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La religion est-elle une simple manifestation de la culture ?

Publié le 27/02/2008

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religion
La religion désigne le moyen par lequel l'homme accède à ce qui le dépasse, que l'on pourrait appeler Dieu ou l'absolu. « Religio » signifie en latin l'acte de relier notre monde humain avec l'au-delà ; la fonction dans l'antiquité romaine de « pontifex maximus » est paradigmatique de cette conception de la religion comme instrument de liaison entre les hommes et Dieu : en effet, le « pontifex » est chargé à la lettre de construire un pont entre l'au-delà et nous. Ainsi la religion est par essence une prétention à transcender; c'est-à-dire à dépasser le monde humain de la culture. La culture désigne l'ensemble des faits humains en tant que l'homme n'est pas un être intégralement naturel. Or si la religion par l'accès à l'au-delà qu'elle propose prétend dépasser la culture comprise comme monde humain, cette prétention à la transcendance s'effectue elle-même au sein de la culture. C'est depuis ce paradoxe qu'on peut se demander si la religion se réduit à une simple manifestation de la culture. Poser une telle interrogation, c'est remettre en cause la prétention de la religion à accéder à l'absolu ; ce qui revient fondamentalement à tester la validité métaphysique de la religion : la religion excède t-elle le monde humain comme elle le prétend ou bien n'est-elle que l'expression d'une communauté culturelle donnée ?
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« _ Qu'est-ce que le relativisme ? C'est l'idée selon laquelle pour penser une chose, il ne faut pas la comprendre parelle-même, mais la relier à ce qui n'est pas elle ; en cela elle s'oppose à l'absolu.

Par exemple la religion chrétiennedoit être pensée comme une expression possible de cette culture spécifique qu'est la culture occidentale et qui nedoit pas se confondre avec d'autres.

La religion perd ainsi son absoluité et sa pureté métaphysique se voit entachéepar le lien entretenu avec une culture donnée.

En ce sens, il ne s'agit plus de penser la religion sur le mode del'expérience individuelle avec l'absolu, mais de comprendre son aspect collectif et contingent.

Comme l'écritMontaigne dans ses Essais (II, 12) « nous sommes chrétiens au même titre que nous sommes périgourdins ».

Puisque Dieu, s'il existe, nous est absolument inaccessible, l'appartenance à une religion est contingente etdéterminée par la géographie et par l'histoire, deux domaines qui n'ont rien de métaphysique.

De cette contingenceentachant la religion, Montaigne fait un principe de tolérance envers toutes les croyances;_ La religion se réduirait donc, selon le relativisme, à une manifestation d'une culture déterminée.

Pourtant il y ades phénomènes qui semblent à première vue ne pouvoir être expliqués par cette conception relativiste de lareligion.

Par exemple, les guérisons miraculeuses laissent les scientifiques dans l'incapacité d'en rendre compte :faut-il nécessairement requérir l'intervention d'une force divine pour comprendre ces phénomènes ? En fait, il sembleque les miracles ne soient possibles que sur ceux qui sont intimement convaincus de leur possibilité; non pas que lemiracle soit la récompense envoyée par Dieu à son serviteur dévoué, mais tout simplement parce que la croyanceen constitue la condition de possibilité.

Or la croyance s'incarne au sein d'un corps de doctrines constituées.

Ainsi lemiracle témoigne de l'efficacité symbolique de cette doctrine sur l'esprit du croyant.

C'est ce que soutient Lévi-Strauss au chapitre X de l'Anthropologie structurale en racontant l'impact du récit du Chaman sauvant une jeune femme d'un accouchement difficile.

Il raconte à la femme que ses difficultés sont dues à de mauvais esprits qui sesont emparés de son corps, mais à l'instant même, les bons esprits sont en train de les combattre.

Alors c'est lacroyance de cette femme dans le récit qui donne sens à sa douleur qui permettent la résolution de ces difficultésphysiologiques.

Le miracle se fonde sur l'efficacité symbolique lui-même conditionnée par la croyance en un contenudoctrinal correspondant à une culture déterminée.

Par conséquent, on peut affirmer que la religion est une simplemanifestation de la culture.

