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La pensée dramatique de Molière ?

Publié le 02/04/2009

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Pour savoir ce que pense Molière de son art, comment il conçoit le « drame «, c'est-à-dire le genre théâtral (par opposition aux autres genres littéraires), il faut s'adresser en premier lieu à certaines de ses préfaces, mais surtout à deux pièces : La critique de l'Ecole des Femmes (1663) et L'Impromptu de Versailles (1663 aussi, mais imprimé seulement en 1682).

  • I. - DU PUBLIC AU COMIQUE

Dès la préface des Précieuses Ridicules (1659), il indique : « Le public est le juge absolu de ces sortes d'ouvrages. « Il revient sur ce thème du « public « en 1661 dans la préface des Fâcheux et précise encore sa pensée dans la scène 5 de la Critique : « Je me fierais assez à l'approbation du parterre par la raison qu'entre ceux qui le compose il y en a plusieurs qui sont capables de juger une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d'en juger qui est de se laisser prendre aux choses et de n'avoir ni prévention aveugle, ni délicatesse ridicule. « Ces considérations nous amènent tout droit au problème du comique : en face d'un double public, « le parterre « et la cour, les gens simples et les « honnêtes gens «, comment Molière pro-cède-t-il pour plaire à la fois aux uns et aux autres ?

« sont éternels, mais d'époque dans la mesure où l'on y trouve un tableau de la vie sociale et familiale au XVIIe siècle.Le caractère d'ailleurs ne saurait exister sans les mœurs, aux yeux de Molière : c'est parce que les classes socialessont extrêmement tranchées qu'on trouve des benêts ambitieux comme Monsieur Jourdain, parce que les mariagessont avant tout des affaires qu'on voit des jeunes gens et des jeunes filles porter atteinte à leurs devoirs familiaux.La religion, faisant l'essentiel de la vie, donne à l'hypocrisie les moyens de s'épanouir, et l'obsession desconvenances morales ouvre le champ à la pruderie. Le vrai sujet des comédies de Molière, c'est donc, comme il le dit lui-même, le « siècle ».

Cette vérité de la matièreest d'ailleurs lourde de conséquences, car en constatant que dans l'univers moliéresque se joue une authentiquecomédie humaine, nous sommes contraints de constater aussi, avec lucidité et non sans un certain malaise que,dans notre univers humain, se joue éternellement une comédie moliéresque.

Les frontières du théâtre et de la vie,comme celles de la comédie de mœurs et de la comédie de caractère, sont abolies par Molière. Une telle conception de la « satire », qui s'appuie à la fois sur la réalité et sur la vérité, soulève un nouveauproblème, et le résoud en même temps : celui de l'action.

Comment Molière procède-t-il pour découvrir le spectateurà lui-même, dégonfler la baudruche de sa dignité, et dénoncer sa manie de « jouer un rôle » ? Est-ce enl'intéressant aux péripéties de l'action, ou non ? Puisqu'il veut avant tout offrir aux spectateurs un tableau d'époque, il est clair que l'action sera reléguée audeuxième plan.

C'est même un lieu commun de dire que Molière a toujours dédaigné l'intrigue et qu'un dénouementintervient soudain dans ses pièces parce qu'on en est au dernier acte et qu'il faut bien en finir.

Sauf peut-être dansle Dépit Amoureux où l'intrigue est psychologique, il n'y a pas d'intrigue au point de vue dramatique.

Le dramepsychologique, les problèmes de caractère psychologique, ne sont pas l'essentiel pour lui ; la psychologie n'estmême pas le ressort de l'action.

Le seul rôle de l'intrigue est de servir à une démonstration, en apportant undénouement édifiant.

Le seul élément de drame est donc moral, comme chez La Fontaine.

