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La tolérance est-elle une vertu ou une démission ?

Publié le 16/10/2005

Extrait du document

VERTU (lat. virtus, force virile; de vir, homme)

Le sens ancien doit être distingué du sens moral moderne. Quand vertu traduit le grec arétè, ce terme désigne la qualité propre d'une chose, son excellence : l'arétè d'une épée est son tranchant; celle d'une bonne terre sa fertilité. Ainsi, pour un homme, développer sa vertu revient à développer en lui ce qui permet de le distinguer des autres êtres. Voilà pourquoi être vertueux et raisonnable sont une même chose. Or, la passion et le malheur ne tirent leur force que d'une faiblesse du savoir. Ainsi, vertu et bonheur sont liés pour les Grecs. Si certains auteurs modernes - tel Spinoza qui définit la vertu comme la puissance qui nous porte à agir « sous la conduite de la raison » en vue de l'utile propre - s'inscrivent dans cette filiation, la tradition chrétienne donnera à cette notion un sens bien différent. La vertu est plutôt effort incessant pour agir moralement, qui n'est pas toujours récompensé. Vertu et devoir sont en ce sens inséparables. Ainsi, pour Kant, la vertu, en tant qu'elle manifeste la force d'une volonté qui résiste, par devoir, aux penchants de la sensibilité, n'est pas ce qui nous rend heureux mais ce qui nous rend dignes de l'être.

TOLERANCE

Morale: Attitude qui consiste, non à renoncer à ses convictions ou à s'abstenir de les manifester, mais à s'interdire tous moyens violents, injurieux ou dolosifs pour les propager.

Analyse du sujet

·        Eléments de définition

Tolérance = Du latin tolerantia qui signifie « constance à supporter «.

1-     Acceptation d’une autorité de certaines conduites non conformes aux mœurs (voire aux lois) parce qu’elle estime la répression impossible, hasardeuse, voire même néfaste.

2-     Attitude morale respectant les opinions, les mœurs, les religions des autres hommes (opposée au fanatisme).

Le mot tolérance a souvent un sens laudatif mais atteste un certain désespoir de la vérité ; tout doit être toléré parce que le Bien et la Vérité ne peuvent être saisis.

Vertu = Du latin virtus, « mérite essentiel, vertu «

1-     Capacité actualisée propre à une chose ou à un principe. Puissance. Force. Pouvoir.

® Pour Spinoza, la vertu est la puissance même de l’homme. (Ethique, III)

2-     Disposition habituelle à réaliser un acte moral. Disposition de notre comportement relativement aux affections. (Aristote, Ethique à Nicomaque, LII.)

3-     Chez Kant, il s’agit de la force des maximes de l’homme dans l’accomplissement de son devoir. (Métaphysique des mœurs, Doctrine de la vertu)

 

Démission = Acte par lequel un renonce à une dignité. Il s’agit là d’un renoncement soit du fait de l’indifférence, soit du fait d’un désespoir quant à la possibilité de faire changer les choses et les hommes.

·        Angles d’analyse

→ La tolérance est une attitude qui aujourd'hui va de soi. Elle apparaît comme une des vertus suprêmes de notre époque moderne, comme ce qui est de l'ordre de l'obligation morale : il faut être tolérant. Elle représente pour beaucoup une conquête de l'esprit des Lumières sur l'obscurantisme religieux en même temps qu'un progrès lié à la démocratie.

→ Mais derrière ces évidences, la tolérance suppose et implique des enjeux à la fois épistémologiques, axiologiques et politiques: n'est-elle pas en effet la conséquence d'un certain scepticisme qui suppose que toute valeur et toute vérité sont relatives et que toute attitude universalisante ne peut être qu'illusoire ? De même, ne remet-elle pas en cause la valeur de la démocratie en traduisant une indifférence et un laisser-faire vis-à-vis des lois? Loin d'être cette vertu suprême qui nous obligerait, n'apparaît-elle pas alors plutôt comme l'une des conséquences majeures du nihilisme contemporain ?

→ C’est précisément au sein de cette alternative que nous aurons à trancher. Ce qu’il faut, au fond, c’est trouver une définition adéquate de la tolérance telle que cette dernière soit conforme à sa nature. C’est donc bien la nature même de la tolérance qui est ici à la question, et a fortiori le fondement de toute vie en démocratie.

