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LA PENSEE MATERIALISTE ET L'HUMANISME ATHEE

Publié le 05/05/2011

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pensee

Ces « matérialistes « que nous ne lisons pas ou si peu. Et quand nous les lisons, c'est trop souvent encore avec les yeux de Victor Cousin, de La Harpe, de Mme de Genlis, de ceux qui firent le procès du XVIII° siècle sur le dos des philosophes. C'est une évidence pourtant que tous les problèmes d'une époque se retrouvent en ces auteurs, non moins qu'en Voltaire, qui en jugeait mieux que V. Cousin, et qui estimait ses adversaires. Diderot, après tout, était-il moins matérialiste, — bien qu'il le fût autrement, — que son ami, son collaborateur d'Holbach ? Rousseau lui-même, si sévère pour ces athées corrupteurs. est-il si loin de leurs thèses les plus communes quand il nous dit, au IX° livre des Confessions, son rêve ancien d'un ouvrage sur la « morale sensitive «, ou « matérialisme du Sage « ?

pensee

« animal.

Matérialiste, Diderot qui, sous l'influence du chimiste Rouelle, s'interroge sur l'être vivant.

Impossible de se satisfaire du mécanisme, ancien ou rajeuni.

Le vivant a son régime interne.

Etpourquoi la sensibilité ne serait-elle pas, n'en déplaise aux cartésiens, une «propriété universelle de la matière », de la molécule elle-même ?« La seule différence que je connaisse entre la mort et la vie, c'est qu'àprésent vous vivez en masse et que, dissous, épars en molécules, dans vingtans d'ici vous vivrez en détail.

»La nature est continue — discontinue.

Continue :« Tout animal est plus ou moins homme ; tout minéral est plus ou moins plante; toute plante est plus ou moins animal.

»Discontinue, car on ne peut confondre l'homme et l'animal, pas plus que lamolécule et l'agrégat.

Et pourquoi la nature inépuisable, autocréatricen'engendrerait-elle pas de nouvelles formes ?« La nature est encore à fouvrage.»Il y a bien des matérialistes au XVIII° siècle.

Un jugement superficiel lesamalgame, quand il faudrait être attentif à la nuance, à la diversité, auxoppositions.

Ils n'en sont pas moins unis contre la vieille métaphysique, sifortement ébranlée par la critique de Bayle.

Tous refusent de traiter corps etpensée comme deux substances distinctes.

Pas de Dieu créateur, et ilsconsidèrent en général que les ministres du culte sont les complices, ou lesmaîtres du despote.

L'univers éternel n'obéit qu'à ses propres lois et porte enlui le principe de toutes ses transformations ; le mouvement n'est-il pasimmanent à la matière ? Innéité, révélation sont deux versions d'un même préjugé, qui ne peut résister à l'expérience du savant et au progrès des lumières.

Tous ont l'ambition de donner àl'homme la maîtrise dé soi par une connaissance adéquate de son rapport au monde et par une réorganisationrationnelle de la pratique sociale.Un des traits les plus forts de leur pensée, en dépit de ses concessions au mécanisme, c'est l'attention qu'ilsaccordent au besoin, au désir, à l'inquiétude, à tout ce qui fait que notre activité n'est pas simple réponse à uneimpression, mais recherche d'un mieux-être, effort vers une vie plus humaine.

Rien ne leur est plus étranger que cecontentement de soi qui fait les délices d'un spiritualisme trop sûr de son droit.

Ce n'est pas l'angélisme qui libèrel'humanité du mal et du malheur.

Mais l'action lucide et concertée pour que la vie quotidienne soit autre, autres nosrapports avec autrui et notre image de nous-même.

Ces forces (besoins, passions, intérêts) qui, dans une sociétéconflictuelle, tourmentent les hommes, les jettent follement les uns contre les autres, aliènent en tout individu cequ'il a de meilleur, elles peuvent être reconnues.