Il s'agit, par ledénouement, d'éclairer le spectateur sur un problème, et non seulement le spectateur, mais bien souvent aussi l'undes personnages de la pièce, l'action pourrait se ramener souvent à une simple question : dans le Tartuffe, Orgoncomprendra-t-il enfin ?, dans les Femmes Savantes, Philaminte comprendra-t-elle enfin ? Il y a d'ailleurs desincorrigibles, dans cet univers, comme Dom Juan, Monsieur Jourdain, ou Harpagon.

Mais dans ce cas, le spectateur,lui, a compris ; Dom Juan offre l'exemple immoral de l'obstination, Jourdain l'exemple ridicule de cette mêmeobstination. L'action, dans le Misanthrope, n'est pas dans l'affaire du sonnet, ni dans celle du procès, ni même dans le choiximposé par ses prétendants à Célimène.

Elle est bien plutôt dans les efforts d'Alceste pour arracher Célimène à lamondanité.

Au dénouement, Alceste comprend enfin que Célimène est une mondaine, qu'elle n'est pas faite pour lui,ni lui pour elle : « Et mon cœur maintenant vous déteste.

» A l'acte V c'est moins entre Alceste et les autres queCélimène doit choisir, qu'entre le Monde et la Solitude.

Elle accepte bien d'épouser Alceste, car c'est tout de mêmelui qu'elle préfère, mais non pas de le suivre.

Ce n'est pas un problème de sentiment qui est posé, mais un problèmede morale : la Vertu et le Siècle sont-ils ou non des inconciliables ? Et le seul dénouement possible est dans la fuited'Alceste au désert. La comédie ainsi conçue rejoint la tradition des moralités, mais avec une ampleur et une portée qui touchent à laphilosophie, et qui finissent même par placer la comédie en marge de la morale.

Cette conception de l'action nousconduit donc à un dernier problème : celui du but de la comédie. III.

- DE LA MORALE A LA SAGESSE « Rectifier et adoucir les passions des hommes », tel est le but précisé par Molière dans la préface du Tar tuffe ; mais est-il pour cela un moraliste ? Marmontel parle fort justement du « coup d'oeil philosophe », de Molière.

Ce théâtre, en effet, n'a pas de but moralà proprement parler, et malgré les dénouements qui, moralement parlant, finissent bien, comme dans le Tartuffe, cen'est pas à une démonstration morale que les spectateurs sont conviés, mais à une méditation pure.

Molière fait icifigure de contemplateur : il paraît se plaire, installé en marge de la société, à la contempler, à juger et à jauger leshommes.

Arsitocrate de l'esprit, il nous livre ses méditations sur la nature et sur l'homme, mais sous la forme d'untableau et non d'un choix.

Il oppose, dans le Misanthrope, les personnages d'Alceste et de Philinte, les appelle tousdeux des « philosophes », mais ne conclut pas.

Leurs principes sont sans doute les mêmes, mais ils sont endésaccord sur la façon de les appliquer : Molière se garde de choisir et de conseiller.

Même absence de choixd'ailleurs, quand on songe à la double présence des personnages qui finissent par comprendre (les précieuses,Philaminte, Arnolphe) et de ceux qui ne comprennent pas (Harpagon, Dom Juan, et, en moins grave, Jourdain et lemalade imaginaire). La satire cependant s'accommode de cette perspective : de même que le spectateur est implicitement invité àmettre en cause les vrais méchants, qui, dans le Misanthrope par exemple, ne sont pas en scène (car nous nevoyons que les mondains, « qui sont aux méchants complaisants »), de même le spectacle de la vie du temps nousamène à formuler un jugement de valeur.

Mais Molière ne fournit que le tableau : il nous montre le monde tel qu'ilest, il ne nous endoctrine pas.

Du spectacle qu'il nous offre se dégage seulement une sorte de scepticisme moral,qui le ferait exclure par Platon de sa République.

Contemplant avec une lucidité sans illusions, avec un coup d'œil sûret sévère, il invite tous les spectateurs à en faire autant, à y voir clair en eux et autour d'eux.

C'est ce qu'il appellemodestement « rectifier et adoucir les passions » : programme sans ambition, sans exigences, dégagé de toute. »

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