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La science et le hasard

Publié le 25/07/2012

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Pour résoudre ce problème, appliquons le schématisme kantien à la pensée a priori du concept de loi du hasard et voyons pourquoi une science du hasard tombe inévitablement du coté de la métaphysique. La révolution de la méthode scientifique comme méthode expérimentale développée par Claude Bernard donne l’hypothèse expérimentale comme nécessaire à l’expérience : « l’idée a priori ou mieux l’hypothèse est le stimulus de l’expérience « (Introduction à l’étude de la médecine expérimentale). La science d’une chose est donc la connaissance de son principe a priori et sa vérification expérimentale. En l’occurrence, les probabilités ont suivi le sens inverse. L’idée du schématisme de Kant consiste à considérer la pensée non plus comme une visio, mais comme une praxis. La pensée ne devient que rattachement du concept à la pratique. L’exemple canonique est que l’on pense un triangle, en pensant sa construction. Quelle pratique peut-on donc avoir a priori du concept de loi du hasard ?

« définitif, on ne peut trouver de pratique d'une loi a priori du hasard en tant que principe producteur d'inconnu.

On tombe donc dans la métaphysique, qui, commel'affirme Kant, donne des concepts sans rattachement pratique. On a donc résolu en partie le problème de la prévision.

On connaît le principe de l'aléa, ou si l'on peut dire le principe du résultat possible connu.

On remarque quecette prévision ne fonctionne qu'à l'échelle du grand nombre mais l'approfondissement de ce problème ne rentre pas dans le cadre de cette étude.

La dimensionnovatrice nous échappe toujours, à l'évidence scientifiquement puisque qu'elle échappe déjà à la simple pensée, par impossibilité de pratique de ce qui n'est pasencore arrivé, de ce qui n'a encore jamais été connu.

Comment appréhender pleinement le hasard, si ce n'est en réfutant l'autorité de la science et en acceptant dediminuer notre capacité de connaître le hasard, pour simplement arriver à le penser dans sa totalité ? Un dernier plan d'attaque consiste en l'acceptation de l'impuissance de la science face au hasard, c'est-à-dire une conception du hasard comme échappant totalement àla science.

On va penser le hasard dans toute sa puissance dans un monde chaotique.

Le hasard n'est plus pris comme objet, mais comme loi suprême. Pour la plupart des sciences actuelles, le monde ne se présente plus ni comme un cosmos à découvrir, ni comme un ordre à construire.

Au début du XXe siècle, lephysicien Henri Poincaré fonde la théorie du chaos.

Le monde devient un système chaotique et nous sommes nous-mêmes des systèmes chaotiques.

Un systèmechaotique est un système dynamique (qui réagit), qui peut évoluer de façons radicalement différentes et très rapidement, suivant la moindre petite variation desconditions initiales de son état.

L'ordre devient donc un part du rêve de l'homme.

C'est ce que le mathématicien Lorenz présente sous le nom d' « effet papillon ».

Unepart beaucoup plus importante est donc laissée au hasard.

Seules des lois mécaniques naturelles subsistent, mais le hasard s'y intercale.

Le hasard n'est plus une entitépropre, c'est une variation infime de conditions qui a une répercussion énorme sur l'effet.

« Une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérableque nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard.

»(Henri Poincaré).

Le hasard résulte alors d'une disproportion entre lescauses infimes et les effets gigantesques.

Dans cette position, dans ce monde chaotique, que devient donc la science ? Quelles possibilités lui reste-t-il ?La connaissance des conditions initiales de chaque phénomènes avant sa réalisation pourrait fonctionner, mais cela se révèle inapplicable en pratique car lesvariations sont trop infimes et trop multiples et donc inintelligibles.

Jean-Jacques Kupiec propose une science du vivant qui intègre le hasard.

Il forge sur l'image déjàutilisé par Descartes, le concept mécano-probabiliste d'Homme-Aléatoire : « L'Homme-Aléatoire permet d'échapper au finalisme et à l'essentialisme » (L'Origine desindividus, 1.2, §4).

