La tolérance est-elle indifférente à la vérité ?
Publié le 09/05/2012
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Comment la tolérance serait-elle possible dés lors que je suis détenteur de la vérité ? Se vouloir tolérant, n’est-ce pas accepter la dissolution de la vérité ? Somme toute, qu’entendre par tolérance ? La tolérance est une règle de conduite qui laisse à chacun la liberté d’expression et de propager ses opinions alors même qu’on ne les partage pas. Mais fondée sur la vérité qu’elle soit scientifique, politique, religieuse ou esthétique, la tolérance consisterait à admettre l’opinion que je ne partage pas. Mais comme être tolérant sans renoncer à la vérité ? N’est-il pas intolérable de tout tolérer ? De tout tolérer jusqu’à l’intolérable ? De même qu’il est intolérable de se montrer intolérant ! Depuis lors : comment être tolérant sans renoncer à « la « vérité une, entière et indivisible ? La tolérance pour pouvoir s’exercer ne doit-elle pas nécessairement se tenir dans une froide indifférence, voire dans l’oubli de la Vérité ?
«
vérité.
Pirandello, dans À chacun sa vérité , a excellemment décrit la folie dans laquelle on s’enfonce
en épousant une telle conception.
Faut-il alors fonder la tolérance sur la supposée faiblesse de
l’esprit humain, sur la déficience de notre savoir, sur notre impuissance à accéder à la vérité en son
absoluité ?
Sans faire l’économie de la vérité, ne peut-on pas retenir l’hypothèse du relativisme pour qui
la tolérance s’assoit désormais sur la multiplicité des vérités ? Le pragmatisme suit cette voie.
En
effet, avancer que n’est vrai que ce qui est utile déconstruit l’idée d’une vérité absolue.
Pour Goethe,
par exemple, les vérités n’ont de valeur qu’utilitaire.
Dans sa lettre à Lavater du 4 octobre 1782, il
déclare : « Mon emplâtre ne réussit pas sur toi ni le tien sur moi.
Dans l’officine du Père, il y a
beaucoup de formules.
» La liberté n’existe que sur fond d’une exténuation de l’idée même de vérité.
Aussi l’argumentaire sceptique, relativiste et pragmatique possibilise-t-il la tolérance sur
l’évacuation de la vérité, en se tenant en retraite de toute enquête, en se détournant de la vérité.
Mais quelle est la vérité de la tolérance ? Faut-il assassiner la vérité et avec elle toute entreprise
zététique pour assurer la fraternité entre les hommes ? Sommes-nous condamnés au dilemme
tragique et déchirant du dogmatisme, pour ne pas dire du fanatisme ou renoncement à la vérité ?
Comment réconcilier Vérité et Liberté ? Ces deux exigences s’interpellent nécessairement et
mutuellement.
La vérité s’impose à nous.
Comment en effet ne pas d’admettre « ce qui crève les
yeux » ? L’évidence, pour parler comme Descartes, est indubitable.
Le vrai scientifique est démontré.
A.
Comte aura cette formule tranchante pour éradiquer de manière scientifique la tolérance qui ne
serait avoir un lieu : « Il n’y a pas de liberté de conscience en géométrie ni en astronomie » ( Cours de
philosophie positive, 1846 ).
La radicalité du vrai exclurait d’emblée toute liberté.
Peut-on débattre de
ce qui est démontré ? Peut-on remettre en cause ce qui a fait l’objet d’un examen minutieux et
rigoureux ? Il paraît difficile de discuter de l’argumentation d’une thèse lorsque celle-ci est d’une
parfaite logique et d’une cohérence implacable.
N’est-ce pas prendre le risque du non-sens que de se
laisser aller à nier ce qui s’impose comme vrai ? Toutefois, le positivisme comtien exerce une
violence quant au concept de liberté.
Certes, la vérité démontrée est indubitable, mais elle
n’opprime aucunement notre liberté.
Pourquoi ? Parce que toute vérité aussi rationnelle soit-elle
requiert non seulement la conviction mais aussi et surtout la persuasion.
Descartes ( Recherche de la
vérité par la lumière naturelle ) n’a pas tort lorsqu’il dit que nous pouvons ne pas voir ce qui se donne
à voir.
Je vois un homme marcher.
C’est une évidence.
Mais je puis très bien nier le voir ! L’erreur du
rationalisme positiviste est de réduire la vérité à la seule vérité scientifique.
Toute vérité est-elle
démontrable ? Il faut dénoncer le réductionnisme du positivisme de restreinte la vérité à la seule
vérité prouvée.
Mais la preuve n’est pas un principe de contrainte, elle est au contraire principe de
liberté.
Car dès que la preuve établie par autrui est mienne, loin de contrarier ma liberté, elle la
consolide.
La preuve est surtout une épreuve relevant de mon assentiment sous peine de glisser
dans le dogmatisme, dogmatisme consistant à accepter une vérité sans en comprendre la source.
Ainsi Pasteur de se mettre à l’écoute de la thèse de la génération spontanée, de donner à discuter de
son propre protocole scientifique ? Descartes n’a-il pas interpellé volontairement la communauté
philosophique pour lui adresser des objections aux Méditations métaphysiques ? C’est donc la libre
discussion des preuves qui fonde l’établissement de la vérité non selon le mode de la contrainte,
mais sur la modalité de l’assentiment.
Montaigne de dire dans Le s Essais : « Pour Dieu merci, ma
créance ne s’établit pas à coup de poing.
Qui établît son discours par braverie et commandement
montre que la raison y est faible.
» N’est-ce pas dire que le recours à la violence est manque de
secours de la vérité ?.
»
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