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La philosophie nous détache-t-elle de la réalité ?

Publié le 27/02/2008

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Hamlet, dans la pièce éponyme de Shakespeare ( acte I, scène 5) dit « il y a plus de choses au ciel et sur la terre Horatio que dans toute votre philosophie ». Par cette phrase, ce personnage constate une inégale répartition des choses entre la réalité constituée du ciel et de la terre, c'est-à-dire l'ensemble des choses existantes d'une part et la philosophie d'autre part comprise par le sens commun comme une discipline abstraite. La réalité possède donc une plénitude et une consistance concrète à laquelle s'arrache la philosophie. Si l'abstraction est le processus par lequel l'esprit se détache de la réalité et qu'elle est l'instrument de la pratique philosophique, il semble alors nécessaire que la philosophie nous détache de la réalité concrète à laquelle nous avons immédiatement accès. Cependant cette thèse ne peut être soutenue jusqu'au bout dans la mesure où la philosophie a pour prétention, au-delà des critiques du sens commun de tenir un discours sur la totalité des choses par le moyen de sa raison.  En effet si l'objet que cherche à penser la philosophie est la réalité, il semble que nous ne puissions déterminer unilatéralement l'effet qu'elle a sur les hommes comme un détachement, au double sens d'une prise de distance assumée et d'un manque d'intérêt. Cependant il n'en reste pas moins que la philosophie nous détache effectivement par son abstraction de la réalité immédiate. Nous sommes alors confrontés à ce problème: la philosophie nous permet-elle de connaître effectivement la réalité et de tenir un discours sur  sa totalité ou bien se réduit-elle à un arrachement et à un manque d'intérêt pour la réalité au risque de la considérer comme une entreprise chimérique ?
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« parce qu'elle exprime le refus de se satisfaire de cette conception commune de la réalité.

Le rire est alors uninstrument de condamnation sociale qui vient remettre à sa place celui qui par son doute ou sa rigueur intellectuellemenace de découvrir l'inconsistance de cette prétendue réalité.

Qu'est-ce à dire ? Le philosophe se réduit-il à untrouble-fête incapable de partager la réalité du sens commun et qui s‘enivrerait avec des abstractions vides de sens? Par son exigence intellectuelle, il serait bien plutôt celui ne se satisfait pas de l'abstraction que constitue le senscommun.

En effet selon Hegel est abstraite une pensée qui isole un seul trait érigé en réalité plutôt que de tenter del'appréhender dans sa totalité.

Le sens commun serait abstrait en ce qu'il réduirait la réalité à ce qu'il perçoit d'ellealors qu'elle est sans doute constituée de nombreuses strates de réalité.

Par exemple dans son article « qui pense abstrait ? », Hegel évoque la remarque d'une femme du peuple devant la tête d'un criminel dénommé Binder qui vient d'être exécuté, elle ne peut s'empêcher de le trouver beau.

Autour d'elle les gens scandalisés s'exclament :comment un criminel pourrait-il être beau ? On voit dans cet exemple que la mauvaise abstraction consiste dans uneparesse intellectuelle qui refuse d'appréhender la réalité dans toute sa complexité._ Si la réalité immédiate peut présenter une inconsistance qui ne résiste pas à une étude attentive, c'est quel'immédiateté sensible qui la caractérise peut être entachée de préjugés inaperçus comme l'impossibilité pour uncriminel d'être beau.

Ainsi il faudrait faire attention à ne pas consacrer sous le nom de réalité ce qui n'est peut êtrequ'un tissu plus ou moins cohérent de préjugés et d'abstractions.

Par opposition au sens commun, la philosophieprétend connaître la réalité dans sa totalité et ne veut pas se satisfaire de ce qui se présente à nous comme telle,c'est-à-dire qu'elle cherche à donner tout son sens au mot concret.

Le concret désigne ce qu'est la réalité dans satotalité et sa complexité.

En ce sens la philosophie est un usage de la raison qui use de l'abstraction parce qu'ellesait que le concret ne coïncide pas avec l'immédiat et qu'il est toujours à conquérir.

