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La question « qui suis-je ? » admet-elle une réponse exacte ?

Publié le 22/02/2012

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[INTRODUCTION] En général, lorsque quelqu'un me demande qui je suis, je sais comment et quoi lui répondre, sauf si j'ai une amnésie totale. Je suis moi-même, j'ai une identité que je peux décliner, une profession, etc... il n'y a aucun doute sur ces éléments et je sais qu'ils sont véridiques, qu'ils ne sont pas erronés. Cependant, ai-je pour autant dit qui j'étais ? Ce « je » qui parle en moi est-il entièrement décrit ou même défini par la liste des attributs avec lesquels je me présente habituellement ? S'agit-il d'une réponse exacte ? Le sujet que je suis pourrait bien, d'une part, ne pas être totalement transparent à lui-même, d'autre part, il se pourrait qu'il ne soit pas descriptible au moyen d'un discours d'une rigoureuse exactitude. Tout dépend de ce que l'on entend par « exact », de l'extension que l'on accorde à ce terme.
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« non d'une connaissance.

Au contraire même, si j'ai pleinement conscience que ce « je » que je convoque pour parlerde moi aussi bien au passé qu'au présent est affecté d'une certaine continuité, je sais aussi pertinemment que ce «je » que j'étais et tel qu'il était dans le passé m'est à jamais inaccessible.

Ce « je » que j'étais est pour moi uneénigme dans la mesure où, si je tente de l'approcher et de l'envisager, c'est à partir du « je » que je suis maintenantet qui est affecté d'une mémoire plus grande, d'autant plus grande que je choisis un « je » éloigné dans le temps.

Letemps de la conscience, comme l'explique Bergson dans Matière et Mémoire, n'est pas en effet le temps desphysiciens, c'est-à-dire un temps qui n'est pas du temps, un temps spatialisé dans lequel on pourrait se déplacer àsa guise et choisir un point quelconque comme référent.

Le temps de la conscience est la durée, autrement dit unesuperposition constructive et synthétique des expériences du moi.

Bergson affirme ainsi qu'« on chercheraitvainement, en effet, à caractériser le souvenir d'un état passé si l'on ne commençait par définir la marque concrète,acceptée par la conscience de la réalité présente ».

Aussi la vision que je peux avoir du « je » passé n'est-elletoujours que la représentation de ce « je » dans le présent en fonction et selon les caractéristiques et la mémoirede ce « je » présent d'où je parle toujours. [B.

Il y a une part d'inconscient en moi] On pourrait cependant objecter ici que la question « qui suis-je ? » est auprésent et que le fait de ne pouvoir répondre exactement à la question « qui étais-je ? » importe peu pour leprésent problème.

Il nous faut à la fois invalider et tenir compte de cette objection.

Nous pouvons tout d'abord larejeter relativement facilement en rappelant que ce « je » présent, si l'on veut se concentrer exclusivement sur lui,est toujours le produit et la synthèse, pour une part au moins, des « je » passés ; il serait donc artificiel de leconsidérer comme détaché et sans lien avec le passé.

En bref, la connaissance exacte du « je » présent exige laconnaissance des « je » passés à laquelle nous ne pouvons accéder jus- tement parce que nous sommes un « je »présent.

Mais, si nous persistons à vouloir tenir compte de l'objection, il faut encore ajouter que la connaissance dece « je » présent exige une parfaite transparence du sujet à lui-même.

Or peut-on être assuré d'une telletransparence ? Rien n'est moins sûr.

Déjà Leibniz, dans les Nouveaux Essais sur l'entendement humain, disait que «c'est une grande source d'erreurs de croire qu'il n'y a aucune autre perception dans l'âme que celles dont ons'aperçoit ».

Aussi semble-t-il peu probable que le contenu de la conscience à un moment donné coïncideexactement avec le contenu de tous les processus psychiques impliqués.

Enfin, le travail de la psychanalyse nous amontré à quel point, selon le mot de Freud dans Essais de psychanalyse appliquée, « le moi n'est pas maître dans sapropre maison ».