La construction du vivant serait régie par les lois de la biologie et de la physique, mais sans finalité, par des phénomènes probabilistes.

Il créedonc l'ontophylogenèse : La structure conceptuelle de l'ontophylogenèse est donc faite d'un mélange de hasard et de sélection analogue à la théorie de la sélectionnaturelle.

(L'Origine des individus, 1.1, §3).

L'idée des conditions initiales variables sont ici retranscrites dans le concept d'environnement.

L'environnement extérieurest récupéré de la théorie darwinienne, tandis que l'environnement intérieur est issu d'une idée de Claude Bernard.

Le vivant est soumis aux fluctuations de sonenvironnement et s'y adapte perpétuellement.

Cette conception permet donc une intégration du hasard dans son entier à l'étude scientifique.

Le hasard devient une loifondamentale de tout objet de science.

Par là même, si la science accepte le hasard dans son entier, elle le fait en étant elle-même terriblement affaiblie par cettenouvelle conception chaotique.

Est-ce donc contradictoire de penser le hasard comme une loi fondamentale de toute science ? Non, cela permet de saisir le hasardsans l'altérer.

Toutefois, si le hasard est pensé sans être amoindri, la science perd sa capacité de connaissance du réel.

Même par un jugement a posteriori, la moindrepetite variation peut tout changer.

Comment donc gérer le hasard, la science ne doit-elle pas se redéfinir ?L'enjeu de connaissance et de compréhension du phénomène de hasard nécessite une refondation de la science.

La science ne devrait plus se penser comme maîtrisemais comme adaptation.

Dans le monde chaotique, livré au hasard, le concept psychologique de spontanéité semble offrir cette alternative.

Pour vivre mieux, dans lechaos, il faut s'adapter perpétuellement au hasard, se laisser guider.

En étant continuellement en phase avec ce qui est présentement, en étant capable de composeravec les circonstances, au lieu de tenter vainement de tout maîtriser.

Un nouveau champ de connaissance s'ouvre à la science au sens de connaissance.

Si la sciencen'est plus maîtrise et prédiction, mais adaptation présente, on trouve une redéfinition de la connaissance.

La connaissance ne se trouve plus comme une maîtrise maiscomme un vécu, comme une sensation.

De cette façon, de même que l'on connait mieux la force de l'eau si l'on se baigne dans une rivière que si l'on en décrit la forcepar une équation, on connaîtra mieux le hasard en s'y laissant porter. Dans la conception d'un monde comme chaos, le hasard retrouve son intégrité mais la science perd sa capacité de connaissance du réel.

En pensant le hasard commeune loi fondamentale du réel, alors la science ne doit plus chercher la maîtrise mais la simple connaissance par adaptation aux fluctuations du hasard. En somme, si l'on considère la science et le hasard comme deux notions hermétiques, il est possibles d'avoir une connaissance du hasard via la vertu de prudence,mais celle-ci ne saisit pas le hasard dans son entier et reste incapable de connaissance a priori.

Si l'on prend la science comme capable de toute connaissance dans unmonde déterminé par des lois et donc le hasard comme objet de science, on arrive à une connaissance partielle de l'aléa a priori.

Mais le concept de hasard n'étant pasconsidéré dans son entier –la dimension novatrice est écartée –, la science du hasard intègre devient métaphysique et devient donc une croyance.

Enfin, si l'onconsidère le réel comme un chaos dans lequel le hasard est une loi déterminante de toutes choses, la science perd sa capacité de connaissance du réel.

Il est alorsnécessaire de redéfinir la science non plus comme une capacité de maîtrise, mais comme une capacité d'adaptation aux circonstances aléatoires.

On peut donc penserscientifiquement, c'est-à-dire avoir une connaissance du hasard sans l'altérer, mais à condition de redéfinir la science comme adaptation et d'abandonner la volonté demaîtrise du réel.

Pour aller plus loin, on pourrait se demander s'il nous est possible de ne pas être adapté au hasard dans la mesure où nous y serions soumis.

Que l'onsonge donc au rôle du hasard dans l'évolution même de la science, ou encore au rôle du hasard dans l'avancement de cette dissertation…. »

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