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La politique doit-elle privilégier l'ordre à la liberté ?

Publié le 11/03/2009

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La politique doit-elle privilégier l'ordre à la liberté ?

 

La politique est, de manière très générale, l’organisation du « vivre ensemble « des hommes. Cette organisation consiste notamment dans la mise en place de règles qui ont pour but d’assurer la paix entre les hommes, et la justice de leurs échanges. L’objet propre de la politique n’est pas le bien de tel ou tel individu en particulier, mais le bien commun, c’est-à-dire le bien de la société que forment les hommes lorsqu’ils vivent ensemble.

Le bon fonctionnement de la société nécessite alors que la politique mette en place et maintienne un certain « ordre «, ordre qui concerne et intègre chaque individu de la société. Cet ordre peut certes prendre la forme du « commandement « au sens où des lois, des obligations et des devoirs encadrent la vie individuelle, mais il consiste aussi dans la défense des droits de chacun. L’ordre politique, au sens de système établi et reconnu de règles de vie commune, partage tout individu de la société entre droits et devoirs.

 Sans un tel ordre, on peut supposer que chaque individu ne rechercherait que son propre bien, au détriment de celui des autres, et au détriment de celui de toute la société. L’ordre politique semble alors se construire contre la liberté de chacun : car si chacun fait « ce qu’il veut «, comment réaliser le bien commun ?

A ce point du raisonnement, il semble que la liberté au sens de « faire ce que l’on veut « soit incompatible avec l’ordre politique et tout ce que celui-ci cherche à assurer (la paix, la sécurité, la justice notamment). La liberté est alors ce que la politique devrait supprimer pour établir l’ordre. Mais la liberté est-elle si contraire à l’ordre ? Peut-être pourrait-elle y trouver sa place ? L’ordre politique aménagerait ainsi une place à la liberté. Mais on pourrait aller encore plus loin et dire qu’il ne suffit pas que l’ordre « fasse place « à la liberté : bien plus, c’est la liberté qui donnerait son sens, sa raison d’être à l’ordre politique. En d’autres termes, quel sens aurait l’ordre politique s’il n’avait pas pour but de défendre et d’assurer la liberté des hommes ?

Le problème est alors celui des rapports entre l’ordre et la liberté : s’excluent-ils radicalement ? Si tel n’est pas le cas, est-ce l’ordre qui, étant premier, aménage ensuite une place à la liberté, ou est-ce la liberté qui est première et qui donne sa raison d’être et ses limites à l’ordre ?

 

I . L’ordre et la sécurité au détriment de la liberté

II . L’ordre n’a de sens que par rapport à la liberté.

III . Le dialogue de la liberté et de l’ordre

« Remarque : l'ordre veut-il dire que toute liberté est supprimée ? Non.

Certes les hommes renoncent à leur « liberténaturelle », mais ils ont, dans l'état civil, également une certaine liberté : celle qui est « dans le silence de la loi »,explique Hobbes.

Partout où la loi n'interdit pas, ne commande pas, se dessine la place de la liberté.

D'autre part, ilfaut savoir que Hobbes indique des limites à cet ordre instauré par la politique : les hommes ne s'y soumettent quedans la mesure où cet ordre permet la préservation de la vie de chacun.

Dès lors que l'Etat ne peut plus assurercette préservation de la vie, comme c'est parfois le cas en tant de guerre, chacun peut ne plus respecter l'ordrecivil, et reprendre son droit et sa liberté naturels.La politique doit ainsi toujours privilégier l'ordre , qui permet d'assurer la préservation et la sécurité de tous.

Cet ordre implique un renoncement de chacun à sa liberté naturelle.

Mais toute liberté ne disparaît pas pour autant : laliberté « civile » et non plus naturelle, réside dans le « silence de la loi ».

L'ordre, ou la loi, ne commande pas surtout, donc : elle laisse, dans ce sur quoi elle ne dit rien, une place à la liberté.

Enfin, l'ordre n'a de sens que s'ilremplit son rôle (la préservation).

L'ordre a donc deux limites : l'une de fait (il ne statue pas sur tout et laisse des« vides » où se glisse la liberté) ; l'autre de droit : s'il ne remplit plus sa fonction de préservation de la vie, cet ordren'a plus aucune légitimité.

II .

L'ordre n'a de sens que par rapport à la liberté.

Rousseau part lui aussi de la fiction d'un état de nature, mais en montrant que les hommes vivent d'abord en paixentre eux (premier état de nature), puis que la convoitise, l'envie de posséder ont semer le trouble et le désordreparmi les hommes : dans le second état de nature, les hommes s'opposent les uns aux autres.

