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La science peut-elle détruire toutes les croyances ?

Publié le 27/02/2008

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Il faut ajouter que si la façon dont la religion affirme que la vie a un sens ?en confrontant l'homme à un être et à une loi cosmique qui s'imposent à lui de l'extérieur- est d'un objectivisme qui peut paraître naïf, il n'est pas sûr que s'imaginer se passer complètement de toute foi ne soit pas une autre forme de naïveté. Il y a pour fonder une vie bien des formes de croyances possibles (le progrès, la science, l'art, ou l'amour), qui jamais ne reposent sur la connaissance ni sur la raison, et toutes révèlent un certain écart entre ce que nous savons du monde et les postulats subjectifs qui nous permettent de vivre en lui. En rendant cet écart manifeste, et en le poussant à l'extrême, en ancrant nos aspirations morales et spirituelles sur des mythes totalement arbitraires d'un point de vue cognitif, la religion dévoile en fait franchement (au lieu de la dissimuler, comme on le fait aujourd'hui trop souvent) et assume une contradiction qui est peut-être au coeur de toute existence. En ce sens, Hegel et Feuerbach avaient bien raison de considérer qu'elle est la forme la plus originaire et la plus exemplaire de la conscience par l'homme de son humanité. En elle se révèle bien le paradoxe central d'une telle conscience : il n'est sans doute pas possible qu'une existence ne soit, dans son coeur le plus intime, subjectivement fondée sur des croyances qui d'un point de vue objectif semblent dénuées de tout fondement, et que la recherche de la spiritualité la plus haute ne prenne pas aussi parfois, pour celui qui l'observe « de l'extérieur », le visage d'une automystification. Cette réfutation des arguments naïfs qui déclarent la religion « fausse » parce qu'elle serait « en contradiction avec les données de la science » n'implique pas pour autant que la foi religieuse ait aujourd'hui, dans une culture avancée, la même nécessité qu'à l'époque où elle était le seul moyen pour l'homme d'exprimer le sentiment métaphysique de son existence. Bien des raisons expliquent que tout en restant sans doute indispensable dans nos cultures ?ne serait-ce qu'en tant que dépositaire des traditions les plus anciennes et les plus fondamentales par lesquelles s'est définie l'humanité-, elle ne soit plus pour chaque individu qu'une option parmi d'autres, et que son influence collective ait donc connu un recul : la difficulté d'adhérer à des mythes dont la relativité culturelle est évidente, la méfiance, chez beaucoup de nos contemporains, à l'égard du principe même d'une adhésion sans distance critique, l'intérêt qu'ils portent à la connaissance et à la transformation rationnelles du monde, que la foi religieuse tend souvent à juger insignifiantes et sans valeur, la gêne qu'ils ressentent à l'égard d'un discours théologique suspect d'être emphatique et inadéquat à son objet, qu'il tend toujours à réifier, le sentiment enfin que les métaphysiques religieuses manquent parfois de complexité par rapport à celles plus inquiètes que produit (par exemple dans le domaine littéraire) la culture moderne, en sont quelques-unes. Une chose est néanmoins sûre : croire que la religion se réduit à une superstition et que sa disparition est la condition de la désaliénation de l'homme est aujourd'hui devenu une naïveté et un signe d'inculture. [Science = question des « comment » ; Religion = question des « pourquoi » ; Philosophie = question du « pourquoi » des « comment ». Lorsque la religion prétend répondre au « comment », elle devient dogmatique.

« Enfin, dans l'état positif, l'esprit humain reconnaissant l'impossibilité d'obtenir des notions absolues, renonce àchercher l'origine et la destination de l'univers, et à connaître les causes intimes des phénomènes, pours'attacher uniquement à découvrir, par l'usage bien combiné du raisonnement et de l'observation, leurs loiseffectives, c'est-à-dire leurs relations de succession et de similitude.

» COMTE, « Cours de philosophiepositive ». II [Pourquoi la science n'a-t-elle pas fait disparaître la croyance religieuse ?] La croyance orrespond-elle seulement à une forme de conscience primitive naïvement animiste, que l'êtrehumain serait nécessairement amené à rejeter au fur et à mesure qu'il gagnerait en savoir et en maturité ? Ilest certain qu'à la lecture de Feuerbach, de Nietzsche, de Freud, de Sartre semble inviter à une telleconclusion.

Mais il n'est pas moins évident que ces analyses destructrices n'ont pas entraîné, comme on a crujadis qu'elles le feraient, la disparition de la croyance religieuse, et que celle-ci reste d'une étonnante vitalité: même dans les pays les plus développés et les plus sceptiques, où elle a connu une crise indiscutable, qui l'afortement marginalisée, son rôle a été redéfini (s'intégrant sans trop de heurts dans un cadre politico-philosophique fondamentalement laïque) plus qu'il n'a disparu.

Et c'est en fait l'athéisme radical qui paraîtaujourd'hui daté, et qui a cessé d'apparaître comme une position intellectuelle avancée : l'influencenotamment de l'anthropologie, qui montre dans le fait religieux une des formes les plus universelles de laculture, a souvent conduit à sa relégitimation intellectuelle même par ceux qui se déclarent personnellementincroyants.Ce dont on a d'abord pris conscience, c'est de l'erreur qu'il y avait à traiter la foi religieuse comme une sortede concurrente maladroite de la science : s'il est illégitime de la considérer comme une illusion, c'est qu'elle nese veut pas une connaissance du monde tel qu'il est.