Néanmoins est-ce que la possibilité de réduire la religion à la culture invalide absolument les prétentions de lareligion à dépasser le monde humain ? III La religion est un fait anthropologique qui échappe à la pluralité des cultures _ La pluralité des traditions n'est pas un argument contre la prétention de la religion à dépasser le monde humain.

Eneffet la pluralité n'est contradictoire que si chaque tradition prétend détenir le monopole de la vérité contre toutesles autres.

L'intolérance en ce sens ne serait essentielle à la religion que si chaque tradition se fonde en rupture eten conflit avec les autres.

Or la conscience de son aspect culturel, c'est-à-dire de sa détermination contingente,empêche une tradition séparée des autres de coïncider avec l'absolu.

Ainsi si une tradition ne diffère des autres quepar son contenu culturel, alors rien n'interdit que les traditions puissent communier dans la même foi.

Prendreconscience de la différence culturelle, ce serait alors le moyen par lequel la différence apparaît inessentielle à lareligion en tant que fait universel.

Si l'ethnologie pense les religions dans ce qui les fait différer les unes, les autres,ce serait une des tâches de la philosophie que de penser ce par quoi elles se ressemblent.

Ainsi la fable des troisanneaux dans la pièce de théâtre Nathan le sage de Lessing fonde la possibilité d'une religion identique dans des contenus culturels différents : les représentants des trois monothéismes sont symbolisés par trois fils se querellantaprès la mort de leur père en revendiquant chacun la possession de l'anneau qu symbolise la vraie foi.

Or comme leurpère les aimait tous les trois d'un commun amour, il a fait copié l'anneau en deux autres exemplaires et leur en aoffert chacun un de telle sorte que personne ne puise dire quel est le vrai.

Par là, on voit que l'authenticité del'anneau originaire n'a plus de valeur en elle-même car le don des trois anneaux résultant de l'amour du père les arendu tous les trois également vraies.

Par cette parabole on voit que tous les croyants peuvent communier dansune même foi pour Dieu, par delà leur différences culturelles._ Si la religion est constituée en tant que corps de doctrines par la culture, en tant que foi en l'existence de Dieu,elle lui échappe puisque les croyants peuvent communier dans l'identité de leur foi sans se préoccuper de ladifférence de leur confession.

La pluralité des religions est comprise par les croyants comme la pluralité desmanifestations de Dieu.

La possibilité de cette communion résulte d'une identité de nature : c'est parce que l'hommeest par essence religieux que la religion échappe en tant que fait anthropologique à la pluralité des culturesdonnées.

S'il y a des religions, c'est justement parce que la religiosité a une base au sein de l'homme.

C'est ce quesoutient Mircea Eliade dans le Sacré et le profane : paradoxalement même l'homme moderne qui s'affirme areligieux vit encore malgré lui la vie de « l'homo religiosus« .

Le sacré désigne au sein du monde une chose qui relie l'homme àun autre monde.

Ceux qui ont beau ne pas croire vivent pourtant leur vie sur un mode religieux.

Par exemple, lecinéma hollywoodien continue à satisfaire notre désir du paradis par le spectacle de pays féconds où l'argent estaussi facile à conquérir que les femmes.

De même, les fêtes de fin d ‘année constituent un rite où l'on consacre ladestruction et la création cyclique du monde;_ Si la religion est un fait anthropologique fondamental, c'est moins la religion qui est une manifestation de la cultureque la culture qui est une manifestions du religieux.

En effet, toutes les religions propagent des mythes dontl'identité relative malgré la différence des pays et des époques montre leur fonction existentielle.

La fonctionexistentielle du religieux est d'organiser et de structurer notre monde : nous voulons en effet toujours vivre aucentre du monde Ainsi, nous luttons conte l'indifférenciation en nous référant constamment à ce centre.

Ainsi, si leprincipe de la religion ne peut être réductible à aucune culture donnée, c'est que c'est le fait anthropologique de lareligion qui permet le déploiement d'une pluralité de cultures différentes.

Par conséquent, on ne peut en dernièreinstance affirmer que la religion n'est qu'une simple manifestation de la culture.

Conclusion :. »

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