pas plutôt se demander s’il existe, dans ce déséquilibre qu’est la passion, quelque effet vraiment positif ?

« parvenir. En somme, dans cette conception, il semble qu'on ne puisse rien construire de positif avec la passion car en échappant au contrôle de la raison, elle représente la porte ouverte à toutes les dérives.

Aucunes de celles-ci nesauraient dès lors être justifiées ou excusées par la passion. 2- Ambiguïté et complexité de la passion S'arrêter à cela semble pourtant insuffisant.

Soit on sous-estime la force de la passion, soit on surestime le pouvoir de la raison.

Dans tout les cas, on nie le caractère complexe et insidieux de la passion, qu'il faut à présentchercher à cerner mieux. Continuant avec l'exemple de la passion du jeu, comme l'ont décrit avec brio des auteurs comme Dostoïevski (Le joueur ) ou encore Stephan Zweig ( 24 heures dans la vie d'une femme ), on doit dire tout d'abord que le joueur n'est pas un simple amateur de sensations fortes irresponsable qui aime être grisé.

C'est au contraire une personnetellement attachée à la passion du jeu qu'elle finit elle-même par ne plus en être que l'illustration.

Son désir dejouer, toujours plus fort, lui procure pourtant une insatisfaction essentielle et permanente, ce qui semblecontradictoire.

En fait, si la réalisation de ce désir ne comble pas le passionné, c'est que ce processus complexe estl'expression du mode d'être par lequel le joueur perçoit le monde et s'y rapporte.

Et cela n'est pas sans souffrance.Étymologiquement, « passion » vient en effet du latin patior , qui signifie « souffrir », « pâtir ».

Ainsi donc, l'homme en proie à la passion vit une situation paradoxale où il sait que ce qu'il fait lui nuit ou va nuire à quelqu'un, mais il nepeut pourtant s'empêcher de le faire.

On peut ici citer la formule paradoxale de Sainte-Beuve, quand il déclare :« l'état de souffrance où je suis continuellement est ma seule excuse ». Juger le comportement d'un homme passionné est donc plus difficile qu'à première vue, et on ne peut à présent plus totalement exclure l'idée que la passion, à défaut d'excuser un acte, peut au moins être unecirconstance atténuante.

Pour s'en convaincre, on peut prendre l'exemple édifiant du crime passionnel.

Le crimepassionnel, même s'il n'a plus d'existence juridique depuis 1791, est en effet différent du crime ordinaire en ce que les acteurs de cette affaire entretiennent une relation amoureuse ou sexuelle.

Il est notable que ce genre de crimesd'amour et de haine a bénéficié de circonstances atténuantes jusqu'en 1975 ! Ainsi, avant cet date, un homme quiaurait trouvé sa femme couchée chez lui avec un autre et qui, hors de lui, l'aurait tuée, n'aurait pas été jugécomplètement responsable ou coupable de cet acte.

Aujourd'hui demeure d'ailleurs encore ancrée dans nosmentalités la certitude que l'amour, la passion ou la jalousie sont des circonstances atténuantes « évidentes », qui entraînent un homme banal à tuer une femme dans un coup de folie (cf.

l'affaire Bertrand Cantat et les réactionscontrastées qu'elle a suscitée).

Nous sommes ici dans un processus dévastateur auquel chaque homme (même un juge !) peut être confronté, bien loin de l'idéal romantique qui prônait l'exaltation de la passion avec la figure del'amoureux, poussé à se dépasser au-delà de lui-même, se rendant ainsi digne de l'amour qu'il réclame. 3- La passion, un déséquilibre qui peut devenir un moteur positif Après ces considérations contrastées sur la passion, demandons-nous tout de même si le déséquilibre causé par la passion peut, in fine , déboucher sur quelque chose de positif. Cela peut sembler curieux, voire paradoxal, mais l'énergie mise par les philosophes évoqués plus haut à combattre la passion et la ferveur avec laquelle ils condamnent ses effets et ses manifestations, ne ressemblent-elles pas elles-mêmes à de la passion, sous les traits d'un amour inconditionnel et irrépressible de la sagesse querien ne peut juguler ? Certes, cette passion inoffensive ne fait pas disparaître les autres, mais elle permet au moinsau sujet d'échapper à une certaine fatalité.

On peut trouver un écho à cela chez Spinoza, quand il écrit que « la connaissance vraie du bon et du mauvais ne peut, en tant que vraie, réduireaucune affection, mais seulement en tant qu'elle est considérée elle-mêmecomme une affection » ( Éthique , IV, 14).

On peut saisir ici qu'entre toutes les affections qui touchent le corps, un équilibre de forces naît et il faut réussir àla faire tenir.

La sagesse consisterait alors à comprendre cette logique de lapassion, son articulation, ses combinaisons, etc.

Cela n'a pas forcémentcomme conséquence de faire de la passion une excuse, mais cela permet aumoins de reprendre le dessus sur elle de façon active et non coercitive.

Unefois cette logique des passions acceptée, comment peut-on espérer en tirerle meilleur ? C'est d'une certaine manière ce qu'a voulu montrer Hegel quand il a expliqué que sans la force de la passion, aucune action ne serait accomplie.En somme, elle est le moteur de l'histoire, mais de manière contradictoirecependant.

En effet, si on imagine un roi qui voulant assurer son pouvoir àtout prix, il devra consentir à trouver les moyens de contenter son peuple etd'une certaine manière, il mettra son égoïsme au service d'une actioncharitable.

De même, la force et la passion manifestées par les artisans de laRévolution française sont, d'une certaine manière, la cause positive qui nouspermet de jouir encore aujourd'hui de certains droits inaliénables.

C'est toutel'ambiguïté et la contradiction de la passion : elle déploie à son insu des moyens contraires à sa finalité, ceux-ci pouvant profiter plus que nuire à autrui.. »

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