Ainsi comme nous l'expliqueBergson au chapitre III du Rire , l'art à l'instar de la philosophie doit commencer par se détourner de la réalité immédiate si elle veut accéder à la véritable réalité.

En effet ce que nous appelons réalité immédiate est en faitdéformée à travers le prisme utilitaire de notre perception qui découpe le réel selon nos besoins, en nous faisant parexemple négliger les différences individuelles.

Or si « la vie exige que nous portions des oeillères », c'est à laphilosophie comme à l'art, en suspendant l'urgence vitale, de nous en débarrasser provisoirement afin que nouspuissions voir la réalité en face.

Par conséquent, si la philosophie nous détourne de la réalité, c'est seulement quecette réalité est elle-même inessentielle et problématique.

Ainsi ce détachement n'est destinée qu'à neutraliser lesens commun afin de conquérir une réalité que nous ne percevons pas d'ordinaire.

La philosophie ne se détacherait de la réalité que pour mieux nous y rattacher, mais pourquoi faudrait-ilnécessairement que la philosophie s'attache essentiellement à la vérité ? Le présupposé de nos deux premièresparties est que la légitimité de la philosophie réside dans son lien avec la réalité.

Or ce présupposé tire la philosophiedu côté de la science dont la caractéristique est justement de tenter de connaître la réalité.

Quelle serait alors laspécificité de la philosophie par rapport à la science ? III La philosophie constitue un attachement créatif la pensée _ La réalité n'est pas l'objet propre de la philosophie.

Si cette dernière s'est constituée en partie par l'exigence de lapenser, il ne faut pas oublier que la fonction propre de la science est de décrire et de connaître la réalité dans sesarticulations.

Or la réalité ne se donne pas nécessairement à nous : la science ne peut tenter que de sauver desphénomènes, c'est-à-dire d'inventer des théories chargées de rendre compte de la manière dont les choses nousapparaissent.

La métaphysique aurait alors pour tâche de penser la réalité en elle-même.

Or comme l'expliqueMontaigne, dans ses Essais III, 13 « nous n'avons aucune communication avec l'être ».

La réalité en elle-même échappe à l'homme si bien que nus n'avons affaire qu'au devenir, au passage et à la transformation incessante deschoses en d'autres choses; aussi Montaigne renonce à se prononcer sur une réalité de dernière instance et préfères'en tenir à l'inconsistance du devenir : « je ne peins pas l'être, je peins le passage » ( III 2).

Si la science a pour fonction de rendre compte des phénomènes, et que la philosophie ne peut plus se prononcer sur la réalité en soi, laphilosophie ne peut plus être définie comme un attachement à la réalité.

Il est alors possible de penser ledétachement dont fait preuve la philosophie à l'égard de la réalité comme la voie par laquelle elle trouve saspécificité._ Si la philosophie n'est plus nécessairement l'usage de la raison qui cherche à rendre compte de la totalité deschoses, on peut se reporter à l'usage même de la pensée pour la définir.

La philosophie serait l'activité intransitivede la pensée qui n'en a jamais fini de penser, et dans cette activité, elle ne cesserait de créer des concepts.

C'estla thèse que soutient Deleuze dans Qu'est-ce que la philosophie ? La philosophie pourrait alors se définir comme une création ludique de concepts.

Les concepts sont des instruments de pensée créés par la pensée elle-même.

En cesens la philosophie serait moins à comprendre du côté de la science que de l'art et du jeu.

L'art est l'activité parlaquelle l'homme produit des œuvres.

Les concepts seraient alors l'œuvre spécifique de cet artiste de l'intellectqu'est le philosophe.

Ils pourraient alors, plutôt que de porter sur une réalité insaisissable, s'ouvrir sur la fiction.

Lafiction assume son caractère irréel par opposition à la tentative de se conformer à la réalité.

Par cetterevendication, la philosophie ne valoriserait plus comme explication du réel, mais comme créativité de la pensée. »

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