équilibrées, ordonnées aux fins d'une cité juste et pacifiée, où lebonheur de personne n'est fait du malheur des autres.Prétendre qu'ils furent les premiers, avec Montesquieu et Rousseau, à s'interroger sur l'être social de l'homme seraitoublier ce qu'ils doivent à Spinoza, Montaigne, Aristote...

Et ils ne furent pas les premiers non plus à réfléchir sur lespouvoirs et les prestiges de l'opinion, de la coutume, de l'éducation.

Malebranche, en sa Recherche de la vérité,n'avait-il pas exposé une psychophysiologie de l'illusion et de l'erreur ? Mais ces hommes du XVIII° siècle françaissurent, plus fortement que quiconque avant eux, que la conscience que nous avons de nous-même, dans le langagede l'introspection, n'est pas adéquate à notre être véritable.

Notre espace mental s'est constitué en amont du « jepense » cartésien, dans cette préhistoire clandestine où se forme le noeud qui nous attache à l'insaisissable etmultiple autrui, qui parle en nous sans que nous le sachions, peuple notre vie de prénotions d'autant pluscontraignantes qu'elles se fortifient de notre illusion sur le « libre arbitre ».

Mais cet univers, s'il n'est pas celui desidées claires et distinctes, de la science majeure et planifiée, n'en est pas moins soumis à des lois.

C'est le jeud'intérêts harmonieux ou dissonants qui lui donne structure et sens.

Ces intérêts ne sont pas seulement ceux denotre vouloir, de notre sensibilité, de notre corps.

Ils sont intérêts sociaux.

Les élucider, analyser leur genèse etleurs modes d'action, transferts, déplacements, mutations, renversements, c'est, pensent nos auteurs, fonder lascience de l'homme.Il n'est pas sûr qu'aujourd'hui même certains spécialistes de « psychologie sociale » et les défenseurs du «culturalisme » entendent le bruit de la chaîne qui les relie, par exemple, à Helvétius.

Il est vrai que, malgrél'inadéquation de leur outillage conceptuel, les matérialistes du XVIII° siècle, en lutte contre l'oppression féodale etcléricale, voulaient effectivement transformer le corps social, — et non « adapter » à la société comme elle est un «individu » qui doit répondre à son « attente ».Hegel a reconnu, chez les matérialistes du XVIII° siècle comme en général chez les philosophes des « Lumières » quiaffrontaient les forces du passé, une intelligence aiguë de la vie sociale et politique.

Mais il souligne que leur critiquede la foi au nom de la raison ne sait pas voir que la raison elle-même est à l'oeuvre dans la religion, comme elle l'est,dirions-nous, en toute « idéologie ».Marx note les faiblesses d'une pensée insuffisamment dialectique, enfermée dans les limites de l'économie politiqueclassique, et convaincue que la propriété privée est éternelle, que les rapports marchands sont indépassables.Mais, comme d'autres théoriciens socialistes du XIX° siècle, il voit dans le matérialisme français du XVIII*l'expression la plus offensive de la pensée bourgeoise révolutionnaire.

Il n'est donc pas surprenant que, dans sa luttecontre la bourgeoisie au pouvoir, le prolétariat sympathise avec ceux qui enseignèrent que l'homme ne peut affirmerlibrement son individualité sans remodeler ses conditions d'existence.Quant à la bourgeoisie, avant même la fin du XVIII° siècle, elle se déleste d'un matérialisme incompatible, pense-t-elle, avec ses intérêts de classe dominante.

Cette « révision » d'un siècle qui avait pourtant fait sa grandeurtrouvera dans le spiritualisme cousinien son expression philosophique la plus cohérente, mais non la seule.On se tromperait néanmoins si l'on croyait que tout fut rejeté.

La philosophie et la politique « positives » d'AugusteComte sont les héritières du XVIII° siècle.

Et la bourgeoisie nantie, qui abjure le matérialisme athée et découvre à. »

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