La philosophie et la foi

« 24 • INTROUUCTION.

GÉNÉRALE Le problème qui se pose est de savoir si l'influence théologique ne corrompt pas la philosophie dans son essence propre, et si le concept de « philosophie chrétienne » est une notion intelligible 1 • 2.

Principes de solution.

- Pour résoudre ce double problème, on tiendra compte des éléments suivants : a) Distinction radicale de la philosophie et de la théologie.

La philo­ sophie, en effet, fait appel au seul critère de l'évidence in(rinsèque de son objet ; ·elle n'use que de la raison naturelle.

-La théologie a pour unique critère l'autorité de Dieu révélant (évidence extrin­ sèque).

Ces critères sont si distincts qu'ils s'excluent mutuellement: d'une même chose et sous le même rapport il ne peut y avoir simul­ tanément foi et science.

b) Le contenu rationnel de la Révélation.

La révélation chrétienne ne contient pas uniquement des notions supra-rationnelles (mystères).

Elle inclut, de fait et nécessairement, un grand nombre de vérités proprement rationnelles 2 • Ces notions rationnell~s, la philosophie peut évidemment les assimiler sans renoncer à son essence et à ses méthodes.

C'est ce qui s'est produit, en particulier, pour l'idée de création, qui a apporté tant de lumière à la spéculation rationnelle, pour la notion­ de personne morale, sujet du droit, etc.

a.

c) La spéculation en climat chrétien.

D'autre part, il faut tenir compte du fait que ia spéculation philosophique s'exerce par le moyen de philosophes qui peuvent être en même temps des chrétiens.

Comment pourraient-ils éviter d'éprouver et même de requérir l'influence de ce qu'ils savent par la révélation ? La seule chose nécessaire est ici que tout ce qu'ils doivent aux lumières de la foi n'entre dans le contexte philosophique que sous le bénéfice de la démonstration rationnelle et qu'ils ne confondent jamais les méthodes essentielle­ ment distinctes de la philosophie et de la théologie 4 • (1) Cf.

S.

THOMAS, Contra Centiles, II, c.

II-IV.

(2) Cf.

Et.

GILSON, L'esprit de la philosophie médiévale, t.

Il, p.

204 : « La conclusion qui se dégage de cette étude, ou plutôt l'axe qui la traverse de bout en bout, c;est que tout se passe comme si la révélation judéo-chré­ tienne avait été une source religieuse de développement philosophique, le moyen âge latin étant, dans le passé, le témoin par excellence de ce dévelop­ pement.

• (3) C'est ce que KANT reconnaît lui-même, en écrivant, à propos de la notion de foi (Méthodologie du Jugement téléologique, trad.

Barni, 1846, t.

II, p.

107) : «Ce n'est pas le seul cas où cette religion (le christianisme), si admirable et si simple, a enrichi la philosophie de concepts plus déterminés et plus purs que ceux que celle-ci avait pu fournir jusque-là, mais qui, une fois mis dans le monde, sont librement approuvés par la raison, et acceptés comme des concepts qu'elle aurait pu et dû trouver et introduire elle-même.• (4) Cf.

J.

MARITAIN, De la philosophie chrétienne, p.

27 et sv.

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