Mais pour Rousseau,la mise en place de l'ordre civil et politique ne signifie pas et ne peut signifier la soumission des hommes à cet ordre.Il n'y a pas de « soumission » à l'ordre politique ; l'ordre politique n'est pas une soumission, une abolition deslibertés, qui ne laisserait que quelques interstices où elle pourrait s'exercer.

L'ordre politique est « liberté ».

Tentonsde le comprendre.Dans la pacte que font les hommes entre eux, chacun abandonne son droit à chacun, acte fort par lequel chacundécide de ne garder, dans sa volonté, que ce qui est « général », en éliminant tout ce qui est singulier.

Ma volontése porte tout entière sur l'intérêt général.

C'est pourquoi ce pacte marque la mise en place de la « volontégénérale », volonté dans laquelle chacun se reconnaît.

Et c'est pour cela que lorsque la loi, qui est l'expression de lavolonté générale, m'oblige ou m'interdit quelque chose, je n'y vois pas autre chose que ma propre volonté, tournéevers l'intérêt général.Autrement dit, cette loi qui m'ordonne, c'est moi-même qui me la suis donnée par l'intermédiaire de la volontégénérale.

Je ne suis donc pas contrai nt par la loi ou, plus généralement, par l'ordre politique : j'y suis pleinement libre, car tout ce qui m'oblige, c'est ma volonté en tant que conforme à la volonté générale qui l'a choisi.

Rousseau peut ainsi définir la liberté civile de cette manière : « la liberté réside dans l'obéissance à la loi qu'on s'estprescrite » (Contrat Social, Livre I, 4).L'ordre, pour Rousseau, est donc synonyme de liberté.

Plus encore, il n'y a pas de liberté sans ordre.

Car sans ordre(naturel ou politique), les libertés ne s'expriment pas pleinement, mais s'opposent, se contredisent, entrentconstamment en conflit.

Le désordre, qu'il soit politique ou naturel (second état de nature) est toujours la négationde la liberté.

La liberté ne s'exprime que dans un ordre.

Par là même, l'ordre politique, pas plus que l'ordre naturel,n'est une négation de la liberté.

Plus précisément : l'ordre politique implique certes de renoncer à notre liberténaturelle (liberté d'atteindre tout ce que notre puissance nous permet d'atteindre), mais c'est pour mettre en placeune liberté civile tout aussi, et même plus authentique que la liberté naturelle.

Une liberté civile qui n'est pas réduiteà s'exercer dans le silence de la loi, comme le pense Hobbes, mais qui « fait » la loi, qui en est l'auteur, par le biaisde la volonté générale.C'est pourquoi si un individu viole la loi, il va contre sa propre volonté (en tant que conforme à la volonté générale) :en mettant cet individu en prison, ou en l'obligeant de quelconque manière à respecter la loi (qu'il s'est lui-mêmeprescrite !), on « le forcera à être libre » (Livre I, chap.

6), peut alors écrire Rousseau.La question de savoir si la politique doit privilégier l'ordre ou la liberté se pose alors différemment : l'ordre ne va pascontre la liberté, mais au contraire, il n'est qu'un moyen de la préserver et d'en permettre l'expression.

Ce n'est doncpas l'un ou l'autre qu'il faut privilégier, mais les deux, car sans ordre, la liberté ne peut pas s'exprimer pleinement ; etsans liberté, l'ordre perd ce qui fait son sens et sa raison d'être.

III .

Le dialogue de la liberté et de l'ordre En droit , cad telles que les choses devraient être, liberté et ordre vont ensemble et se soutiennent l'un l'autre.

Mais dans les faits , il en va très différemment.

L'ordre a toujours une tendance à vouloir tout contrôler, et la liberté a toujours une tendance à contredire l'ordre, comme si on était plus libre en « s'opposant » à quelque chose (à unordre) qu'en y adhérant.Par exemple, l'enfant a l'impression d'être plus libre lorsqu'il s'oppose à la volonté de ses parents, faisant quelquechose d'interdit.

De même, le citoyen peut avoir l'impression d'être plus libre si, en plus de la liberté de faire les lois(sa volonté étant conforme à la volonté générale), il garde la liberté de les enfreindre (en tant que sa volonté estparticulière, et tournée vers son propre intérêt).

Mais en y réfléchissant bien, ce n'est qu'une impression, et on n'estpas du tout « plus libre » lorsque l'on peut s'opposer à la loi, surtout si l'on juge que celle-ci est bonne pour l'intérêtgénéral ! Dans cette perspective, lorsque la liberté tente de se contredire elle-même, et avec elle l'ordre qu'elle acontribué à mettre en place, il semble juste de considérer avec Rousseau que, dans ce cas , la politique doit réaffirmer l'ordre et « forcer » cette liberté à être « libre », cad non contradictoire avec elle-même. Mais on peut aussi considérer que l'abus ne viendra pas de la liberté mais de l'ordre lui-même.

C'est ce qui se passe. »

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