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La responsabilité devant autrui E. LÉVINAS

Publié le 05/01/2020

Extrait du document

S'il nous est possible de nous replier sur nous-mêmes face au monde, autrui m'oblige à répondre à son appel.

 

Alors que le monde qui heurte la pensée ne peut rien contre la libre pensée capable de se refuser intérieurement, de se réfugier en soi, de rester, précisément, libre pensée en face du vrai, de revenir à soi, de réfléchir sur soi et de se prétendre origine de ce qu’elle reçoit, de maîtriser par la mémoire ce qui la précède, alors que la pensée libre reste le Même - le visage s’impose à moi sans que je puisse rester sourd à son appel, ni l’oublier, je veux dire, sans que je puisse cesser d’être responsable de sa misère. La conscience perd sa première place. [...] Mais la mise en question de cette sauvage et naïve liberté pour soi, sûre de son refuge en soi, ne se réduit pas à un mouvement négatif. La mise en question de soi est précisément l’accueil de l’absolument autre. L’épiphanie de l’absolument autre est visage où Autrui m’interpelle et me signifie un ordre, de par sa nudité, de par son dénuement. C’est sa présence qui est une sommation de répondre. Le Moi ne prend pas seulement conscience de cette nécessité de répondre, comme s’il s’agissait d’une obligation ou d’un devoir particulier dont il aurait à décider. Il est dans sa position même de part en part responsabilité ou diaconie1, comme dans le chapitre 53 d’Isaïe2.

 

Être Moi signifie, dès lors, ne pas pouvoir se dérober à la responsabilité, comme si tout l’édifice de la création reposait sur mes épaules. Mais la responsabilité qui vide le Moi de son impérialisme et de son égoïsme - fut-il égoïsme du salut - ne le transforme pas en moment de l’ordre universel, elle confirme l’unicité du Moi. L’unicité du Moi, c’est le fait que personne ne peut répondre à ma place.

 

Découvrir au Moi une telle orientation, c’est identifier Moi et moralité. Le Moi devant Autrui est infiniment responsable.

 

Emmanuel LEVINAS, Humanisme de l'autre homme, Fata Morgana, 1972, p. 50.

« dénuement.

C'est sa présence qui est une sommation de répondre.

Le Moi ne prend pas seulement conscience de cette nécessité de répondre, comme s'il s'agissait d'une obligation ou d'un devoir particulier dont il aurait à décider.

Il est dans sa position même de part en part responsabilité ou diaconie 1, comme dans le chapitre 53 d'Isaïe 2.

Être Moi signifie, dès lors, ne pas pouvoir se dérober à la responsabilité, comme si tout l'édifice de la création reposait sur mes épaules.

Mais la responsabilité qui vide le Moi de son impérialisme et de son égoïsme -fut-il égoïsme du salut -ne le transforme pas en moment de l'ordre universel, elle confirme l'unicité du Moi.

L'unicité du Moi, c'est le fait que personne ne peut répondre à ma place.

Découvrir au Moi une telle orientation, c'est identifier Moi et moralité.

Le Moi devant Autrui est infiniment responsable.

Emmanuel LÉVINAS, Humanisme de l'autre homme, Fata Morgana, 1972, p.

50.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE Le monde peut être ramené à sa représentation.

Je peux, en effet, refuser le monde et le tenir pour simple apparence, comme Descartes, par exemple, dans l'entreprise du doute.

Mais autrui est, lui, simple présentation.

Par cette présentation ou épiphanie, autrui s'expose à moi.

Le visage est cette présentation d'autrui, dans sa nudité.

Je ne peux pas réfuter autrui, mais simplement lui répondre.

S'il n'est pas possible de se dérober à cette responsabilité, c'est qu'il n'est pas possible d'ignorer autrui, ou de le nier en le ramenant à la figure du même.

Mais si autrui est unique, je le suis aussi.

Ne pas se dérober, c'est comprendre que personne d'autre ne peut répondre à ma place.

1.

Du grec diakonos, serviteur, obligé.

, 2.

Passage de la bible qui annonce, la venue du serviteur de l'Eter­ nel, sous la figure de !'humilié, portant le poids de nos souffrances.. »

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