Problématique

            La tolérance doit-elle être définie comme une vertu, c’est-à-dire comme un acte proprement moral dans lequel le sujet tolérant rend possible la vie en société (de manière pacifique) ; ou bien au contraire, n’est-elle le signe que d’une désillusion qui conduit à une démission des hommes quant aux conduites immorales, irrespectueuses, des autres ? La définition de la tolérance doit-elle, en droit, se faire au sein de cette alternative, ou au contraire, son essence même ne suppose-t-elle pas de dépasser ces deux options extrêmes ?

 

« Plan I- La tolérance comme vertu : effort moral qui rend la vie en commun possible · Nos sociétés démocratiques sont fondées sur le pluralisme et la relativité des valeurs impliquant lerespect des opinions individuelles et de la liberté de conscience et d'expression dans la mesure oùelles ne portent pas atteinte à l'ordre public.

Ainsi tolère-t-on autrui, même si l'on est d'un autre avissur sa manière de penser (en politique par exemple) ou de vivre (homosexualité, pornographie,avortement, etc.). · Une telle attitude se justifie par le caractère fini, dont parlait déjà Bayle, de la connaissance humaine:nous ne pouvons connaître la vérité, ni en déterminer les critères absolus.

La tolérance consiste àrespecter le droit inaliénable de l'individu à penser conformément à ses propres convictions parce qu'iln'y a pas en effet de vérité, ou de principe transcendant absolu, et traduit par là le règne dusubjectivisme: toutes les opinions se valent et tout le monde a le droit de les exprimer.

L'Etat lui-même, comme l'affirmait Locke dans sa Lettre sur la tolérance, se doit de ne pas contraindre les individus et de respecter leurs opinions. · Ainsi entendue, la tolérance résulte du conventionnalisme - toute vérité ne peut être qu'un accordentre les hommes qui ne peut valoir que relativement - et de l'historicisme - tout phénomène humainne peut être qu'historique et donc relatif à tel ou tel moment donné de telle ou telle société - quientérine la thèse selon laquelle seul le particulier et le subjectif ont droit de cité. · On comprend alors dans ce sens que la tolérance est bien une vertu, et ce au sens aristotélicien duterme.

La vertu, pour Aristote , consiste en la définition d'un juste milieu, relativement à nous : « La vertu est une disposition à agir d'une façon délibérée, consistant en une médiété relative à nous,laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait un homme prudent.

Mais c'est unemédiété entre deux vices, l'un par excès et l'autre par défaut ; et c'est encore une médiété en ce quecertains vices sont au-dessous et d'autres « au-dessus » du « ce qu'il faut » dans le domaine desaffections aussi bien que des actions, tandis que la vertu, elle, découvre et choisit la positionmoyenne » (Ethique à Nicomaque, II, 6).

Tolérer demande donc une certain ascèse et force d'esprit–il faut en effet être capable de comprendre que les autres peuvent avoir des idées divergentes qui nesont pourtant pas moins respectables que les nôtres) ; elle est, dans cette perspective, l'inverse d'unedémission puisqu'elle suppose une réflexion, un effort proprement moral de l'acceptation desdifférences de l'autre. II- Mais cette vertu traduit, dans nos sociétés contemporaines, bien plutôt une démission, c'est-à-dire une désillusion quant à la nature proprement morale de l'homme · Pourtant, cette conception de la tolérance moderne repose sur des contradictions, voire des paradoxes, qui ne vont pas sans poser problème.

En effet, ainsi que l'a montré Léo Strauss , le principe de tolérance se pose comme un absolu au moment même où il affirme qu'il n'y a pasd'absolu.

De même, il se veut universel alors qu'il résulte de la dissolution de l'universalisme. · Comment comprendre que d'un côté on nie absolument l'existence de principes de morale et dejustice universels, et que de l'autre on érige en absolu ce principe de relativité et d'équivalence qu'estla tolérance comme conséquence nihiliste du conventionnalisme et de l'historicisme ? · Ce que met ainsi en jeu le principe de tolérance n'est pas des moindres : comment continuer àrespecter dans nos sociétés démocratiques les opinions de chacun et échapper en même temps à ladissolution de nos valeurs et à renoncer à la recherche du vrai ? Il semble donc que la tolérance figureune certaine forme de démission quant à la moralité des hommes, et quant à l'universalité de la véritéet des principes de la morale.

En ce sens, la tolérance devient soit indifférence, soit abandon duparadigme de « valeurs universelles ».

dans ces deux cas, elle est précisément démission. · Aussi la tolérance doit-elle être critiquée dans son principe même, à partir des contradictions qu'ellemet en jeu de manières interne et externe. · Critique interne : A supposer que son exigence éthique ne soit pas un paradoxe comme nous venonsde l'analyser, elle ne pourrait quand même pas rendre compte de sa propre essence puisque, pour se. »

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