Il est plus pertinent de voir en elle une façon destructurer activement la vie humaine et de l'arracher au non-sens : cela à la fois par la pratique de certainesrites, et par l'adhésion à des dogmes et des mythes visant à exprimer et à affirmer, dans un langagesymbolique, une certaine conception de la vocation spirituelle de l'être humain et du sens de sa destinée–sens dont aucun discours cognitif ne peut et ne veut par principe parler.

Quelle est cette conception ? Aucoeur de toute conscience religieuse, on retrouve, semble-t-il, un certain nombre de convictions communes :celle que l'homme est d'abord un être éthique, confronté à des devoirs qu'il ne peut modifier à sa guise, et quirenvoient donc à une loi absolue et indépendante de lui ; celle qu'il est un être fini, voué à la souffrance et àla mort, que la recherche exclusive du bonheur terrestre condamne donc nécessairement au désespoir ; cellequ'il est aussi un être faillible, capable de l'erreur et du mal, qui plutôt que de s'enorgueillir de lui-même doits'efforcer dans l'humilité de se perfectionner et de se purifier ; celle du coup qu'il ne peut atteindre la sérénitéqu'en se décentrant, en reconnaissant sa totale dépendance par rapport à une réalité qui le dépasseinfiniment, en éprouvant de l'émerveillement et de la gratitude devant le fait que la vie lui soit donnée, encherchant à accepter l'ordre du monde et à s'y adapter au lieu de le dominer; celle enfin qu'il n'est pas de vieexistentiellement lucide qui ne soit fondée sur la conscience de la différence entre le relatif et l'absolu, entreles événements internes au monde visible, et ce qui donne sens à la vie –et n'appartient précisément pas à cemonde-, auquel on donne le nom de Dieu.

On voit que du coup pour le croyant la question n'est pas au fondde savoir « si Dieu existe » : mais si l'existence humaine ne gagne pas en richesse et en profondeur lorsqu'ellese décentre et se situe en relation à « Dieu ».

Que Dieu soit une création de l'homme, et n'ait pas l'objectivitédes pierres ou des étoiles, ne fait guère de doute : mais le problème est de savoir si la religion n'estprécisément pas le meilleur –c'est en tout cas à coup sûr le plus ancien et le plus universel- moyen trouvé parl'homme pour « humaniser » sa vie, et lui donner du sens : « Grâce aux phases lunaires, cad à sa naissance,sa mort et sa résurrection, les hommes ont pris conscience à la fois de leur propre mode d'être dans lecosmos et de leur chance de survie et de renaissance.

Grâce au symbolisme lunaire, on a pu mettre enrapport et solidariser des faits aussi hétérogènes que : la naissance, le devenir, la mort, la résurrection.

Ceque la lune révèle à l'homme religieux c'est sa possible immortalité.

»Il faut ajouter que si la façon dont la religion affirme que la vie a un sens –en confrontant l'homme à un êtreet à une loi cosmique qui s'imposent à lui de l'extérieur- est d'un objectivisme qui peut paraître naïf, il n'estpas sûr que s'imaginer se passer complètement de toute foi ne soit pas une autre forme de naïveté.

Il y apour fonder une vie bien des formes de croyances possibles (le progrès, la science, l'art, ou l'amour), quijamais ne reposent sur la connaissance ni sur la raison, et toutes révèlent un certain écart entre ce que noussavons du monde et les postulats subjectifs qui nous permettent de vivre en lui.

En rendant cet écartmanifeste, et en le poussant à l'extrême, en ancrant nos aspirations morales et spirituelles sur des mythestotalement arbitraires d'un point de vue cognitif, la religion dévoile en fait franchement (au lieu de ladissimuler, comme on le fait aujourd'hui trop souvent) et assume une contradiction qui est peut-être au coeurde toute existence.

En ce sens, Hegel et Feuerbach avaient bien raison de considérer qu'elle est la forme laplus originaire et la plus exemplaire de la conscience par l'homme de son humanité.

En elle se révèle bien leparadoxe central d'une telle conscience : il n'est sans doute pas possible qu'une existence ne soit, dans soncoeur le plus intime, subjectivement fondée sur des croyances qui d'un point de vue objectif semblentdénuées de tout fondement, et que la recherche de la spiritualité la plus haute ne prenne pas aussi parfois,pour celui qui l'observe « de l'extérieur », le visage d'une automystification.Cette réfutation des arguments naïfs qui déclarent la religion « fausse » parce qu'elle serait « en contradictionavec les données de la science » n'implique pas pour autant que la foi religieuse ait aujourd'hui, dans uneculture avancée, la même nécessité qu'à l'époque où elle était le seul moyen pour l'homme d'exprimer lesentiment métaphysique de son existence.

Bien des raisons expliquent que tout en restant sans douteindispensable dans nos cultures –ne serait-ce qu'en tant que dépositaire des traditions les plus anciennes et. »

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