L'essentiel du travail psychique est en effet inconscient et le moi n'est pas à même d'examiner lescoulisses de la conscience, il existe en quelque sorte un point aveugle de la conscience qui se trouve être le centrede son élaboration.

Aussi toute réponse à la question « qui suis-je ? » est-elle condamnée à rester partielle etlacunaire et donc inexacte. [C.

Le caractère irréductible de la subjectivité interdit toute détermination exacte] Une « réponse exacte » peutencore s'entendre comme une réponse de type scientifique, dans le sens où l'on parle de sciences exactes, c'est-à-dire comme un énoncé formel constituant le théorème d'une théorie plus générale s'inscrivant dans une axiomatique.Mais puis-je décrire en ces termes ma personne ? Quand bien même on ferait fi des problèmes de l'inconscient et dutemps, il resterait encore celui-ci.

Le sujet que je suis peut-il être intégralement et justement décrit puis réduit enéquations ou en tout autre discours formel ? Ce « je » est ce qui pense, ce qui veut, ce qui désire, ce qui agit, cequi ressent, en moi : toutes ces facultés peuvent-elles constituer les objets d'une ou même de plusieurs sciences(une réponse exacte ne désigne pas nécessairement une réponse simple, concise ou rapide) ? La psychologie et lapsychanalyse, la physique, la biologie, la neurobiologie épuisent-elles le champ d'extension du sujet ? Rien n'estmoins sûr.

En effet, même si toutes ces sciences étaient arrivées à un point de raffinement tel qu'aucune réaction,aucune pensée consciente et aucun processus inconscient, aucun sentiment éprouvé par le sujet ne leuréchapperaient, elles resteraient aveugles à un élément fondamental qui est l'effet que cela fait d'être ce sujet quipense, réagit et ressent. [Transition] Le « je » est un objet particulier qui exige pour son étude qu'on le considère à la fois et en même tempscomme sujet et comme objet.

La réponse exacte à la question « qui suis-je ? » serait dès lors du type « je suis unechose qui pense, ressent et veut, autant d'actions descriptibles en droit par des discours rigoureux appropriés et jesuis en outre une chose qui se sait elle-même être ce sujet-ci qui pense, ressent et veut ».

L'objectivation du « je» constitue ainsi l'assurance qu'on l'étudiera non seulement partiellement mais en plus dans ce qu'il a de moinsessentiel et caractéristique, c'est-à-dire comme objet et non plus comme ce qu'il est, un sujet. [3.

La question admet une réponse exacte qui ne constitue pas une connaissance] [A.

Il n'y a pas de connaissance possible du « je »] Il faut donc bien admettre qu'une connaissance exhaustive et parfaite du sujet n'est pas envisageable.

Maisl'expression « réponse exacte » doit- elle être assimilée à l'exigence d'une telle connaissance ? Le terme deconnaissance est-il approprié à l'étude du sujet ? Ne peut-on envisager une « réponse exacte » qui ne soit pas laconstitution d'une connais- sance ? Ne peut-on pas comprendre ce terme « exact » comme plus ou moins synonymede « adéquat » ? Autrement dit, il s'agirait de donner une réponse pertinente à la question « qui suis-je ? », c'est-à-dire une réponse qui donne tout ce que l'on peut savoir sur ce « je » sans en altérer la signification.

Dans le fond,on peut bien penser que la question « qui suis-je ? » appelle l'élucidation d'un sens.

Aussi faut-il peut-être serésoudre à penser, d'après tout ce que l'on a vu, que la question « qui suis-je ? » revient à poser la suivante : «quel sens cela a-t-il d'être un sujet ? » ; ou pour être encore plus précis : « qu'est-ce que cela signifie pour moid'être ce « je » ? Ainsi, en prenant acte, dans la Critique de la raison pure, du fait que « la conscience de soi-mêmen'est pas encore, il s'en faut, une connaissance de soi-même », Kant tente d'éclairer le sens du « je » comme point. »

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